En décembre 1997, après un long bras de fer entre mon frère et moi pour savoir si nous recevrions pour Noël une Nintendo 64 ou une PlayStation, c'est cette dernière qui se retrouva sous le sapin. Je voulais à tout prix continuer à jouer à Mario, tandis que mon grand frère, en plein dans l'adolescence, rêvait d'une console reflétant une image plus mature. Nos deux premiers jeux furent Formula One 97 pour mon frère et Croc : Legend of the Gobbos pour moi, un jeu de plate-forme sympathique que j'avais voulu pour retrouver, vous l'aurez compris, un semblant de jeu « à la Mario ». L'anecdote à ce sujet est que le CD était manquant dans mon boîtier, et que je dus attendre une dizaine de jours pour pouvoir y jouer en récupérant le CD qui tournait en démo d'une grande enseigne, avec les plates excuses de la direction.

En janvier 1998, j'entrepris une démarche qui me suivra pendant des années, l'achat régulier d'un magazine de jeu vidéo pour me tenir au courant d'une console dont je ne savais rien. J'avais entendu dire qu'il ne fallait surtout pas acheter de magazines officiels parce qu'ils truquaient les résultats de leur tests. En même temps, je ne souhaitais pas payer (ou faire payer à ma famille) un magazine avec des pages consacrées à une autre console que la mienne (j'ai bien changé depuis !). J'avais donc remarqué un petit magazine qui avait pour point positif de proposer des démos jouables de jeu. J'étais extrêmement séduit à cette idée parce que nous avions déjà une démo (la fameuse DEMO 1) fournie avec la console, avec laquelle on passait beaucoup de temps (Ridge Racer, Porsche Challenge, L'Odyssée d'Abe et les démos technologiques, comme la possibilité d'animer un T-Rex ou une raie manta). Ce n'était pas Player One, Joypad ou Console +, mais Total Play, un magazine qui ne dit quasiment plus rien à grand monde aujourd'hui.
Je mis alors la main sur le numéro 2 (le premier était sorti en décembre) pour la somme de 49 FF, tout de même (7,47€). C'est assez amusant de constater avec le recul qu'un nombre considérable de licences de jeux qui faisaient la une des couvertures à l'époque la font encore aujourd'hui. La couverture de mon premier numéro acheté était une gigantesque illustration de Grand Theft Auto, premier du nom !

Total Play est un magazine au doux parfum d'amateurisme. Contrairement aux autres magazines, son ton était, je crois, un peu plus léger (ou plutôt : encore plus léger !) et réalisait beaucoup d'articles qui faisaient du remplissage de page. Crédule à l'époque, et parce que ce qui est écrit est toujours vrai, j'essayais de retenir ce que le magazine appelait le beat'em up (je n'avais jamais entendu ce terme) répartis en une dizaine de règles, pour épater les copains. Ce qui est amusant à lire aujourd'hui, c'est qu'une partie de ces règles sont en réalité totalement issues de l'imagination du ou des rédacteurs, pour faire un compte rond. Autre trait typique de l'amateurisme, des coquilles assez fréquentes, et parfois, dans les grands titres. Ainsi, au détour d'une page, il était possible de lire : « Un Grand Jeu d'Avanture ». La maquette de l'ensemble était également beaucoup plus sommaire que les autres magazines. En l'occurrence, cette dernière donnée était une qualité de mon point de vue de lecteur. Je n'ai jamais trop aimé les maquettes surchargées, pleines de fouillis.

Autre sujet qui peut prêter à sourire, ce sont les tests, avec des notes souvent très positives, même pour des jeux qui ne le méritent pas. J'avais d'ailleurs appris, à force de lire le magazine, qu'en dessous de 8/10, le jeu était rarement digne d'intérêt. Et je me souviens avoir eu un mal fou à comprendre, quand j'ai commencé à lire d'autres magazines, que 6 ou 7 étaient également des notes honorables. Je me souviens, non sans une petite pointe d'amertume, avoir un jour décidé d'acheter un jeu noté 7/10. Il s'agissait de Star Wars Episode 1 : La Menace Fantôme... Le pire dans l'histoire, c'est que j'ai terminé le jeu !

Vous me direz sans doute que le tableau est un peu noir pour cette séquence de nostalgie. Le magazine partage en fait le même défaut que beaucoup d'autres revues et sites web aujourd'hui spécialisés dans le jeu vidéo : sous l'apparence d'un magazine décontractée et bon enfant, le fond était également assez relâché et toujours exclusivement positif (le jeu vidéo comme un monde parfait fait d'amour, d'émotion, de partage). Le but, c'était avant tout pour le lecteur de voir des images, et de baigner dans des mots qui parlent de notre passion, d'alimenter des débats avec des amis, avec bien sûr, la fameuse démo conditionnant l'achat du magazine, il faut bien l'avouer. La nostalgie aidant, ne peut-on pas verser une petite larme en voyant que l'E3 existait encore, flamboyant, et qu'il se tenait non pas à Los Angeles mais à Atlanta ?

Il existe aussi, je crois, quelques points intéressants dans le magazine qui méritent d'apparaître dans les qualités. La première c'était de mettre à côté de la note d'un jeu, les autres jeux du même type ainsi que la note qui lui avait été attribuée à l'époque, pour aider le joueur dans son achat. Dommage que certaines notes n'étaient pas toujours celles attribuées aux jeux comparés !! Une autre nouveauté était le test en une page de jeux sortis en gamme Platinum. Par exemple, Gran Turismo valait-il toujours la peine en gamme Platinum ? Valait-il mieux se jeter sur sa suite ? Le magazine développait également une page avec un immense planisphère sur lequel il plaçait des petits encarts pour expliquer ce qui s'y passait sur la planète PlayStation à différents endroits. A chaque nouveau mois, je me précipitais vers ce rendez-vous incontournable.
L'autre point positif, c'est que tout le dossier qui concernait les nouvelles consoles de l'époque, et plus particulièrement la sortie de la Dreamcast avait été suivie sur des pages et des pages, avec énormément de dossiers. Non officiel, le magazine avait littéralement encensé cette console avant même sa sortie. C'est aussi le grand début des comparatifs techniques très pointus, avec les interprétations des rédacteurs, avec des images si nettes qu'elles me faisaient rêver (images de Virtua Fighter 3, Metropolis Street Racer). En clair, je garde un souvenir presque impérissable de cette période, tant l'excitation était à son comble.

D'ailleurs, les mois et les années s'écoulant, il m'était de plus en plus difficile de trouver mon magazine... Je fus contraint de sauter plusieurs numéros et je me suis même rabattu sur divers autres magazines, dont Joypad, qui deviendra quelques mois plus tard mon magazine référence. Un jour, caché sous une pile, j'avais retrouvé un Total Play égaré. Son look avait changé, il était devenu plus professionnel, avant que je le perde à nouveau de vue, définitivement, après deux années de lecture. Dans le fond de ma mémoire, je croyais dur comme fer que le magazine avait existé sous le nom de Total Dream, mais c'est sans doute le pur fruit de mon imagination, du fait de l'engagement du magazine pour la console de SEGA. En faisant quelques recherches, à la sortie de la PlayStation 2, le magazine aurait été fondu, semble-t-il, dans PlayStation 2 Magazine, cette fois-ci pour devenir le seul magazine référence et officiel de la console...

 

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