(ATTENTION: CECI EST UN POST DECONSEILLE AUX MOINS DE 16 ANS)

 

Bonsoir à tous,

Trois euros. Pas un centime de plus. C'est le prix qu'il m'aura fallu acquitter pour ramener chez moi le dvd dont je vais vous parler aujourd'hui. C'est que les bacs des soldes cachent parfois quelques pépites ignorées. Dont The horseman. Retenez ce titre: si vous avez le coeur bien accroché, ce pourrait être votre bombe ciné de ce début d'année.

Lorsque j'ai pris en main la boîte, rien ne distinguait pourtant cette pelloche du magma de séries B et Z qui sont d'ordinaire indissociables de ce genre d'offres promotionnelles. J'aurais pu passer à côté, aisément. Sauf que voilà, trois euros, c'est un prix qui m'a incité à regarder d'un peu plus près cette affaire de vengeance aveugle, comme l'indiquait la jaquette. Jaquette dont je notais au passage le kitsch peu engageant : on y voit un gaillard au visage tuméfié de face, avec une baraque en flammes à l'arrière-plan. Surtout, le titre est surplombé d'une sentence bêtifiante au possible :

          Il ne peut pas ramener sa fille à la vie. Mais il peut envoyer ses tueurs en enfer".

Une ânerie sans nom, qui aura au moins le mérite de démontrer que les gars qui ont réalisé ce packaging n'ont sans doute pas vu le film ou, pire, rien compris à son propos. Je soupçonne d'ailleurs que c'est cette incompréhension de départ qui a valu au film une diffusion confidentielle dans l'hexagone. 

Toujours est-il qu'un bref examen de cette bébête boiboîte est venu me sussurer à l'oreille qu'il serait malgré tout peut-être judicieux de se laisser tenter : The horseman a en effet remporté le prix du meilleur film et celui du meilleur réalisateur au festival du film underground de Melbourne. Il a aussi glâné les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice à A night of horror festival Australie 2010. Pas nécessairement les rendez-vous cinéphiles les plus connus de ce côté-ci de l'hémisphère, mais sachez qu'il y a là la promesse d'un bon film bien déviant comme je les adore. Pour suivre un peu ce qui se passe du côté du cinéma australien, je sais en effet que la nouvelle génération de réalisateurs qui prend doucement les rènes là-bas aime le travail bien fait et entend proposer du cinéma même dans les productions au budget le plus limité. De fait, vous pourrez ne pas aimer un film australien. Mais il est extrêmement rare qu'une production de ce pays puisse être critiquée au niveau de ses qualités techniques.

The horseman sort visiblement de ce moule. Son réalisateur, Steven Kastrissios, n'a pour l'heure que ce long métrage à son actif, mais il y témoigne déjà de sa filiation avec ce cinéma de l'outback qui a accouché de Wolf Creek, Primal ou The loved ones, trois pelloches que je vous recommande d'ailleurs chaudement. Vous aimez frisonner devant les rednecks, les pourris de la pire espèce, le cradasse et la fange de l'humanité ? The horseman plonge dedans tête la première, et y maintient le spectateur en apnée, scotché, heurté, les poings serrés non pas face aux atrocités qui s'enchaînent à l'écran, mais parce que l'on souffre avec le principal protagoniste de ce qui constitue autant un "revenge movie" qu'un drame social et familial totalement désespéré.

The horseman, c'est l'histoire de Christian, un père qui se retrouve un jour confronté au pire: la mort de sa fille. Le sordide, tout de suite: la police ne lui épargne rien, son enfant est morte étouffée dans son vomi, consécutif à une overdose d'héroïne. Du sperme frais a également retrouvé dans son corps, ce qui laisse supposer que quelqu'un était présent au moment de son décès. Bientôt, ce père en perdition reçoit un courrier: une cassette vidéo dans laquelle il découvre sa fille tournant dans un film porno. Visiblement shootée, visiblement abusée par des porcs qui prennent leur pied. La folie meurtrière peut commencer.

La suite est moins stéréotypée qu'on pourrait le croire. Un savant jeu de flash-backs et une photo presque documentaire viennent donner au long métrage une personnalité pour le moins singulière. Cela, et un choix assumé de tourner sur des teintes presque monochromes. Ces partis-prix viennent intelligemment souligner que c'est le désespoir, plus que la colère, qui meut le père. D'ailleurs, The horseman, tout en plongeant progessivement dans les abîmes du porn - et plus profond encore - interroge incessamment la légitimité de l'action de son principal protagoniste. Il n'élude pas non plus - quoique l'abordant très subtilement - la question de la propre responsabilité familiale qui a poussé la jeune victime entre les mains  de ses bourreaux. Et pose, frontalement, la thématique de la responsabilité de la société dans cette affaire. Sans emploi, sans avenir, la jeunesse d'aujourd'hui en est parfois réduite au pire. 

Malgré des moyens visiblement très réduits, The horseman ne transige pas sur la qualité de sa narration. Ce qui s'avère payant : soutenu par un casting remarquable (Peter Marshall en tête), porté par une caméra au réalisme perturbant - et synonyme d'une violence étourdissante par moments- le film se révèle aussi une belle histoire d'amitié entre un père et une jeune auto-stoppeuse, Alice, qui va peu à peu l'amener à se confier. Un rôle crucial lui est d'ailleurs réservé, puisque c'est cette jeune femme qui, finalement, permettra à Christian de pleurer sa fille, de faire ce deuil qui lui était jusqu'ici refusé.

C'est tout le paradoxe de ce premier film remarquablement maîtrisé : The horseman est aussi beau et poignant qu'il est brutal et ambivalent. Finalement, dans cette histoire qui emprunte son titre à l'Apocalypse - The horseman, c'est Peste -, nous apprenons peut-être que nous sommes tous malades dans un monde qui pourrit sur pied. Déviant, je vous disais...

 

Le site officiel du film: https://www.thehorsemanfilm.com/

L'interview du réalisateur (en anglais): https://www.moviecritic.com.au/the-horseman-film-movie-steven-kastrissios-interview/