Alain Souchon ne croyait pas si bien dire : dans Lollipop Chainsaw, la grande affaire, c'est bel et bien de voir sous les jupes des filles. Ou plutôt, sous la mini-jupe de la ravissante Juliet Starling, pomp-pom girl de son état, fermement décidée à masquer ce que l'on aura pourtant tout loisir d'admirer en sa charmante compagnie - et en celle de zombies : une culotte rose bonbon qui semble avoir inspiré à Suda 51 et son équipe de développement de Grasshoper Manufacture un trip vidéoludique des plus déjantés. De mauvais goût ? Oui madame. Rigolo ? Encore oui, trois fois oui. Mais faute avouée est à moitié pardonnée.

Car à l'image d'un Quentin Tarantino ou d'un Roberto Rodriguez, Suda 51 assume. L'esprit badass, les idées décalées, la vulgarité. Se jouer des genres, vouer un culte au Z le plus débridé. Le fan service au public japonais. A l'instar de sa précédente production, le délirant Shadow of the damned, Suda 51 utilise le support du jeu vidéo pour invoquer tout ce qui fait la saveur de ces productions ciné US -les fameux films d'exploitation- qui envahissaient les salles obscures dans les années 50 à 70. Le kitsch, sans doute. Mais aussi la générosité.

En clair ? Un joyeux foutoir où tout est bon pour étonner, choquer, surprendre, amuser. Lollipop Chainsaw se déguste comme un bon vieux beat'em all, à ceci près que son personnage principal -la peu farouche Juliet, donc- est aussi charmeuse que redoutable une fois une tronçonneuse à la main. Et tout est à l'avenant : dans le collège de l'héroïne pris d'assaut par les hordes zombies, l'on va de surprise en surprise, et de fou rire en ahurissement. Nick, le petit ami, est décapité mais sauvé de la mort pour devenir un accessoire vociférant bien utile en certaines occasions du jeu. La famille fait irruption pour expliquer les talents de la demoiselle en matière de kung fu. Les zombies sont cradingues à souhait, et guidés par des boss dont le look n'a d'égal que leur aspect totalement déglingué. Un jeu de miroirs et de paradoxes incessants, où au trash et au gore répondent le rose bonbon et la naïveté -la niaiserie?- de l'univers dans lequel évolue le personnage principal du jeu. Et n'allez pas croire que cet univers ne soit que l'apanage de l'héroïne !

Evidemment, avec une telle recette, Lollipop Chainsaw prend le joueur aux tripes, pour ne plus le lâcher. Mais la réaction peut aussi être épidermique : certains auront du mal à supporter cet improbable mélange des genres, ce teen movie aussi macho que féministe, testostéroné mais où l'apparition d'une poupée Barbie n'aurait pas forcément détonné. D'autant que le jeu, derrière son indéniable créativité, reste malgré tout assez classique, et parfois un peu limité. Le beat'em all finit par être répétitif, le level-design est inégal, la sensation d'évoluer dans des couloirs renvoie à des productions qui avaient cours sur les anciennes générations de consoles. Daté, indubitablement, Lollipop Chainsaw l'est. Jusque dans sa partie purement technique, avec une 3D et des textures totalement dépassées.

Imparfait, donc. Agaçant, également. Il est sûr, encore, que l'on aurait aimé pouvoir parcourir ces quelques heures -bien trop courtes- en coopération avec un autre joueur. Mais Lollipop Chainsaw emporte malgré tout la mise en faisant preuve, sur le plan artistique, d'une honnêteté à toute épreuve. Loin des blockbusters formatés, on pourra y apprécier une véritable petite bouffée d'air frais...