Bonjour à tous,

Deux mois et demi après le lancement de l'offre Free Mobile, j'estime qu'il est temps de dresser un premier bilan étayé de la situation. Voici en effet 60 jours, très exactement, que j'utilise le service lancé par Xavier Niel et son groupe. J'ai donc vécu les deux pannes géantes et pu voir les évolutions du service au fil de la montée en charge du réseau. Je dois dire que je n'ai pas que des choses sympathiques à raconter. Mais je vais essayer de rester aussi objectif que possible.

 

Un lancement en grande pompe

Le 10 janvier, Xavier Niel s'offre une conférence de presse en forme de clin d'oeil aux keynotes d'Apple. Il y annonce la naissance des deux premiers forfaits Free. L'un, illimité, est établi à 19,99 euros par mois (15,99 euros pour les abonnés Free) et l'autre, sans data mais avec 60 minutes de communication et 60 sms pmensuels, à 2,99 euros par moi. Il est gratuit pour les abonnés Free, ce qui envoie dans les choux tous les forfaits "sociaux" de la concurrence.

L'ouverture des abonnements démarre quelques heures plus tard. C'est le rush. Pour ma part, je mets trois jours à me décider, tentant de peser le pour et le contre. Puis je décide de me lancer. Je suis, dès alors, conscient que je vais sans doute essuyer les plâtres d'un réseau encore en cours de constitution. Mais il s'agit de soutenir la montée en puissance de ce quatrième opérateur qui va faire chuter les prix. Free vise les trois millions d'abonnés pour atteindre la rentabilité. Il faudra une dizaine de jours pour que je reçoive ma puce et que ma ligne (en transfert RIO) soit activée. Je fais partie des chanceux, à l'époque. Pour les autres, direction la hotline. Qui, faute de moyens suffisants, refuse les appels de la plupart des clients plusieurs semaines durant. Cela fait un peu mauvais genre, quand même.

La montée en puissance... Trop rapide ?

Malgré ces difficultés au démarrage, les choses semblent cependant bien se passer pour Free. Les premiers utilisateurs renvoient des avis assez favorables, notamment sur le plan des taux de transfert de data. Et les deux ou trois premières semaines où je peux utiliser mon forfait, c'est effectivement le cas. Les appels passent dans une grande majorité, et le flux 3G est souvent impeccable.

A partir de la première quinzaine de février, les choses commencent à doucement se déliter. On ne s'en rend d'abord pas bien compte. Quelques contacts ne parviennent plus à me joindre à certaines heures de la journée, je dois retenter plusieurs fois un appel pour que celui-ci se lance, les pages web visitées peinent par intermittence à charger. A l'époque, je mets tout ces problèmes sur el dos de mon iphone. Celui-ci m'a déjà causé quelques soucis du même type. Mais l'utilisation d'un autre smartphone et l'arrivée d'un deuxième forfait dans le foyer, pour ma compagne, démontre vite que c'est bien Free Mobile qui présente des faiblesses. C'est à ce moment-là que la question des relais commence à se poser. Le réseau Free est-il réellement bien implanté dans l'hexagone ? Orange, apprend-on alors, a signé un contrat d'itinérance avec Free, à hauteur d'un milliard d'euros, pour l'utilisation de son réseau par le jeune opérateur. Free, par cet accord, peut en effet rebasculer une partie des appels (principalement ceux en 2G) sur le réseau d'Orange. Il s'agit d'une préconisation de l'ARCEP, Free couvrant pour l'heure un peu moins de 30 % du territoire, et le dispositif ne court que jusqu'en 2014. Une période transitoire. Et le début des embrouilles, en fait.

Des pannes géantes, à répétition

Car l'accord ne dit apparamment pas grand-chose quant à la mise à disposition maximale du réseau Orange. Et la montée en puissance très rapide de Free Mobile -2,2 millions d'abonnés selon les derières rumeurs- pose vite de sérieux problèmes. Au moins trois fois depuis mi-février, le réseau Free est purement et simplement "tombé". Plus grave, ces événements ont aussi eu un impact sur le réseau Orange. Et de manière générale, l'opérateur historique se plaint de l'utilisation, "abusive" selon lui, de ses infrastructures. Selon Jean-Ludovic Silicani, le patron de l'ARCEP, le phénomène serait fortement lié aux forfaits à deux euros : ces derniers inciteraient les usagers à ressortir de vieux téléphones 2G pour en profiter massivement (https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/03/24/97002-20120324FILWWW00477-freeorange-pourrait-suspendre-l-accord.php).

Aux dernières nouvelles, les choses se sont considérablement envenimées entre Free et Orange : le deuxième serait prêt à suspendre le contrat qui le lie au premier. La fuite de la clientèle d'Orange -qui ne met pas ses forfaits à niveau sur le plan tarifaire, arguant que "les clients sont prêts à payer pour la qualité (70 euros en l'occurrence pour une offre comparable à celle de Free Mobile)"- vers Free Mobile ne doit sans doute pas aider.

La situation aujourd'hui

Pour l'heure, c'est de toute évidence le client Free qui trinque. J'évoque ici la situation dans mon foyer. Depuis une dizaine de jours, la ligne est de plus en plus mauvaise, les appels passent en moyenne une fois sur trois ou sur quatre, dans les deux sens. Les SMS, quand ils passent, mettent parfois une bonne heure à arriver à destination et le trafic data est devenu totalement aléatoire. Le pire, ce sont les messages sur répondeur. Situation ubuesque pour les possesseurs d'iphone : d'un, la messagerie visuelle n'est toujours pas active; de deux, le service met parfois des jours entiers à prévenir que des messages attendent d'être écoutés. J'ai été prévenu de la présence de messages sur mon répondeur une semaine après les avoir reçus. Gênant. Pour un particulier, cela peut encore passer. Mais pour un professionnel, on est dans le domaine de l'inacceptable.

Faut-il revenir sur ses pas ?

Certains jeunes clients auraient déjà franchi le pas : retourner vers les offres des opérateurs historiques, qui ont dégainé des mises à niveau tarifaires intéressantes sur leur gamme low-cost (soh, red, b&you), ou vers celles des opportunistes éclairés (Virgin Mobile...) Selon Le Parisien, 2000 clients de Free Mobile quitteraient le navire quotidiennement, ces jours-ci. La mauvaise qualité du réseau rend le phénomène compréhensible. Le retard de l'arrivée dans le store de l'iphone 4s, qui avait joué les sirènes en janvier, ne doit pas aider non plus.

Pour autant, je ne suis pas sûr qu'il faille quitter Free Mobile. En tout cas, certainement pas pour une offre imposant un engagement de douze ou ving-quatre mois. Il y a fort à parier que l'opérateur montera rapidement en puissance, soutenu par l'Etat face aux communes récalcitrantes souhaitant empêcher l'implantation d'antennes-relais. Je précise au passage que je n'aborderai pas ici la question de la nocivité de ces antennes, le sujet est trop vaste et il y existe des sites très bien pour faire le point sur l'état actuel de nos connaissances en la matière. De plus, il y va d'une certaine idée de la téléphonie : l'arrivée de Free sur le marché a eu le mérite de faire bouger les lignes, et de tirer vers le bas le prix des forfaits. Rien que pour cela, il est important de laisser sa chance au nouveau-venu.

Pour ma part, ma décision est prise : je reste, pour l'instant. Je laisse un peu de temps pour voir comment évolue la situation. Je peux me le permettre, n'ayant plus d'usage professionnel de mon smartphone depuis peu. D'autres n'auront pas cette latitude...

Petite consolation: une vidéo parodiant les "bref" de C+ circule sur le web et traite justement du sujet Free Mobile. Marrant, donc je partage...