Salut à tous,

A bien y réfléchir, c'est peut-être la seule question qui mérite vraiment d'être posée.

Notre monde fonctionne sur deux principes fondamentaux : la compréhension par la science des phénomènes qui nous entourent au quotidien, et la réponse ésotérique aux problèmes qui ne trouvent pas de solution rationnelle. Si l'homme est devenu une créature religieuse au fond des grottes néolithiques, c'est tout simplement par peur de ce qu'il y avait après la mort, par crainte d'un monde qu'il ne parvenait à expliquer. Le ciel envoyait des éclairs? Acte divin. Un animal dévorait un enfant? Un sacrifice totémique. L'homme a toujours besoin de croire en quelque chose qui le dépasse.

Et fondamentalement, nous n'avons pas changé depuis cette ère reculée.

Outre la question de la vie après la mort, aujourd'hui, il ne reste cependant plus guère qu'une question de cette envergure, qui va jusqu'à faire douter les esprits les plus posés: qu'en était-il avant que le monde soit monde ? Par monde, j'entends l'univers. Nous n'avons pas de réponse. Au point que dans les laboratoires les plus avancés, c'est la question de Dieu et de la foi qui, pour certains, est posée.

Comme vous le savez peut-être, en l'état actuel de nos connaissances, le modèle Lambda CDM (Cold Dark Matter) permet d'estimer son âge à 13,7 milliards d'années. Mais que s'est-il passé à ce moment précis, lorsque du néant a surgi quelque chose ? C'est la grande inconnue de la théorie du big bang. Les recherches les plus poussées ne s'approchent de l'instant initial qu'au mieux de 300 à 350 000 années. Comment font-il ? Il s'agit pour les scientifiques d'étudier le rayonnement cosmique, qui porte en lui des informations sur la genèse de l'univers. Si un jour l'on doit comprendre ce qui s'est passé, ce sera au moyen de téléscopes toujours plus puissants, et en scrutant le fin fond des étoiles. On y trouvera peut-être, au passage, une trace de vie et de civilisation extraterrestre, entendu que les dernières estimations scientifiques jugent hautement improbable que nous soyions seuls dans cette immensité galactique.

La modélisation de l'inflation de l'Univers, à la lumière de nos connaissances actuelles.


Et puis, l'autre grand mystère tient à savoir ce qu'il y avait avant. En voilà, une fascinante question. Avant l'univers, y avait-il le néant ? Un autre univers ? Un multivers ? Jusqu'à tout récemment, se poser cette simple question avait quelque chose de désespérant autant que de vertigineux. Et pour cause : personne n'imaginait qu'un jour il deviendrait envisageable d'y répondre.

Le télescope spatial Planck offre de nouvelles perspectives à la Science.


C'était sans compter sur l'ingéniosité des scientifiques. Dans le numéro de mars 2012 de Science et Vie, le dossier du mois aborde en détail le sujet. Le téléscope spatial Planck, en orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre, scrute le fin fond du cosmos pour y voir les premiers jours de l'univers. Mais mieux encore, il pourrait bien voir davantage, à savoir ce qu'il y avait avant.

La réponse se cacherait une fois de plus dans la lumière. Plus précisément, dans le rayonnement cosmologique fossile que Planck a réussi à enregistrer avec une précision inégalée. Ce rayonnement, ont découvert les scientifiques, présente d'infimes variations liées à son histoire passée. Et pourrait, bien étudié, permettre de saisir une sorte d'avant-univers que diverses théories -comme celle des Cordes ou la théorie quantique à boucles-  rendent possible.

Quatre hypothèses

Vous me demanderez sans doute ce qu'un rayonnement peut permettre de comprendre. En fait, quatre hypothèses se basant sur ses variations -infinitésimales, d'où la difficulté- sont pour l'heure envisagées. Le décryptage des données de Planck, d'ici l'année prochaine, permettra de définir la thèse la plus probable..

- Si des cercles concentriques apparaissent sur la carte, alors le big bang serait né d'une collision de notre univers... avec un autre univers. En clair, il y aurait des univers parallèles au nôtre, d'après cette conception qui se fonde sur la théorie des Cordes. La thèse d'un méta-univers, dans lequel notre cosmos ne serait qu'un petit élément, serait renforcée.

- Si l'on ne voit aucun motif, notre univers pourrait être né "au coeur d'un trou noir en expansion", lui-même élément d'un méta-univers plus vaste et plus vieux, selon cette conception également fondée sur la théorie des Cordes.

- Si l'on voit des petites taches, cela signifierait que le big bang n'est qu'un aléas dans l'histoire de l'univers, plus ancien que cette explosion. Le big bang pourrait être né de l'effondrement de l'univers avant une nouvelle expansion.

- Si l'on voit des taches de toutes les tailles, alors les scientifiques en seraient pour leurs frais, puisqu'il ne serait pas possible d'utiliser le rayonnement cosmique pour comprendre l'avant big-bang. D'autres pistes existent, mais elles prendraient davantage de temps pour devenir exploitables.

Ces théories sont assez vertigineuses. Elles sont, surtout, désormais prises très au sérieux, au point qu'une nouvelle science a vu le jour : l'exocosmologie. Ses plus grands représentants (Leonard Susskind à Stanford, Gabriele Veneziano au CERN ou Martin Bojowald à l'université de Pennsylvanie, interviewés dans le magazine) voient dans leur démarche un avenir radieux. Une certitude: leurs travaux sont à suivre de très, très près...

 

Source : Magazine Science et Vie 1134, mars 2012, p.48-66. 4,20 euros.