Gangster, dilemmes et mécanique

 

 

Note préliminaire : dans ce top 5 de l'année 2010, les différents intervenants à la vie du site ont choisi cinq jeux auxquels ils ont joué cette année, ce qui ne signifie pas que les jeux soient effectivement sortis cette année. Car c'est aussi cela, le quartier libre du jeu vidéo !
Nouveauté de cette année, chacun des intervenants a également choisi le jeu qu'il attendait le plus pour l'année 2011!

TOP 5 DE BLEUBLEUBLEU

1) Yakuza 3 (PlayStation 3, 2009) : Dans Yakuza 3, quand on fait marcher son personnage vers la plage au bord d'une eau bleue turquoise, on s'étonnerait presque de ne pas voir les mots "insert coins" clignoter en bas de l'écran et de ne pas entendre retentir le fameux jingle de notre enfance "SEGAAAA!"
Parce qu'en effet, en marge de ses prolifiques activités d'éditeur et de la surexploitation de ses plus vieilles licences, le jeu qui en 2010 représente le mieux l'image désormais légendaire du développeur Sega c'est bien celui là. Yakuza 3 est imparfait. Il n'est pas vraiment beau, l'animation n'a pas évolué depuis Shenmue et SpikeOut, le game design est archaïque, l'histoire est alambiquée, la narration catastrophique mais bon sang, combien de jeux de cette envergure cette année, peuvent s'enorgueillir d'une "patte" aussi marquée et si peu conforme à la norme du jour qui fait du jeu vidéo un si pâle divertissement?

2) Minecraft (PC, alpha - 2010) : Comme tous les "jouets logiciels", l'intérêt de Minecraft réside dans le nombre et la complexité des interactions qu'il permet au joueur. Or l'interaction est le cœur de Minecraft. Un monde virtuellement plus vaste que le nôtre, aléatoirement composé de millions de blocs destructibles et réutilisables ailleurs à l'envi. Les possibilités sont étourdissantes et ne souffrent que les limites de votre imagination. Par ailleurs, on ne peut que se réjouir de voir l'un des jeux les plus importants et les plus stimulants de cette année échapper complètement aux circuits de distribution classiques et par voie de conséquence aux filets de la presse professionnelle dont on voit bien désormais qu'elle n'aborde pas le médium sous un angle culturel comme nous voudrions que cela fut.

3) Metro 2033 (Xbox 360, 2010) : Chaque jeu demande un minimum d'implication au joueur; jouer selon les règles du jeu, sans quoi cela n'a que peu d'intérêt. Metro 2033 déploie des efforts considérables pour construire son atmosphère, il ne vous demande que d'accepter de vous y immerger. Ainsi que vous suiviez le fil de sa narration en arpentant ses couloirs où des monstres difformes s'alignent eux mêmes docilement devant votre mire ou que vous décidiez de rester sur place à écouter parler des PNJ attablés autour d'une bouteille de mauvaise vodka, à jouer avec le tourne disque et en surveillant cette fille court vêtue qui circule entre les tables, alors que le jeu vous a donné vos objectifs depuis cinq bonnes minutes déjà, vous répondrez à ces conditions basiques d'implication. Vous serez dans le Moscou apocalyptique des années 2030 dessiné d'une si belle manière par les artistes du studio 4A games.

4) Alan Wake (Xbox 360, 2010) : Alan Wake est probablement le jeu le plus policé de ce top 2010. Il est celui qui possède les valeurs de production les plus hautes et c'est pourquoi je l'ai choisi comme Uncharted 2 l'année dernière, il est ce qui s'est fait de mieux cette année. Cela ne veut pas dire qu'Alan Wake est le meilleur jeu de 2010, non, d'aucuns lui reprocheraient sa superficialité, en cela il souffre du modèle qu'il s'est choisi, simplement aucun jeu cette année, quelque soit la voie qu'il emprunte, ne s'est montré si abouti, si cohérent. Le jeu de Remedy est l'illustration de ce que peut être le jeu vidéo d'aujourd'hui à son plus haut niveau.

5) Ys Seven (PSP, 2009) : En 2009 je prédisais le retour d'Hexic HD dans mon top mais, Ys Seven ayant été traduit entre temps, mon amour déraisonnable pour la série de Falcom aura raison de moi cette année encore. Ys Seven dans la langue de Shakespeare se révèle plus profond encore et il est encore plus facile de s'y perdre, de s'y plonger avec un plaisir chaque fois renouvelé. En somme: FALCOM RULES !! (notez que le jeu est dispo sur le PSN français, je ne sais pas s'il est traduit cela dit mais c'est une très bonne opportunité pour les novices de s'essayer à l'un des titres les plus accessibles d'une série vieille de 25 ans)

Le jeu le plus attendu de 2011
Superbrothers : Sword&Sworcery ep (iOS) : S&S sera le prochain jeu de Capybara déjà responsable de Critter Crunch et M&M: Clash of Heroes. Les images parlent d'elles mêmes je crois. Le jeu est beau, l'atmosphère s'inspire brillamment des titres de Chahi et Mechner (Another World et Prince of Persia), l'interface est élégante, en somme, S&S est un jeu ambitieux là où l'on ne l'attend pas, sur iOS. Et avec lui, la perspective de voir Apple entrer sur le marché du jeu vidéo me réjouit.

TOP 5 DE IPPO

Un top 5 de 2010 basé sur la relation père-fils à travers les jeux et leurs propos, mais aussi plus naturellement autour du partage d'expériences et d'émotions d'un papa-joueur.

1) Heavy Rain (PlayStation 3, 2010) : Une œuvre sujette à controverse. Heavy Rain fut d'abord l'objet de débats entres joueurs afin de déterminer s'il s'agissait bel et bien d'un « vrai jeu vidéo » ou de « film interactif », son gameplay étant truffé de séquences en QuickTime Event. Ensuite, certains propos de David Cage, son créateur, ont fait naître une rage quasi systématique de la part d'une partie des joueurs (enfin, de ceux qui s'expriment sur les forums) lors de chacune de ses interventions, gangrenant par la même occasion bon nombre de fils de discussions. Pourtant, si l'on s'attarde au fond du message du créateur, il apparaît que son ambition n'est pas si éloignée de celle d'autres game designer qui tentent d'emmener le medium vers de nouvelles strates émotionnelles. Chacun son chemin pour y parvenir, et libre au joueur de suivre ou non la route que l'on trace devant lui...
Quoiqu'il en soit, j'ai adoré Heavy Rain. Il m'a fait vibrer, m'émouvoir, m'interroger, ressentir de l'empathie pour les enfants de cet homme, Ethan Mars, écorché par les aléas de la vie. Il m'a confronté à des choix, de dilemmes, à des décisions parfois instinctives, sinon réfléchies. Il m'a donné la possibilité de prendre part à la dramatique tranche de vie d'un homme meurtri, sans avoir de possibilité de revenir sur ses actes passés - comme dans notre propre vie, bien réelle, finalement.
Alors, au bout du compte, les polémiques ne m'intéressent pas. Elles ne résisteront pas aux souvenirs que m'aura laissés cette œuvre. Une œuvre imparfaite, surprenante, touchante, et dans laquelle on ne peut pas toujours tout maîtriser : à l'image de la vie.

2) Red Dead Redemption (PlayStation 3, 2010) : Vécu comme le renouveau du jeu à monde ouvert, RDR n'éparpille pas l'attention du joueur avec de trop excessivement intrusives quêtes annexes. Il remet au premier plan son personnage central et sa propre histoire : celle de John Marston. Un antihéros mature - oui, mature - que rien ne pourra détourner de son propre objectif : libérer sa femme et son fils de l'emprise de ses erreurs passées et s'offrir par la même occasion la simple joie de poursuivre le reste de sa vie en tant qu'honnête homme. La dimension contemplative de cette nature sauvage, si diversifiée et si brute - voire brutale - aura fait naître en moi la flamme aventurière d'un cow-boy à la recherche de la rédemption. Pour recouvrer sa dignité de mari, de père et d'être humain.
De la pleine lune se reflétant sur l'eau d'un lac à mes pieds, jusqu'au coucher de soleil s'effaçant progressivement en brûlant l'horizon lointain, Red Dead Redemption fut un voyage inoubliable.

3) Super Mario Galaxy 2 (Wii, 2010): Depuis mon premier Mario en 1997, un certain Super Mario 64, j'ai toujours adoré vivre les péripéties du petit plombier au sein d'environnement en trois dimensions ; chaque épisode apportant son lot de nouveautés, d'innovations, de formidables trouvailles tant au niveau du gameplay que du level design. Mais l'arrivée de cette suite me faisait un peu peur : ne risquait-il pas d'y avoir trop de redites ?
Après 20 heures passées en compagnie de mon âme sœur et même souvent de mon petit garçon, tous les doutes se sont envolés. Je n'ai éprouvé que pur plaisir de jeu, bonheur de la découverte, chaleur des couleurs et de ces personnages toujours si attachants, ou intenses vibrations à l'écoute des fantastiques orchestrations symphoniques. Avec ce Mario, mon fils aura appris de la plus belle des manières toute une grammaire du jeu vidéo. Il a découvert ce qu'était un Boss, une vie, un niveau, et cette sempiternelle quête de la princesse (Peach) que l'ont doit arracher des griffes du vilain méchant Bowser.
Des moments grandioses et gravés dans nos mémoires, sans aucun doute.

4) Joe Danger (PSN, 2010) : Le rire d'un enfant doit être l'un des plus beaux sons produits par l'être humain. Et je n'ai jamais autant entendu rire mon petit garçon devant un jeu vidéo que devant celui-ci. Derrière un principe qui parait simplissime, Joe Danger a un je ne sais quoi qui donne inlassablement envie de reprendre les commandes de la moto du cascadeur. Et surtout de faire exprès de ne PAS se baisser à l'approche d'une haie ou bien de rester trop longtemps en position de Superman - une seule main accrochée à la moto - jusqu'à ce que l'on touche le sol pour inévitablement voir se ramasser gentiment ce sacré Joe. Et dans ce cas là, le rire, ce joyau revigorant, est véritablement communicatif ! Mais Joe Danger n'est pas simplement drôle dans ses travers, il est aussi diablement jouable, précis et fun à jouer - même le plus sérieusement du monde.

5) Apprends avec les PooYoos : Episode 2 (WiiWare, 2010): Non non. Il ne s'agit pas d'un affront destiné à froisser les joueurs passionnés qui visitent Numericity.
« Mais, quand même pourquoi donc ce choix farfelu (et puis c'est quoi des PooYoos* ) ? ».
Eh bien pour tout vous dire, j'ai sélectionné ce titre parce qu'en échange de 500 Wii Points, il m'a offert quelques minutes de bonheur. Du bonheur passif et contemplatif, n'ayant pas de manette en mains. Et à vrai dire, ce n'est pas le jeu lui-même qui focalisait, non plus, mon attention. Mais bel et bien mon fils [oui, encore lui...].
Alors, observer son enfant, le sourire aux lèvres, en train de jouer et d'accomplir tout seul les épreuves des deux mini-jeux proposés par les PooYoos ; le voir se dandiner en rythme avec eux tout en mimant une danse rigolote, pour qu'enfin, le jeu terminé, il réponde au regard bienveillant de ses parents avec le sien : brillant, timide mais teinté de fierté.
C'est aussi ça, le plaisir du jeu vidéo.
* Les PooYoos sont des petits animaux rigolos modélisés en 3D : éléphant, panda, chat, lapin, tortue, etc.

Le jeu le plus attendu de 2011
The Last Guardian (PlayStation 3) : Il me tarde de plonger dans le nouvel univers créé par Fumito Ueda. De découvrir et ressentir les liens qui unissent cet animal imaginaire et cet enfant. A n'en point douter, la simplicité et l'humilité du génie créatif d'Ueda devraient faire des merveilles comme ce fut le cas avec ses deux précédents chefs d'œuvres passés, mais toujours ancrés dans ma mémoire : ICO et Shadow of The Colossus.

Encore merci à l'équipe de Numericity.fr pour m'avoir ainsi accordé leur confiance en publiant le « Focus PixelJunk Shooter », pourtant très éloigné de mon domaine de prédilection : le voyage et l'émotion.

TOP 5 DE NUMERIMANIAC

1) Banjo-Kazooie Nuts & Bolts (Xbox 360, 2008) : Rare ne cesse de mourir depuis qu'il est rentré dans le giron de Microsoft peut-on entendre. Leur dernier né ne ferait que confirmer la tendance entamée par Perfect Dark Zero ou Viva Piñata, en profitant sournoisement d'une licence installé et appréciée pour nous vendre autre chose. Et bien disons-le, ce « autre chose » est tout simplement un jeu majeur de nos consoles de septième génération. Grâce à un moteur physique inébranlable, des mondes aux conceptions variées et un éditeur de véhicule vraiment ergonomique avec des possibilités qui viendront ridiculiser votre imagination, le jeu, en plus de surfer sur la vague des jeux créatifs-inventifs, touche ce concept flou de gameplay émergent, nouvel eldorado du jeu vidéo, inscrivant l'ours des cocotiers dans le jeu vidéo contemporain. Et en plus, sous la posture de jeu de seconde zone, le jeu se permet une rigolote mais très réussie mise en abîme du jeu vidéo qui sonne avec une pertinence toute... Rare.

2) Lost Odyssey (Xbox 360, 2008) : Le dernier jeu de Sakaguchi Hironobu, père des Final Fantasy, est pour lui l'occasion d'approfondir son thème fétiche, le deuil, qu'il articule le plus souvent avec le souvenir, la mémoire. Sorti des griffes de la Major Square Enix, l'auteur peut désormais tout à loisir creuser cette thématique, en engageant d'ailleurs une réforme du J-RPG. Sous prétexte d'un jeu d'un rare classicisme, Sakaguchi hameçonne le joueur lambda et l'emmène avec lui sur des terres inexplorées par les autres RPG japonais, sur le plan thématique. Loin des explosions pyrotechniques ou du dynamisme des RPG actuels, Lost Odyssey prend le contre-pied et installe une expérience volontairement lente et tranquille où le joueur se sent apaisé, comme lorsque le deuil est enfin réalisé.

3) Minecraft (PC, alpha - 2010) : Au-delà de ses qualités, Minecraft, avec plus de 600 000 versions vendues en version alpha est le grand phénomène du jeu vidéo indépendant, même si la presse française est un peu frileuse à son égard. Débarqué dans une monde vierge, le joueur doit survivre à son environnement, et en particulier à la nuit, où de l'ombre peut surgir un danger. Pour cela, il doit trouver des ressources, les utiliser ou les rassembler pour construire... et c'est là le coup de génie : ce qu'il veut. Bien sûr qu'au départ on ne pensera qu'à se protéger, mais rapidement, pris d'une fièvre créatrice, le joueur se sentant en prise direct avec son environnement mais avec un pouvoir proche d'un dieu démiurge, laissera libre cours à son imagination, seule frontière de ce jeu aux possibilités infinies.

4) Dragon Quest : L'odyssée du roi maudit (PlayStation 2, 2006) : Si c'est le premier Dragon Quest auquel il m'a été donné de jouer, j'ai pu néanmoins ressentir tout le poids de cette institution du jeu de rôle japonais, en premier lieu dans son héritage. Mais avant tout, ce Dragon Quest a été pour moi l'occasion de suivre dans un monde au design formidable une aventure fleuve avec cinq personnages terriblement attachants, une bonne humeur sans faille, des dialogues (très bien doublés dans les versions occidentales) très fins et très drôles, des quêtes secondaires passionnantes comme l'arène des monstres. On ressent une sympathie certaine lorsque l'on passe près d'une centaine d'heures dans ce monde là. Et d'ailleurs, lorsqu'il est donné au joueur la capacité de voler au dessus du monde, on se sent nostalgique, à reconnaître tous les endroits parcourus, à se remémorer tous les chapitres de notre odyssée.

5) Machinarium (PC, 2009) : Il est doué ce Machinarium, parce qu'il est arrive à se mesurer à Prince of Persia (qui pourrait d'ailleurs aisément entrer dans une catégorie coup de cœur) ou Limbo sur l'échelle de mon enthousiasme cette année. Mais il a aussi une certaine chance. Et pour cause, ce délicieux jeu d'énigmes au design visuel inimitable et aux nombreuses références, ainsi que sa bande sonore, son univers naïf, son gameplay universel, son propos touchant, a été pour moi l'occasion d'expérimenter le jeu vidéo avec un être cher à mon cœur et de partager mon quotidien avec lui pendant quelques jours, où nous ne faisions que partager nos idées au sujet des prochaines énigmes forcément aussi drôles que tordues. Indissociable de cette année 2010 pour cette raison, le jeu d'Amanita Design se qualifie d'une façon impromptue mais amplement méritée dans notre top 5 de cette année.

Le jeu le plus attendu 2011
Fez (XBLA) : Attendu en 2009 puis en 2010, sa sortie demeure toujours incertaine pour 2011. Pourtant, je l'attends de pied ferme pour l'année à venir. Le cœur du jeu est de créer des effets d'optique entre 3D et 2D, un peu comme dans echochrome ou même Super Mario Paper, pour créer des énigmes visuelles pour progresser. Et ce qui est sans doute le plus excitant, c'est qu'au-delà de l'idée amusante des premiers instants, Fez semble se donner le mal nécessaire pour ne pas se contenter du concept et proposer un vrai bon jeu au level design surprenant.

 

bleubleubleu, ippo, Numerimaniac

Numericity.fr