Voilà, c'est fini. Des mois que j'attendais ça. Quand Ridley Scott a annoncé son intention de donner une préquelle à l'un de ses films fétiches, Alien, tous les amateurs du genre ont bruissé des plus fols espoirs. Enfin, se disait-on, on allait tout savoir du space jockey, de l'origine des créatures, de la fameuse planète LV4-26. Et au passage, on se disait aussi qu'on allait de nouveau méchamment pétocher dans notre salle de ciné. Et c'était pas trop, parce qu'il y a longtemps que la peut n'y a plus guère droit de cité.

Oui, je faisais partie de ces croyants-là. De ceux qui voulaient croire que Sir Ridley ne pouvait pas se louper avec un tel matériau de départ. Tout était là pour que Prometheus soit un nouveau mythe de cinéma. Et même les bandes-annonces ont entretenu savamment ce rêve. Imaginez donc dans quel état d'esprit je me suis enfoncé dans mon fauteuil, en ce début d'après-midi. Quand les lumières se sont éteintes. Quand les origines de l'homme, en une monumentale introduction je dois bien le reconnaître, m'ont été dévoilées. Et quand le titre du film s'est inscrit à l'écran, en ces mêmes lettres qui me terrifiaient , étant enfant. J'en frissonne encore, alors que je suis devenu grand.

Ouch.

Plus dure sera la chute, dit le proverbe. il convient parfaitement pour décrire ce que je ressens à présent. Prometheus est un mensonge de deux heures, une succession de prises de vue "clipesques" mises bout à bout en dépit du bon sens et de l'idée qu'un film, c'est avant tout une histoire à raconter. J'en suis déboussolé : qu'a donc voulu faire ici le géniteur d'Alien ? Scénario indigent, absence totale de rythme, tension inexistante, dialogues téléphonés, galerie de personnages totalement artificielle, lieux communs de la science-fiction et glorification -une fois de plus- de l'héroïsme sacrificiel à l'américaine...

[A PARTIR D'ICI, LA CRITIQUE INTEGRE DES SPOILERS]

L'affaire démarre pourtant plutôt bien, je l'ai dit plus haut, avec la création de l'humanité via l'ADN alien, déposé de manière séminale sur notre planète. Quelques instants plus tard, nous faisons un saut dans le temps pour découvrir que Prometheus n'est autre que le vaisseau qui part à la recherche de nos origines. Deux archéologues ont identifié une séquence graphique commune à l'expression culturelle et artistique de plusieurs civilisations séparées dans le temps, mais aussi géographiquement distinctes. Cette séquence renvoie à un point précis de l'univers, et l'homme de l'interpréter comme une invitation à rencontrer ses géniteurs.

L'on se doute bien que cette "invitation" n'en est pas une, et très vite l'équipe de 17 personnes présente dans le vaisseau en fait l'amère expérience. Mais de quelle manière. Les deux premières victimes, qui jouent (!) avec l'entité extraterrestre rencontrée avant d'être attaquées, sont risibles. Elles décrédibilisent le film à cet instant précis, lui qui jusqu'alors parvenait à donner le change. Le top départ, presque, du grand cirque Barnum. Le scénario, qui s'était evertué à établir les fils d'une intrigue plutôt bien vue, se perd dans les méandres de rapports humains aussi envahissants à l'écran que mal filmés - les soaps TV ne sont pas loin. Les scènes s'enchaînent sans plus aucune logique, les rebondissements sont, au choix, cousus de fil blanc ou complètement aberrants. Des exemples ? David, l'homme artificiel de la Weyland Corp., se pique d'infecter un membre de l'équipe "pour voir ce que ça fait", puis s'amuse, sans le moindre contrôle du reste de l'équipage, à poursuivre ses petites expériences sur l'héroïne -qui ne lui en voudra même pas! Papa Weyland qui fait son come back totalement stérile aux deux tiers du film -je me demande encore à quoi cela pouvait bien servir. La divine Charlize Theron, elle, ne parvient pas même un instant à trouver sa place dans l'intrigue, figurante de luxe dont la fin vaudra bien que l'on pouffe quelques instants. D'une connerie écrasante...

Il y a pire. La musique du film donne une tonalité très particulière à l'oeuvre, comme si elle renvoyait à un espoir, un acte de foi constant de l'homme en faveur de son créateur. Malgré les indices de plus en plus évidents montrant que ce géniteur avait l'intention d'en finir avec son oeuvre, malgré la découverte du caractère tristement humain de celui-ci -quelle drôle de point commun, que celui de s'amuser à créer des armes de destruction massive-, elle se perd en une orchestration symphonique doucereuse, désamorçant le peu de suspense qui pouvait encore subsister à l'écran. Ah, et j'allais oublier les trompettes version Sonnerie aux morts lorsque le fier équipage décide de donner sa vie pour empêcher le vaisseau ennemi de s'envoler et s'en aller détruire une foi pour toutes l'humanité. Soyons francs : on aurait vu plus adéquat qu'une référence à Independance Day dans un tel métrage.

[FIN DES SPOILERS]

Prometheus est un échec, de grande envergure. De tous les enjeux qu'il pose en sa phase d'exposition, il ne résoud que l'essentiel. Oui, nous saurons qui sont ces ingénieurs, ces extraterrestres entraperçus dans le premier Alien. Oui, nous aurons notre explication -sur le fil- concernant la naissance du fameux xénomorphe qui a fait notre bonheur dans les années 1980. Mais non, les grandes questions posées en guise d'introduction ne trouveront aucune issue satisfaisante, ou même originale. En lieu et place, une philosophie de bazar, enrobée dans la mièvrerie d'un personnage principal -Noomi Rapace, hélas pour elle- qui en viendra à s'en remettre au sens du vent.

Aux antipodes d'Alien, Prometheus remise le concept du huis-clos alors que son intrigue se déroule, paradoxalement, dans une succession de galeries étouffantes. Il en perd toute capacité à susciter la peur, et au passage à intéresser autrement que pour sa beauté plastique indéniable. Vraiment trop peu face aux attentes que le film avait suscitées...