Yop tous,

La version européenne de Catherine est arrivée au bureau ! Voici donc le test d'un titre que j'ai personnellement adoré, et dont vous retrouverez la version complète à l'adresse https://www.dna.fr/loisirs/jeux-videos, comme d'habitude.

Mi-ange, mi-démon[22. 1.2012]

Le fantasme peut-il faire un bon matériau de départ pour un jeu vidéo? La question se pose frontalement dans Catherine. Atlus y aborde, pour les plus de 16 ans s'entend, des questions lourdes comme celles de la sexualité, de la frustration ou de la responsabilité. Et construit sur les atermoiements d'un trentenaire un envoûtant casse-tête où l'on découvre que désir, peur et culpabilité peuvent constituer les puissants ressorts d'un loisir électronique arrivé à maturité.

 

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Succomberez-vous aux charmes de la jolie Catherine ? Gare au retour de bâton... 

Vincent ne sait plus à quel saint se vouer. La crise de la trentaine, peut-être. Sa vie de couple avec Katherine est devenue compliquée, la jeune femme le presse de s'engager. Elle veut se marier, elle attend un bébé. Vincent, lui, n'est pas sûr d'être prêt. Alors, avec ses amis, il noie ses doutes dans l'alcool, chaque soir, au Stray Sheep, le pub où le petit groupe a pris l'habitude de se retrouver une fois la journée de travail terminée. Et le destin finit par frapper: un soir, l'esprit embrumé, Vincent cède aux charmes de la ravissante et délurée Catherine, petite vingtaine d'années, objet de fantasme assumé. Mais sans le savoir, Vincent met le doigt dans un engrenage mortel en plus d'entrer dans la spirale infernale de la culpabilité. C'est l'heure des choix, ils seront difficiles à assumer. D'autant plus que si le jeune homme prend la mauvaise décision, il pourrait bien lui en coûter davantage que sa vie amoureuse. Sortira-t-il vivant de cette affaire? Rien n'est moins assuré...

Un jeu qui parle aux plus grands



Désir, peur, mort. Le tryptique est un rêve de cinéaste. Stanley Kubrick l'a magistralement mis en musique dans son film posthume Eyes Wide Shut, démontrant à quel point la complexité des rapports de l'homme avec sa sexualité pouvait être un objet de cinéma. Pour autant, l'on aurait difficilement imaginé que le sujet puisse également servir de matériau fondamental pour la création d'un jeu vidéo. Mais l'arrivée à maturité des loisirs électroniques, déjà ressentie à travers l'oeuvre de David Cage Heavy Rain, semble avoir changé la donne. Car voici qu'Atlus offre aux joueurs le premier titre résolument consacré aux trentenaires par ses thématiques et ses questions qui renvoient directement aux valeurs de nos sociétés. Catherine gêne, inquiète, fascine, sert parfois de poil à gratter à nos consciences sédentarisées. On en reste, pour le dire d'emblée, totalement bluffé.

Catherine fonctionne sur la scission nette de son intrigue et de son challenge ludique. D'un côté, l'histoire développée par les auteurs progresse au fil de scènes interactives et de vidéos dont l'esthétique, très réussie, est empruntée au manga. On y croise les amis de Vincent, on y affronte les remarques assassines de Katherine qui rappelle au jeune homme ses responsabilités, on se réveille parfois le matin au lit avec la jolie Catherine. Le soir, au café, l'on est maître de ses mouvements pour s'en aller parler aux clients, pour décider, ou non, de s'alcooliser afin d'atténuer la douleur de sa culpabilité. Vincent peut également communiquer avec ses proches, et choisir la teneur -dans certaines limites- des messages qu'il leur envoie. Favorisera-t-il le développement de sa liaison, au nom d'une certaine idée de l'individualisme ou -c'est selon- de la liberté ? Préfèrera-t-il retourner vers le giron protecteur de sa compagne officielle? Ces choix appartiennent au joueur et viennent faire pencher une jauge ange/démon dans un sens ou dans l'autre. Serez-vous plutôt vertueux, ou victime de la tentation?

Grimper pour survivre



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Vincent doit affronter un challenge redoutable au fil de ses cauchemars. 

Bien évidemment, cette trame narrative n'est pas sans conséquences sur la psyché du héros. Alors, lorsque celui-ci s'endort, c'est pour plonger dans des cauchemars de plus en plus perturbants. C'est ici que l'histoire cède le pas au jeu, d'ailleurs: pour survivre à sa nuit, Vincent doit gravir des blocs qui s'empilent jusque vers une hypothétique sortie. Le puzzle est mortel, et d'une difficulté dont les occidentaux n'ont plus l'habitude depuis bien des années. Dans un temps limité, matérialisé à chaque niveau par une menace figurant l'une des craintes les plus prégnantes du héros -le bébé monstrueux est particulièrement déstabilisant-, il s'agit de déplacer ces blocs pour se frayer un chemin, et donc d'anticiper les impasses et erreurs qui signifient, immuablement, l'échec. On s'en doute, se cache derrière ce concept mâtiné de tout un imaginaire judéo-chrétien médiéval une métaphore des difficultés que rencontre Vincent dans sa vie, une fois éveillé. Mais qu'en serait-il s'il y avait davantage? Pour le savoir, une seule solution cependant: grimper, et grimper encore. Comme si sa vie en dépendait.

L'articulation des deux univers de Catherine est ingénieuse, et parvient à maintenir l'intérêt sur le long terme. C'est ce qui fait toute la force et la spécificité de ce titre atypique, attendu depuis belle lurette en Europe. Disponible depuis plusieurs mois au Japon et aux Etats-Unis, Catherine est en effet un succès d'édition remarquable à l'étranger. Et nul doute qu'il suivra le même chemin dans l'hexagone, en creusant un sillon que d'autres éditeurs devraient rapidement à leur tour emprunter. Catherine, assurément, nous mène tous par le bout du nez...