[MAJ] Et voilà, le jeu est terminé, et mon verdict final est tout de même plus positif que ce que j'avais d'abord écrit ci-dessous. Gears of War Judgment a beau être le titre le moins marquant de la série, il parvient tout de même à trouver sa place dans la saga GOW grâce à une deuxième partie de son solo nettement plus intéressante que la première, et grâce à sa réalisation, en tous points remarquable. Retrouvez le test, en accès libre, à l'adresse :

https://www.dna.fr/loisirs/2013/03/22/un-genou-a-terre

 

Hello tous,

Depuis quelques nuits maintenant, je vois du Locuste partout. Du p'tit, du gros, du très gros surtout. Gears of War Judgment, c'est ça : la surenchère à tous les étages, les hordes d'ennemis qui se jettent sur vous de toutes parts. Et vous êtes là, au milieu, à chercher un moyen de ne pas être submergé. Boum, boum, boum. Vous n'avez pas fini de tirer.

GOW Judgment, c'est un spin of que j'attendais, forcément. Les trois premiers opus de la franchise Gears of War font partie de ces quelques grands moments que la Xbox 360 m'a offerts, supplantant dans mon coeur la PS3 durant quelques savoureux instants. Oui mais voilà: dans le 3 -spoil-, mon meilleur pote Marcus Fenix avait sauvé la planète et tout le toutim. Adieu Locustes, goodbye Lambent, l'humanité allait pouvoir tout recommencer, tout refoutre en l'air, économie, écologie, sans aucune arrière-pensée. Fin de la trilogie, l'affaire me semblait bouclée. -fin de spoil-

Revenir aux origines du conflit pouvait donc sembler une bonne idée. Dévoiler les premières heures de la catastrophe, montrer la panique dans les villes, expliquer où est passée cette humanité que l'on ne voit plus guère lorsque Fenix prend les armes... Un sacré programme, non ? A ceci près que Judgment ne prend pas ce parti. Oui, nous sommes bien aux origines du conflit, quinze ans avant les événements du premier "Gears". Mais non, nous ne verrons rien du catacysme initial, puisque c'est 13 jours après l'Emergence que ce Gears place son action. La planète est déjà dans un sale état, l'on en revient, grosso modo, aux environnements croisés dans les trois opus initiaux.

Fenix, logique scénaristique oblige, est évacué de cette affaire. Place à Baird, donc, à l'époque où il est encore lieutenant et en charge de sa propre escouade, alpha en l'occurrence. Le comparse de Fenix n'est pas seul, puisque Cole, autre bon Gears, est également de la partie. Une première question se pose : consacrer un titre à ces deux loulous peut certes se justifier, mais pourquoi donc ne pas avoir profité du capital sympathie que Dom a auprès des joueurs ? L'intensité dramatique du titre (-spoil- découvrir la trajectoire du héros avant son sacrifice final dans Gears 3 -fin de spoil-) s'en serait trouvée renforcée.

Le scénario, lui, est un peu nébuleux. L'escouade alpha se retrouve jugée devant un tribunal militaire pour une succession d'événements dont on n'a initialement pas une vision complète. La particularité de Gears of War Judgment est ici : c'est au fil des souvenirs de chaque membre de l'escouade que l'on parcourt les niveaux. La voix off des Gears se fait donc entendre, régulièrement, histoire de donner du sens au carnage qui se déroule sous vos yeux. Mais autant le dire tout de suite : non seulement cette option narrative n'est pas concluante, mais elle s'accompagne d'un délaissement quasi total de l'intrigue au profit de l'action, et de l'action encore. Un choix qui ne sera pas du goût de tout le monde.

Loin de moi l'idée de dire que la chose est rédhibitoire. Sur un plan purement technique, ce Gears place d'ailleurs la barre très haut. Visuellement, il démontre qu'il est encore possible de surprendre avec un hardware pourtant en bout de course. La complexité des environnements, les effets de transparence, la gestion de la fumée, la profondeur de champ, la richesse des couleurs - qui est une vraie nouveauté pour la franchise... Le joueur en prend plein les mirettes à chaque instant. Quand à l'aspect ludique, il est à la hauteur de la saga : third person shooting droit dans ses bottes, Gears of War Judgment ne change que très marginalement la recette (diablement efficace il faut dire) du gameplay des précédents opus, et met une fois encore le coop à quatre joueurs très en avant : l'IA des membres de l'escouade contrôlés par l'ordinateur laissant parfois à désirer, il vaut mieux, d'ailleurs, jouer avec trois amis pour tirer le meilleur de cette production bas du front et gentiment décérébrée.

Mais il est indéniable, aussi, que l'équipe en charge du développement du jeu n'a pas pris le temps de la réflexion. Soit, People Can Fly, à qui Epic a confié le bébé, a fait du bon boulot. Pad en main, les sensations sont les mêmes que dans les autres Gears of War. Mais les Polonais qui avaient assisté Epic dans les deux premiers opus (portage sur PC du premier Gears, développement additionnel dans le deuxième) n'ont visiblement la carrure pour conférer  à un tel jeu le souffle épique qui lui sied. C'est bien simple: jamais Judgment ne parvient à faire vibrer, à impliquer le joueur dans la trajectoire de l'escouade, là même où les précédents opus nous impliquaient à un niveau rarement atteint dans un jeu vidéo. Tout est question de construction : l'absence de cut-scenes, l'inexistance d'enjeux dramatiques, le level design et la nature des missions ultra répétitifs... Difficile d'adhérer à un titre qui oublie à ce point son héritage.

[EDIT] Arrivant au bout du mode solo, je me dois de nuancer un peu le paragraphe précédent. Si l'on n'atteint pas le niveau des précédents opus, ce qui laisse la plupart des remarques précédentes valables, Judgment parvient malgré tout à développer de réels enjeux dramatiques, et à captiver, dans sa deuxième partie. Le bonus de jeu prenant place à l'époque de Gears III est même franchement passionnant. Hélas, il est bien trop court.

Pour avoir joué à Painkiller et Bulletstorm, deux autres productions de People Can Fly, je peux néanmoins comprendre les tares dont souffre GOW Judgment : l'équipe de développement ajoute en challenge et en hardcore gaming ce qu'elle soustrait à l'ambiance et à l'esprit d'un Gears of War. La présence de challenges optionnels à chaque level (une grosse tête de mort rouge permettant d'activer une mémoire écartée du procès et dont l'évocation revient à activer une mission particulière dans chaque niveau), la faveur affichée aux environnements servant quasiment d'arène pour une mission survie face à des hordes successives de locustes, le principe d'étoiles à débloquer en fonction de ses performances au combat... Tout est conçu pour inviter le joueur à être performant, à devenir un champion du frag. Un changement de nature pour la série, en fait, qui n'est pas sans rappeler le succès rencontré en multijoueurs par le mode horde: c'est, peu ou prou, le même état d'esprit qui règne désormais dans la campagne solo de Judgement.

Il y en a sans doute certains que la chose satisfera. Mais pour être franc, je ne fais pas partie de ceux-là. Actuellement à la moitié de la campagne de Baird, je sais déjà que je finirai le solo de Gears of War Judgment - principalement pour aller tâter de la mission bonus que l'on peut débloquer avec 40 étoiles et qui permet d'apporter un nouvel éclairage à la campagne de Gears of War III. J'irai m'amuser quelques heures durant sur son multi - qui n'apporte d'ailleurs grand-chose de vraiment innovant - et je suis à peu près certain que j'aurai passé malgré tout un bon moment tout au long de cette affaire une fois que je rangerai le dvd dans ma ludothèque. Mais tout le problème est là. Si l'on ne parlait pas d'un Gears of War, cette satisfaction n'aurait aucun arrière-goût désagréable, celui d'une franchise exceptionnelle qui rentre discrètement dans le rang. Mais il faut croire que c'est dans l'air du temps. Les relatives déceptions Tomb Raider (sur le plan narratif, je vous renvoie à mon post) et God of War Ascension, ces derniers jours, nous rappellent qu'aucune franchise, fût-elle AAA, n'est à l'abri d'un faux pas...