Salut à tous,

 

Parfois, le cinéma, c'est simple comme ça.

Six balles tirées, cinq cadavres à l'arrivée. Les preuves sont accablantes, elles mènent tout droit vers un ancien sniper de l'armée, dont on suppute qu'il a dû déraper. Mais le suspect n'avoue pas, il se mure dans le silence. Jusqu'à prendre un stylo pour écrire une seule et unique phrase devant ses accusateurs: "Get Jack Reacher".

Jack Reacher, c'est un héros de bouquin avant d'être une figure de cinéma. Lee Child, son créateur, en a fait un aventurier à l'esprit vif, enquêteur hors pair, aussi épris de justice que froid, taciturne et peu enclin à respecter les lois pour atteindre ses objectifs. Reacher, c'est un Charles Bronson des temps modernes. Il ne respecte que son code moral. Code moral qui l'enjoint à tenir les promesses faites des années auparavant, à franchir sans vergogne la ligne rouge s'il le faut. Sur 17 volumes, c'est ce gars-là qu'on qualifie de héros. Notre société serait plus encline à le clouer au poteau.

Du coup, porter les histoires de Lee Child sur grand écran, c'est au minimum hasardeux par les temps qui courent. Pourtant, sous l'impulsion de Tom Cruise, la chose est devenue réalité. Et pour quel résultat: l'adaptation atteint, par la grâce d'une liberté de ton qu'on croyait perdue, le niveau de ces films délibérément badass et politiquement incorrects que savaient produire les seventies. Car il y a du Don Siegel dans cette histoire. Sans doute aussi du Sergio Leone, nous l'allons voir plus tard.

Jack Reacher version grand écran a reçu la bénédiction de son créateur, et ce n'est pas pour rien. Car le long métrage, inspiré du roman One shot sorti en 2006, se met au service de la vision de l'auteur avant tout. Et Mc Quarrie, capable du meilleur comme du pire, a bien compris que le sel de cette narration résidait dans la fausse importance attribuée à l'intrigue -laquelle s'offre d'ailleurs quelques facilités qui feront sourire, ici et là-, ceci au profit d'une galerie de personnages hauts en couleur et auxquels l'intrigue laisse toujours le temps de mettre en avant leur personnalité autant que leurs zones d'ombre. Alors oui, il y a bien une sombre histoire de complot à laquelle les principaux protagonistes de l'aventure devront faire face en 2 heures et quinze petites minutes. Mais classique, celle-ci s'efface très largement pour laisser place au jeu de Cruise, pour donner du volume au seul rôle féminin important du film - l'excellente Rosamund Pike-, ou pour s'amuser avec les seconds rôles dont on adore toute l'incongruité. Robert Duvall excelle en ancien marine un rien déjanté. Werner Herzog (Aguirre, la colère de Dieu, c'est lui) s'amuse comme un fou en bad guy rescapé des goulags, aussi glacial qu'impitoyable.

Mais celui qui porte le film, c'est bien le petit Cruise. 1,70m de haut, c'est certes loin de la stature du héros du bouquin (1.90m). Mais Tom, comme toujours, assure le boulot, et plus encore. Jack Reacher est froid, pince-sans-rire, capable d'être furieusement drôle puis totalement flippant l'instant d'après. Cruise embrasse ces traits de caractère avec bonheur, leur ajoute une discrète dose de sex-appeal pour camper à l'arrivée un taciturne insaisissable dont on serait bien inspiré d'écouter chaque phrase. Car Reacher dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit. Avec une candeur telle qu 'il s'attire immédiatement les sympathies. Ainsi sans doute peut-on expliquer la scène surréaliste de la foule qui cache Reacher à l'arrêt de bus : une manière pour Mc Quarrie de souligner que malgré ses mauvais penchants, son goût pour la vendetta personnelle, nous sommes tous épris quelque part de cette justice sauvage et primaire que dispense le "vigilante" de Lee Child, aussi contestable soit-elle. Et pan sur le nez des démocraties éclairées. C'est ce qu'avait mis en scène Don Siegel à travers la figure de Dirty Harry. C'est aussi, à y réfléchir un peu, l'une des lignes-force du western spaghetti. Pas étonnant, lors que la manière de filmer les confrontations physiques de Mc Quarrie rende ouvertement hommage aux combats mis en scène par Sergio Leone.

En 2h15, Jack Reacher n'échappe bien évidemment pas à quelques longueurs, fautes de raccords et faiblesses scénaristiques parfois embarassantes. Mais il y a dans ce polar plein d'humour noir une telle envie de  s'affranchir de la dictature des bien-pensants et une énergie si salvatrice que l'on ne peut que se laisser emporter dans cette friandise aux allures de blockbuster que l'on aurait sournoisement détourné de ses objectifs premiers.

Il paraît que ce Jack Reacher ne serait que le premier volet d'une franchise appelée à durer ; si second opus il y a, je serai au ciné pour en profiter...