Yop tous !

Ca faisait un petit moment que je n'avais plus saisi le clavier pour vous parler séries télé, mais  il se trouve que le cru de la rentrée 2016 sur les chaines US est plus que digne d'intérêt. Assez marquée par une tendance lourde - l'adaptation de longs métrages cultes -, cette nouvelle programmation partage faut-il dire une véritable exigence en termes de réalisation et un goût marqué pour des castings de qualité, dans lesquels figurent quelques pointures du grand écran qui se piquent de venir s'encanailler sur un format sérialisé. Alors si vous cherchez votre nouveau trip polar, frisson, post-apo ou psycho-thriller aux accents science-fiction, la petite sélection ci-dessous, quoiqu'encore appelée à s'étoffer, va peut-être vous donner des idées...

 

L'exorciste

Dans la catégorie portages casse-gueule, difficile de faire plus osé que la reprise d'un monument du film de genre. Tiré d'un roman de William Peter Blatty, le long métrage de William Friedkin (French Connection) a en effet marqué toute une génération à sa sortie en 1973 (je vous renvoie à ma chronique sur le sujet ici), et continue à faire référence dans les rangs des cinéphiles. Alors, l'adapter en série TV était forcément regardé de travers par les puristes, et j'avoue en avoir fait partie. Je n'avais pas forcément raison.

Le truc, c'est que L'Exorciste selon Jérémie Slater, petit nouveau qui fait office de showrunner sur cette saison après s'être pris les pieds dans le tapis en signant le scé"nanar"io des Quatre fantastiques (2015), est plutôt malin, sans mauvais jeu de mot. Plutôt que de s'en aller marcher sur les plates-bandes du scénario original, la série ici imaginée suit les traces de deux nouveaux prêtres, de leur rencontre jusqu'à, peut-on déjà avancer, ce fameux exorcisme vanté par le titre. Les premiers épisodes affichent une intention claire: il s'agit avant tout de s'emparer de l'ambiance du film original, ce côté retenu et froid qui lui permet de monter en tension jusqu'à l'explosion. Et ils y parviennent, au moins en partie, ce qui n'est déjà pas une petite chose. Si  l'ambiance peine un peu, parfois, à s'imposer, on appréciera la prestation des deux acteurs principaux, Alphonso Herrera et Ben Daniels, et on aura beaucoup de mal à rester de marbre en entendant s'égrener les notes du mythique Tubular Bells de Mike Oldfield à la fin du pilote. On attend la suite ? Oui, et pas qu'un peu !

 

Luke Cage

Les treize épisodes sont d'ores et déjà dispo sur Netflix, et l'un dans l'autre, c'est plutôt pas mal. Après Daredevil et Jessica Jones, Marvel continue à mettre en avant son crew de super-héros en s'attaquant cette fois à l'invincible black imaginé voici un demi-siècle par Archie Goodwin et John Romita. Evidemment, la partition jouée ici est un peu à rebrousse-poil du reste du line-up de l'écurie comics. Mike Colter incarne un indestructible blasé qui ne veut rien avoir à faire avec le monde qui l'entoure, sinon pour passer un coup de balai dans un obscur salon de coiffure où il a pris l'habitude de se réfugier.

Luke Cage, dans cette première saison, est sur le chemin de l'apprentissage. Comprendre qui il est, d'où il vient pour savoir où aller et comment se comporter. C'est sans doute ce postulat qui peut gêner une partie des spectateurs: la série est en constant décalage entre le potentiel impressionnant du personnage et son refus quasi constant de verser dans la surenchère et l'action, même discrète. On pourra aussi lui reprocher, au passage, des temps d'exposition trop longs pour certaines situations. Bavarde, cette première saison mérite pourtant le détour, ne serait-ce que pour ces petits moments où le géant montre ce qu'il a vraiment dans le ventre. Et puis, Cheo Hodari Coker a le bon goût de baigner cette première saison dans la culture blaxploitation, nourrissant son discours des grands artisans de la cause noire des années 60 et 70,  dans un Harlem qui dévoile à l'écran toute sa complexité et sa place dans cette lutte pour la reconnaissance qui n'a jamais cessé. Une série de super-héros, Luke Cage ? Elle est bien davantage que ça...

 

L'arme fatale

Je vous parlais d'adaptation de film culte avec L'exorciste un peu plus haut ? Quasiment au même moment, voici que déboule le revival d'une saga cinématographique  avec laquelle j'ai grandi et à laquelle je voue un respect quasi monomaniaque. Autant vous dire que quand j'ai découvert que des petits rigolos se piquaient de vouloir refaire L'Arme Fatale sans Mel Gibson et Danny Glover, j'ai sorti la sulfateuse, je me suis foutu à poil sur ma pelouse et j'ai dégommé toutes les bagnoles du voisinage pour manifester mon mécontentement. En attendant de pouvoir faire un méchoui avec les couilles du showrunner sur la cinquième avenue.

Et là, pan, je me suis fait cueillir, une fois encore. OK, les premiers épisodes souffrent cruellement de l'absence de la BO signée Eric Clapton et Michael Kamen. Mais pour le reste, la surprise est plutôt de taille. Après un premier épisode qui brosse les grandes caractéristiques psychologiques des deux héros - Riggs et son côté borderline depuis la mort de sa femme, Murtaugh qui vire pépé cardiaque et qui, décidément, a passé l'âge de ces conneries -, je suis resté un peu interdit, en me disant que, l'un dans l'autre, les partis-pris étaient plutôt intelligents.  Là, je sors du deuxième épisode et je suis clairement enthousiaste: sans singer les films mais sans non plus les trahir, la série parvient à trouver son propre fil narratif et à développer le côté buddy-movie avec beaucoup d'humour et de tendresse, et en construisant à sa façon la complicité entre Damon Wayans, excellent dans le rôle de Murtaugh (mais ça, je n'en doutais pas depuis que j'ai vu Le Samaritain), et Clayne Crawford, qui trouve enfin un premier rôle lui permettant de montrer sa palette de jeu assez étendue. L'acteur est un peu en-dedans sur le pilote, mais sa prestation monte clairement d'un cran sur le S01E02. J'attends maintenant la suite impatiemment !

Aftermath

Alors là, difficile de se faire une opinion d'emblée. Le pilote d'Aftermath installe une situation d'apocalypse imminente, au sens biblique du terme. La planète se rebelle contre l'homme, les séismes et les tsnunamis se multiplient, des poissons et des serpents tombent du ciel et des démons semblent posséder les humains tandis qu'une nouvelle plaie les rend fous en les contaminant tel un virus. Le tableau ici dressé a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête à n'importe qui, mais pas à Joshua et Karen et à leurs enfants Brianna et Dana, qui semblent prendre les événements avec un détachement étonnant - même lorsqu'un enfant est enlevé sous leurs yeux. Les acteurs, emmenés par Anne Hèche, traversent le pilote un peu comme dans un rêve ouaté, sans invoquer à l'écran cette hystérie que tout commande autour d'eux.

Et c'est ce décalage assez étrange qui me laisse à croire qu'Aftermath n'a sans doute pas révélé son propos pour l'instant. Les showrunners William Laurin et Glenn Davis (Missing) ne sont pas des perdrix de l'année et connaissent leur métier, on est donc en droit de penser qu'il y a plus à voir que ce que le pilote a pour l'instant révélé. A suivre avec curiosité, donc, sachant que je ne laisserai pas passer un autre épisode de cet acabit. J'espère que Syfy n'a pas flingué le sujet, pourtant prometteur.

 

Westworld

Bon, voilà au moins une nouveauté sur laquelle on tombera tous d'accord. D'une folle ambition, porté par des acteurs de très haute volée (Anthony Hopkins et Ed Harris, pour ne citer qu'eux), la nouvelle perle de JJ Abrams et Jonathan Nolan (le classieux Person of Interest, aidé sur ce coup par Lisa Joy) met grosso modo 20 secondes à convaincre le spectateur de son potentiel faramineux. Imaginez un parc d'attractions pour les grands, un far west reconstitué dans lequel on paye cher pour pouvoir interagir de toutes les façons possibles avec les robots dotés d'une IA avancée qui y vivent. Et imaginez que ces interactions, qui vont jusqu'au meurtre et au viol, éveillent la conscience de ceux qui les subissent à longueur de journées...

Le pitch, entre thriller, étude psychologique, science-fiction et western, est tiré d'un scénario original de Michael Crichton, Mondwest, que le défunt auteur de Jurassic Park a d'ailleurs porté lui-même à l'écran, avec une réussite indéniable. Mais Nolan fait du Nolan, et pose une fois de plus la question de l'esprit dans la machine qui irriguait tous les épisodes de Person of Interest. Autant dire que l'on tient sans doute là l'une des séries majeures des prochaines années. Le petit truc qui ne trompe pas ? Ma moitié, d'ordinaire peu séduite par les thématiques SF (et encore moins western) en série TV, a levé un sourcil, puis un autre, et a fini par dévorer le bidule sans  quitter le canapé. La dernière fois qu'elle s'était à ce point sentie happée, c'était sur... Breaking Bad.

 

Frequency

Un père et sa fille qui communiquent par radio alors qu'ils sont à vingt ans l'un de l'autre ? Si le pitch vous dit quelque chose, c'est que vous avez dû voir le très bon Fréquence Interdite de Gregory Hoblit, avec Dennis Quaid et Jim Caveziel. Surprise, Jeremie Carver, un des showrunners de Supernatural, s'empare du sujet et en livre sa propre vision en version série, transformant la relation père-fils en relation père-fille. Et ça fonctionne du feu de dieu. Servi par des acteurs de très bonne qualité et un vrai souci de donner de l'épaisseur aux deux époques - ce qui passe bien sûr par des choix de BO très en lien avec celles-ci -, le pilote  convoque à l'écran ce mélange de thriller et de fantastique qui faisait le sel si particulier du film, et s'offre le luxe au passage, version allongée oblige, de poser les bases d'une trame temporelle assez complexe. Comment les événements du passé influent-ils sur le présent ? C'est précisément ce que la série semble vouloir explorer, tout en soulignant l'émouvante complicité qui lie Peyton List et Riley Smith (vraiment excellent) à l'écran. Bref, Frequency trouve son ton et son rythme dès le premier épisode, c'est de bon augure pour la suite !