Yop tous,

Aujourd'hui, un post un peu particulier, puisque j'ai eu l'opportunité, dans le cadre de mon taf, de rencontrer Frédérick Raynal et de discuter avec lui de sa deuxième incursion dans le monde des survival horror, après Alone in the Dark et sans compter le projet avorté Agartha, dont il raconte d'ailleurs les péripéties ci-dessous. Comme toujours, Raynal a une vision du jeu vidéo qui va au-delà du simple business, et le gaillard se pose de vraies questions sur le média comme il est et comme il va. Je ne vous retiens pas davantage, et place à la parole du boss...

 

Il y a eu Alone in the Dark, qui a inventé un genre, et il y aura bientôt 2Dark, qui marque ton retour dans cet univers. Ca te titillait depuis quand ?

2Dark, c'est un parcours assez long, qui se comprend à la lumière de l'évolution du marché ces dernières années. Pour moi, il y a eu les jeux facebook, un passage chez Ubisoft. Les jeux ont évolué. Qu'est-ce que des gars comme Cuisset et moi ont à faire sur ce marché depuis les années 2000 ? Au tournant des années 2000, on commençait à voir émerger des studios d'au moins 50 personnes, le jeu vidéo devenait un business. Nous, on se demandait ce qu'on allait pouvoir faire dans ce monde-là. On avait aussi fait des AAA, mais Alone c'était sept personnes, LBA 12, LBA2 18. Rien de comparable. En voyant arriver les jeux sur Appstore, j'ai commencé à avoir envie de faire des petits jeux. En tout cas, j'ai eu des envies. A vouloir faire du grand public, je n'étais pas à ma place. J'ai toujours eu quelques idées de survival qui traînent dans la tête. Mais mon prochain survival ? J'en ai imaginé qui pourraient être des AAA avec des gros moyens, puis je me suis dit qu'affronter un gros éditeurs, gérer des gros moyens, bosser dans une grosse usine, ce n'était pas ce que je voulais... pour le moment. C'est comme ça que j'en suis arrivé à l'idée 2Dark.

Alone, et maintenant 2... Il y a comme un clin d'oeil.

Je me dis depuis un moment que les survival horror sont des jeux très égoïstes. On doit survivre, tout le monde est contre nous mais on est très fort, c'est super, waouw. Mais qu'est-ce qui, dans un survival horror, pourrait nous amener à ne pas sauver que nous ? La princesse ? Non, c'est bon, y'a déjà eu. Par contre, en tant qu'adulte, ce qui pourrait me faire vraiment peur, c'est d'impliquer des enfants. Quand on a des enfants, on sacrifierait sa vie pour qu'ils puissent manger et être en sécurité.

En général, ce n'est pas un sujet bien traité, parce que c'est sociologiquement risqué. Mais il y avait un truc à creuser. Ne pas sauver que soi, mais quelque chose d'extrêmement précieux, universel et compréhensible par tous. Ou du moins de la plupart des joueurs, parce qu'on a constaté lors des premiers tests du jeux que les gens jeunes sans enfants s'amusent à trouver tous les moyens pour voir comment ces malheureux gamins peuvent mourir. Mais quand c'est un parent qui joue, la réaction est très différente, il y a une sorte de responsabilité qui se crée immédiatement. Les parents auront beaucoup plus peur en jouant, mais aussi rien que par le sujet, des serial killers, kidnappeurs d'enfants, c'est assez grave. Ca implique, émotionnellement parlant.

C'est une manière de révolutionner le concept que de s'attaquer à l'idée même de solitude. Mais cette envie de changement, elle est aussi technologique, non?

En voyant ressortir les jeux rétro, en y rejouant, j'ai eu l'idée, l'envie de m'essayer aux voxels. Mais pas comme Minecraft, plutôt pour la côté look particulier. LBA et Alone proposaient tous les deux une nouvelle représentation, c'était un facteur déclencheur pour la création de ces jeux. Là, l'idée était de ressembler à un vieux jeu de l'époque des sprites, mais avec un rendu permettant une infinité de positions pour visualiser l'action. Les voxels m'ont permis d'imaginer un jeu 3D avec un look 2D, tant pour les personnages que les décors. Le tout mélangé à des shaders pour avoir des lumières, des ombres projetées. Je voulais jouer sur le contraste jour/nuit, lumière/obscurité. On appelle ça neo-pixel, ou néo-rétro.

Bien sûr, tout ça a un lien avec le gameplay. Les joueurs ne sentent pas toujours très à l'aise avec les décors 3D - on n'est pas toujours dedans, c'est pour ça que dans certains jeux on est obligé de mettre des indications pour la direction. Là, on sait toujours où sont le nord, le sud, l'est et l'ouest, on n'est pas gêné par le type de représentation. Pareil pour les contrôles, ça se joue facilement, à la souris, au clavier-souris, au dual stick... Je voulais que ça soit très jouant, même si on est avant tout dans un jeu d'aventure. Comme Alone, ce jeu est un jeu d'aventure, mais qui peut se jouer comme un dual stick shooter. C'est super facile d'utiliser une arme, mais c'est pas la bonne solution. Quoi de mieux pour faire comprendre à quelqu'un qu'il ne s'en sortira pas avec la violence ?

Comment le concept est-il passé de l'idée à la réalité (une version beta est déjà jouable sur le site officiel du titre) ?

J'ai mis en place un proto à la maison pour essayer le gameplay, les styles de représentation. Puis j'ai croisé la route de Thierry Platon, je crois sur les European Indie Game Days. On était assis au premier rang à regarder les réalisations des jeunes qui venaient montrer leur jeu. Ca a été le déclic : c'était ça qu'on voulait faire, qu'on avait fait et qu'on aimait ! J'ai raconté mon proto à Thierry et ça l'a branché. On a remonté un studio, on s'est lancé dans l'écriture d'un scénario avec des serial killers et des gamins, et c'est parti comme ça. Gloomywood était né, on l'a lancé à quatre associés avec vraiment l'envie de refaire le jeu comme on le faisait avant, dans l'esprit du moins. Pas en termes de quantité d'argent, puisqu'on est très loin d'un AAA, mais plus sur un bon budget de jeu indé. En revanche, on fait ce qu'on a envie de faire, on l'assume complètement. Comme je l'ai toujours fait: qu'est-ce qui me fait plaisir, qu'est-ce qui m'excite ?

C'est une oeuvre que j'ai vraiment envie de faire comme ça, et qu'on ne vienne pas me dire de faire autrement - je voulais d'ailleurs être programmeur dessus, donc c'est un boulot un peu dingue. Il y en a sûrement qui diront que c'est trop old school, mais ce n'est pas grave. J'ai toujours fonctionné comme ça ! Quand on a fait LBA, Doom venait de sortir, avec ses textures rouillées de partout. Et j'ai dit à l'époque à l'équipe qu'on allait faire un jeu avec des couleurs flashy et acidulées parce que j'étais sûr que l'année suivante on aurait plein de jeux avec de la rouille partout. Ca n'a pas loupé, il y a eu des floppées de clones de Doom et nous on est arrivé avec un ovni rouge, vert, bleu. Les choix à contre-courant, soit ça plante complètement, soit ça marche complètement. Avec pas mal de trouille, quand même.

Une approche du média volontairement artisanale, quoi...

Est-ce qu'on devrait pas faire un peu plus d'études de marché ?  J'ai toujours vu la création de jeux comme quelque chose de très artisanal, j'ai commencé comme ça, tout seul dans ma chambre. Après, ça peut être quelque chose de personnel tout en faisant intervenir de grosses équipes, mais bon, j'ai toujours plus vu ça comme un peintre ou un sculpteur. Se faire plaisir, ne pas se prendre au sérieux, se rendre compte du métier qu'on fait même si maintenant ça peut brasser des millions, le faire toujours comme on le faisait dans sa chambre. Il n'y a pas de prétention dans l'équipe, on fait des jeux et on s'entend bien parce qu'on partage la même passion. Ca, c'est vraiment bon, je n'ai pas envie de perdre ça en grandissant. Je continue de faire des jeux en voulant faire jouer mes amis. Est-ce que les gens vont s'amuser avec mon jeu ? C'est ma seule question.

Il y avait l'envie d'innover, et elle est toujours là. On a vu cette industrie grandir, pour beaucoup de bien puisqu'on était vu comme le mal absolu, au début des années 90.

Aujourd'hui, être indé c'est aussi avoir le vent en poupe, non ?

Internet permet le retour des "petits" jeux. Je n'aime pas dire ça, d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de petit jeu. Un jeu, c'est un jeu. Il y a des petites et des grosses productions, mais à partir du moment où le titre est sorti, il n'y a pas de petit jeu. Sinon, c'est quoi Tetris, un petit jeu? Woaw! Tout le monde sait ce que c'est ! Et Popcorn ? On était deux, avec un copain de l'époque, pour le réaliser!

Après, pour 2Dark, la question était : est-ce que moi j'ai le droit de faire un jeu comme ça ? Parce que je me suis fait engueuler pour Ten thousand chess, qui était une expérience après des études de psycho sur les addictions. Je me suis demandé si j'étais capable de faire un jeu comme ça, addictif. Ca a pas très bien marché parce que je pensais que c'était grand public et il n'y a que les core gamers qui y ont trouvé du plaisir. Enfin bref. Ce qui est moins drôle, c'est de recevoir des lettres d'insultes des fans. Pourquoi c'est pas LBA 3 ? C'est régulièrement la question qui revient quand je fais des petites productions. Alors, 2Dark, j'ai le droit ? Heureusement, il y a eu la constatation d'une mode rétro. C'est devenu quelque chose de constatable sur le plan du marketing, donc j'ai pu dire que j'avais envie de faire un jeu rétro. Ca m'a redonné confiance dans ce choix, et les gens ont eu l'air d'aimer. En plus, ça ne ressemble à rien d'autre, à l'écran. C'était déjà le cas de LBA, le tout premier jeu en haute résolution 640*480! Je voulais que le jeu soit visuellement très reconnaissable, et j'ai pu faire ce que je voulais dans cette configuration "indé".

Quels sont les fondements du jeu, d'ailleurs ?

2Dark, c'est un jeu d'aventure infiltration qui se déroule dans un environnement extrêmement lugubre et austère, dans l'univers des serial killers et kidnappeurs d'enfants. Mais on a le beau rôle! Le héros du jeu est un ancien policier qui a eu ses enfants kidnappés et sa femme égorgée par un serial killer. Depuis, après avoir été dépressif, alcoolique, avoir touché le fond, il a décidé de faire sa propre justice et d'exterminer les serial killers, et d'essayer de retrouver ses enfants au cas où ils seraient encore en vie. Il va sauver des enfants des griffes de serial killers et descendre le plus possible de ces derniers. Ca se passe à Gloomywood, une ville un peu bizarre, assez sombre.

La structure du jeu est intéressante, c'est vraiment un jeu d'aventure. Même s'il est basé sur des niveaux, il y a une aventure. Le joueur va enquêter, découvrir des lieux où habitent potentiellement des serial killers, kidnappeurs d'enfants ou pire - que des choses qui existent, hélas, il n'y a pas de limite à la monstruosité, la réalité est toujours là pour nous rattraper - aller dans sa maison, dans son repaire et délivrer un certain nombre d'enfants. Soit on perd, on recommence, soit on passe au niveau d'après. Il y a une histoire qui lie tout ça, qui emmène le joueur et lui fait découvrir petit à petit quelques biais de notre héros.

Tu vois ça comme un jeu grand public, ou plus corsé?

Chaque niveau est rejouable totalement, pour arriver à avancer dans l'aventure il faut tuer le serial killer, sauver le nombre d'enfants demandé. Mais quand on finit, on a un score avec des étoiles. Pourquoi il y a cinq étoiles ? Il faut que le héros sorte de la maison sans aucune blessure, que tous les enfants soient sauvés sans aucune blessure et, là où ça se corse considérablement, n'avoir tué aucun humain, à part les serial killers eux-mêmes. C'est un petit côté Judge Dredd, je ne suis personnellement pas trop pour ce genre de mentalité mais dans un jeu, c'est quand même bien pratique (rires)... Et dans ce cas-là, on est complètement dans le mode infiltration.

En termes de gameplay, c'est une façon de dire que le jeu peut être appréhendé de plein de manières différentes, on peut essayer d'en faire un shooter mais on va vite comprendre que la violence n'est pas la bonne solution. Et puis bien sûr il n'y a pas assez de balles, je suis obligé de le faire ! C'est d'ailleurs marrant, parce que cette idée de pénurie dans un survival, ce n'est pas quelque chose qui a émergé de soi quand j'ai fait Alone in the Dark. Il n'y avait pas la volonté de dire qu'il n'y avait pas assez de balles. Ce que moi je voulais, c'était que ce soit un jeu d'aventure et pas un shooter. En fait, le nombre de balles était largement suffisant parce que si tu faisais tout comme il faut et que tu lisais assez bien, il y a avait d'autres solutions. Après, j'ai découvert que les gens, dès qu'ils ont une arme en main - dans un jeu j'entends, malheureusement peut-être dans la vie réelle aussi -, ils se sentent très rassurés, très forts, très en confiance, et ils tirent. Et ils se retrouvent très vite à court de munitions. Et ça fait du bruit. Donc voilà, 2Dark peut se jouer comme un jeu d'action. Mais moi je préfère l'aventure, et en plus il y a la partie infiltration, qui a son lot de spécificités.

Des spécificités ?

Dans 2Dark, on peut te retrouver dans le noir, et dans ce cas on voit les sons (un système de visualisation d'ondes sonores). Ca montre les sons faits par les autres mais aussi ceux qu'on fait, ce qui joue pour ne pas être repéré. C'est important parce que les enfants ça fait du bruit. Un jeu d'infiltration seul, c'est facile. Quand on trimballe cinq ou dix gamins, ça devient beaucoup plus compliqué ! Quand tu trouves un enfant dans le jeu, il suffit de le toucher et il te suit. Et on traîne ses petits pions. Et on peut les manager, les prendre par la main - on verra que ça a beaucoup d'importance - et on a deux commandes pour leur dire de s'arrêter ou de nous suivre parce que des fois, s'il y a un "garde" quelconque, il suffit de se mettre dans un coin sombre et de leur dire chut ! Et il ne faut pas hésiter à le refaire parce qu'il y en a qui se mettent à pleurer... après tout ils ont peur (rires)! Et c'est contagieux : quand il y en a un qui pleure, d'autres suivent !

Bref, ça fait des moments de tension assez sympas. Et ça rajoute une couche de complexité intéressante au jeu. Je ne voulais pas faire un truc trop difficile au premier niveau de jeu, mais proposer du challenge à ceux qui ont envie de tordre le titre dans tous les sens. On ne fera largement pas un perfect du premier coup, ici. J'espère que le facteur de rejouabilité va satisfaire les joueurs exigeants.

Tu peux parler un peu plus précisément de ce système de représentation du son ?

Dans un jeu se pose toujours le problème de la spatialisation du son. Même si on a fait de super progrès en la matière, rien ne remplace l'oreille humaine, capable de localiser quelque chose rien qu'au son. Représenter le son, c'était pallier ce manque de précision auditive. Là, on distingue les sons. Dans le noir, si on voit arriver une onde, on peut tirer dans sa direction. Ce qu'il ne faut pas faire, puisque ce n'est pas forcément un méchant, ça peut aussi être un enfant. L'idéal, c'est de trouver une lampe, mais on peut être vu. On pourra échapper à certains ennemis en éteignant, mais pas à tout le monde, notamment aux créatures qui ont un odorat développé.

On sent que tu as pris beaucoup de plaisir à développer ces idées, et maintenant à les rendre réelles...

Pour moi, faire un jeu, c'est le meilleur jeu. On a un objectif, des obstacles à franchir, des bugs à éliminer. On essaye, on avance, on rate, on recommence. C'est un jeu d'aventure avec des puzzles, des indices, parfois j'ai l'impression de me promener dans mon code comme un chevalier avec son bouclier et son épée. Coder, je le vis comme un jeu, il y a les mêmes satisfactions, les mêmes angoisses, quand j'y arrive je suis d'autant plus content que c'est dur. Peut-être que c'est mal, parce que du coup, les autres jeux sont moins intéressants !

C'est pour ça que travailler chez SEGA, c'était le pur bonheur pour un développeur. Ils avaient la religion du développeur-roi ! Quand on est arrivé chez SEGA, la Dreamcast n'était pas sortie et on a pu tout faire. Toy Commander ! Aujourd'hui, les jeux sont très dirigistes, et Toy Commander c'était notre premier jeu consoles. En gros, on fait avec cette mentalité. Voilà l'objectif et démerde-toi. Le monde fonctionne, il y a des logiques et il faut trouver un moyen de réaliser ton objectif sachant qu'il y a toujours plusieurs solutions pour y arriver. C'est pas l'esprit consoles. Mais ça collait bien à l'esprit des joueurs puristes de la Dreamcast. On voulait faire un jouet. SEGA, c'était les meilleurs moments de ma vie en termes de relation éditeur-fabricant. On s'est appelé No Cliché, pas Adeline, parce qu'ils n'ont pas acheté la licence LBA: ils voulaient qu'on fasse des nouveaux jeux.

Je me souviens d'une anecdote. A l'époque, le studio démarre, je vais en Angleterre rencontrer le nouveau chef de SEGA et je demande "vous voulez qu'on fasse quoi?" Et là, le boss, Miyaka san, a l'air surpris et me dit: "Vous savez faire des jeux ? Alors faites un jeu!" Je lui ai demandé s'il y avait une ligne à suivre, du coup. Il m'a répondu qu'il fallait que le jeu soit prêt pour la sortie de la console, deux ans après. Et c'était tout. On est allé faire notre jeu. C'était pareil pour Agartha. On avait fait Toy Commander, et on voulait faire un survival horror. Ils nous ont dit OK à une condition. Que ce soit le survival horror le plus horrible qui existe! Ca me va, c'est jouable! Avec Agartha, on voulait donc aller assez loin. Et avant Black and White, je voulais qu'on choisisse son alignement, comme dans un JDR, mais librement. On a réécrit trois fois le scénario avant que ça fonctionne: pour qu'il y ait une histoire du côté du bien et une du côté du mal et laisser le choix au joueur, il fallait un fil rouge, et un truc bien linéaire. Notre astuce avait été de trouver une sorte de Nemesis qui était en dehors de toute l'histoire - le mal voulait invoquer un démon sur terre qui venait des profondeurs d'Agartha, une sorte de monde où tout le mal de la planète était stocké. La secte du mal devait invoquer le démon et la secte du bien essayait d'empêcher ça. La Nemesis, c'était une nana qui venait chercher tel gars pour en tuer un autre, des deux côtés de l'histoire. On pouvait jouer une mission du côté du bien, la réussir, ou même jouer le traître. Il y avait trois histoires, en fait. Le joueur assumait son alignement à deux tiers du jeu, en fait, il était comme adoubé. Du côté du mal, tu devais quand même sacrifier ta soeur, et tu avais pour ça ton couteau sacrificiel. Tu veux jouer le mal ? Et bien joue-le vraiment! Avec des trucs un peu comme ça, plus une maladie qui transformait les gens en zombies.

Ca donne envie !

Mais bon, le jeu n'est jamais allé au bout, il manquait quand même un an de développement... La Dreamcast, c'était une machine extraordinaire. En gros, le circuit qui était dessus, le Power VR, ne savait faire que des rendus de 32*32 pixels, mais avec du Z-buffer intégré. On pouvait afficher des polygones transparents croisés, ce qui n'est pas possible dans la 3D normale. Enfin bref, il y avait plein de trucs supers. Et le moteur calculait tout par petites briques de 32*32 pixels. Il est facile d'imaginer qu'en mettant un deuxième processeur, tu doublais la puissance de la machine, et en en mettant quatre, tu la quadruplais, etc... Ce système de parallélisation aurait pu aller très loin. Mais bon, ça s'est fini par six milliards de francs de pertes pour SEGA, la mort du chairman Isao Okawa, et j'ai dû virer 25 personnes avec qui je bossais depuis dix ans. Tous les studios SEGA en Europe fermaient.

Gloomywood, ça a un peu un goût de revanche, du coup ?

Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, il y a pas mal d'anciens qui nous rejoignent sur le projet 2Dark...

Bon, je te pose la question: LBA3, c'est pour quand ?

On a toujours autant envie de le faire. Plusieurs scenarii ont été écrits, avec Didier. J'ai réalisé un peu ce qu'était l'histoire de LBA, un petit bonhomme bleu qui se bat pour sauver les déesses de son monde. Avec tout ce qui se passe, j'ai eu quelques idées de révolution. Sans trahir de secret, on pourra jouer trois personnages, dont Arthur, leur fils qui est né dans le 2. Il est costaud en magie, irrévérencieux, et Twinsend c'est un vieux con. C'est l'occasion de s'autodénigrer un peu soi-même ! Donc oui, on a toujours très envie, et a priori on sait assez où on va.

Maintenant, on va d'abord voir ce qui se passe avec 2Dark, puis on avisera. On a commencé à toquer à quelques portes pour LBA 3, mais ce n'est pas si facile. Le jeu n'a pas de genre défini, et puis c'est d'abord un jeu PC, j'y tiens! Il faut que ce soit un gros jeu, on va modéliser une planète, avec les maisons, ses protagonistes en 3D, et on peut moins utiliser la figuration des environnements. Il faut être crédible, 20 ans après. Trois bouts de maison pour faire un village, ça ne va plus. C'est une sorte d'Assassins Creed, alors la nostalgie, ça ne peut pas suffire. Les quelques dessins qu'on a commencés à faire montrent un truc spécial, on nous prend pour des dingues quand on les montre. On sera un peu extrémistes sur les choix pour ce jeu. C'est un gros projet.

Et puis là, la pression... Je l'ai déjà pour 2Dark, mais alors LBA3... En plus, ce qui m'interroge, c'est les ventes de la version Android de LBA. Un peu d'inquiétude quand même... Ils sont où, nos joueurs ? Mais bon, on verra. D'abord, c'est 2Dark. La sortie est prévue Q1 2016, je crois. On est 12 à bosser sur le jeu, au studio, plus 4 en externe. Et c'est une bonne équipe ! Ca sortira sur PC, Mac et Linux. Tout fait à la main, même le moteur, avec le langage MonkeyX. Il a fallu tout faire parce qu'il n'y a pas des masses de librairies. Mais j'aime bien parce qu'on possède tous nos outils, du coup. La contrepartie, c'est que s'il y a un bug, c'est le notre, bien à nous (rires). Mais c'est un jeu, c'est pas grave. Et il peut y avoir plusieurs fins ! Le moindre truc, on le fait nous-mêmes. Quand je parle d'artisanat, on y est : on est des artisans du jeu vidéo !