Yop tous !

La consigne avait été donnée à mi-mots au courant de la semaine par les vendeurs de mon magasin de jeux vidéo préféré: peut-être le Street Fighter nouveau allait-il faire son apparition dans les rayons dès ce samedi, par cette belle journée printanière de février. Passionné de VS fighting depuis les années SuperNes et n'écoutant que ma furieuse envie de tâter de la bête sans attendre, je me suis donc rendu dès ce matin chez mon fournisseur de galettes préféré, ceci pour découvrir que l'heureux événement était bel et bien arrivé. Ni une, ni deux, je dégainais le portefeuille, me retrouvais dans la foulée délesté de 70 euros (sic!) et marchant d'un pas guilleret vers mon doux foyer... où m'attendaient mon fauteuil, ma console, ma manette, ma compagne et mon LCD. Pour sûr, ils allaient tous chauffer.

Quelques instants suffisant à évincer ma douce du canapé où elle avait entrepris d'attaquer un roman gros comme un pavé, je m'attelais à lancer tout ce petit monde vers le principal objectif de la journée. Et le petit temps d'installation inhérent à la PS4 enfin révolu, les récriminations de ma moitié pour le contrôle du salon enfin taries, je pouvais concrétiser. Enfin, presque: encore fallait-il télécharger d'office la mise à jour de 5Go indispensable pour profiter de Street Fighter V sans avoir à sacrifier le netplay. J'ai craqué. Une fois n'est pas coutume, j'ai choisi de zapper le téléchargement. Résultat: voici que sans crier gare, en coupant toutes les cinématiques dont je n'avais aucunement l'intention de me préoccuper, je déboulais sur un écran d'accueil assez austère que j'entreprenais immédiatement de décortiquer. Forcément, avec un enthousiasme forcené.

Quelques secondes ont suffi à le tempérer. Une fois sorti des modes multijoueurs et  d'un espace "boutique" pas encore activé mais qui annonce déjà la couleur, ne se distinguaient grosso modo que deux modes de jeu solo. Une partie histoire dont je n'allais pas tarder à découvrir qu'elle invitait à suivre les aventures de chaque personnage au fil de... trois combats chacun (et parfois moins), et un mode survival dont l'intérêt, en VS Fighting, ne m'a jamais paru franchement assuré. Heureusement, je pouvais toujours compter sur le mode arcade, évidemment. A moins que... J'ai eu beau chercher, fouiller dans les menus, les sous-menus, rien. Absolument rien. Le mode arcade avait disparu. Rayé comme ça, un beau matin, de l'environnement Street Fighter auquel il avait apporté ses lettres de noblesse voici 25 ans. La vie est ingrate.

J'avoue avoir douté, et même espéré. Après tout, la mise à jour allait peut-être tout changer. Je ressortais donc du jeu après quelques parties vite bouclées en mode histoire pour découvrir que le téléchargement s'était poursuivi tandis que je me familiarisais avec le gameplay. Bon point, je relançais immédiatement le blu-ray pour revenir sur l'écran d'accueil, toujours aussi froid mais légèrement remanié. Un mode arcade ? Que nenni. Faut pas rêver.

Certains, bien sûr, vont me demander: pourquoi donc se focaliser sur ce mode bien particulier? Parce qu'il est emblématique de ce dont je veux ici témoigner. Street Fighter V, n'ai-je pas tardé à comprendre, ne se destine pas au joueur isolé. Point d'écran de sélection du personnage flatteur pour la rétine, point de boss de fin de partie, point de crédits. Et c'est tout juste si le versus hors ligne a été implémenté - sans doute pour éviter la révolution dans les fratries qui ont acheté le jeu pour s'afffronter. En revanche, tout, dans l'interface, semble avoir été prévu pour enchaîner les parties sur le web. Avec un petit côté compétitif assumé: les développeurs privilégient nettement les parties avec un combattant spécifique, au point qu'il faut passer par le menu des options (!) pour en changer. Touche-à-tout du VS Fighting, passez votre chemin: ici, tout transpire la spécialisation à outrance sur un personnage donné.

Evidemment, je ne dirai pas que le plaisir est absent de l'expérience une fois lancé dans un match. Si le jeu ressemble davantage à un SF 4.5 qu'à un véritable cinquième opus en bonne et dûe forme pour l'instant - tant sur le plan technique qu'au niveau de la jouabilité - les parties s'enchaînent aisément, l'habitué de la saga de Capcom retrouve vite ses marques et prend encore plus rapidement la mesure des quelques avancées de gameplay proposées (notamment à travers les utiliations de la jauge "V", trigger, reversal ou skill), même si elles semblent étonnamment superficielles. Point positif également, la façon de jouer Ryu et Ken, dans la lignée du précédent opus, est de plus en plus différenciée. Avec, même, un léger avantage au second qui a un tantinet gagné en vélocité. Quand on a passé son adolescence à alterner entre les deux loulous pour enchaîner les parties gagnées contre un frangin lui aussi acquis tout entier à la cause des deux copains rivaux, c'est le genre de détails qui comptent.

Mais là où la chose se fait plus perturbante, c'est que Street Fighter V est vendu à un prix franchement élevé pour ce qu'il propose, et sans dire à aucun moment ce qu'il est réellement. La jaquette fait évidemment l'éloge du jeu en ligne, mais se contente de parler, dans un euphémisme coupable, de parties hors ligne disponibles. Le joueur peu séduit par les sirènes des matches contre d'autres compétiteurs humains prêts à tout pour gagner n'a donc aucun moyen de savoir ce qui l'attend avant de se lancer dans le jeu. Car ici, en l'état, point de salut hors du PS+: il ne faudra guère qu'une petite heure pour faire le tour des possibilités offertes sans connexion à ce réseau réservé aux abonnés. Qu'on se le dise, donc: Street Fighter V peut - et doit- se concevoir comme un jeu réclamant de verser une obole aux services en ligne payants proposés sur PS4. Sans eux, il ne présente plus guère d'intérêt.

J'ai pu lire ici et là que Capcom avait annoncé la mise à disposition de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux modes pour courant mars. Mais pour un contenu solo véritablement renforcé -le fameux mode Cinematic Story Expansion, qui sera gratuit et que Capcom annonce gargantuesque (je demande à voir) - c'est jusqu'à juin qu'il faudra patienter. D'ici là, le blu-ray risque donc fort de prendre la poussière chez tous ceux qui ne sont pas prêts à s'investir dans une expérience e-sport assumée, doublée d'un passage régulier à la caisse pour financer des DLC. Autant l'avouer: je suis déjà forfait...