Hello tous !

La nuit est déjà bien avancée, mais impossible d'aller rejoindre les bras de Morphée sans attraper le clavier et coucher ici même les premières remarques qui me viennent à propos du film que vous êtes nombreux à attendre. A Strasbourg comme un peu partout en France, une séance spéciale de minuit a en effet permis aux plus courageux de découvrir la nouvelle pépite de Joss Whedon, l'Avengers 2 qui se devait de relever le défi de prendre la suite d'un premier opus resté dans toutes les mémoires. Autant le dire tout de suite : s'il n'atteint pas les sommets de son prédécesseur, Age of Ultron n'en reste pas moins un spectacle abouti à plus d'un titre, et il serait criminel de passer à côté de ce qui s'annonce comme une gigantesque oeuvre de transition dans l'écosystème mis en place par Marvel dans les salles obscures depuis quelques années maintenant.

[ATTENTION : ce qui suit contient quelques spoilers]

Mais commençons par le commencement. Avengers avait laissé la petite équipe de super-héros épuisée, mais désormais solidement soudée par ce qu'on décrira comme une forme embryonnaire d'amitié mâtinée d'une confiance en l'autre inébranlable, née sur le champ de bataille durant la guerre contre les Chitauris. C'était là le principal apport du premier opus qui décrivait, plus de deux heures durant, la genèse d'une équipe dans le magma de très, très fortes individualités.

Depuis cependant, les équilibres du monde ont changé. Avengers 2 postule de fait que le spectateur a suivi les événements racontés par Captain America : The Winter Soldier. Une terrible bataille contre Hydra y a conduit à l'implosion du Shield, noyauté de toutes parts, et c'est dans ce contexte que démarre  le film : Captain, Thor (désormais en mesure de rallier la Terre, depuis le deuxième opus de ses aventures), Ironman, Hulk et les autres s'emploient à finir le boulot lorsque démarre cette nouvelle aventure. Un quart d'heure plus tard, Hydra est vaincu, mais il laisse un héritage dont on ne mesure pas encore toute l'importance: deux jumeaux que les Avengers décrivent comme des "humains optimisés". Le premier peut se déplacer à la vitesse de l'éclair, la seconde peut manipuler l'énergie et les esprits. Quicksilver et Scarlet Witch intègrent l'univers Marvel ainsi que The Winter Soldier le laissait supposer lors de sa scène post-générique.

Les ressorts narratifs du nouvel Avengers sont dès lors en place. Et mènent à l'arrivée sur le devant de la scène d'un nouveau-né, une créature cybernétique mûe par l'envie de sauver l'humanité... quitte à l'éradiquer si elle ne veut pas progresser. Né des expériences menées par Tony Stark avec la complicité de Bruce Banner, Ultron est un authentique super-vilain, mais un super-vilain très différent de Loki ou de Thanos, apparu dans la scène post-générique du premier opus: sa nature cybernétique est contrebalancée par sa profonde humanité. Ultron  en a adopté, d'ailleurs, tous les traits de caractère : il est menteur, sensible, hésitant parfois comme le serait un adolescent tiraillé entre son envie de rébellion et son besoin de reconnaissance, capable de compréhension et du plus terrible des aveuglements. C'est ce qui le rend terriblement attachant.

Oui, bon, c'est vrai qu'on ne lui donnerait pas un premier rôle dans un Shakespeare,
comme ça, de prime abord.

 

En face, Joss Whedon remet en question les liens humains -justement - qui font des Avengers ce qu'ils sont. La cohésion du groupe repose sur des non-dits et des conceptions du rôle de chacun qui varient profondément. De ce postulat, le réalisateur fait usage pour décrire de nouveaux rapports de force et l'émergence de factions au sein même de l'équipe. Tout l'enjeu du film consistant dès lors à savoir si ces factions sont capables de travailler ensemble au bénéfice d'une cause supérieure. Car le danger est bien réel, et donne évidemment a lieu à des scènes d'action d'une folle ampleur. Sur ce point, le spectacle est total. Marvel assume enfin totalement la nature "bédé" de son univers et en délivre à l'écran une représentation digne des cases d'un comics survitaminé. Tous les personnages de l'équipe des Avengers en ont au passage profité pour gagner en puissance et en efficacité, jusqu'à Hawkeye et Natasha Romanoff qui ne sont plus cantonnés, désormais, au rôle de faire valoir. Au contraire même.

C'est l'heure d'une petite berceuse ?

 

Focalisons-nous un instant sur les deux "humains" de l'étape, d'ailleurs. Age of Ultron souffre d'un scénario un peu (beaucoup?) maigrichon, sans doute dévoré par son appétit pour les scènes d'action (jusqu'à l'écoeurement par moments), mais parvient paradoxalement à travailler plus en profondeur la caractérisation de ses personnages. Et ceux qui y gagnent le plus sont, justement, Hawkeye et Romanoff. Le premier dévoile à l'équipe un aspect inattendu, et vraiment touchant, de son intimité, tandis que la seconde semble enfin nourrir des émotions et des sentiments, dans une dynamique de rapports humains qui n'a rien de simple. C'est ici que disposer d'acteurs de la trempe de Jérémie Renner et Scarlett Johansson s'avère précieux : Whedon s'adonne enfin à une véritable direction d'acteurs lorsque la caméra se fait plus intime, et permet aux deux stars hollywoodiennes de justifier leur cachet. Il ne leur faut pas plus de quelques minutes pour donner une véritable épaisseur aux deux rôles, et donc créer une tension qui se révèlera précieuse une fois le danger omniprésent lors des combats. On vibre pour eux, on souffre avec eux face à l'adversité.

Cette dynamique des rapports humains, je la tiens pour l'aspect le plus réussi du long métrage. Amours impossibles, besoin de vengeance, peur de soi et des autres... Plus sombre, plus mature, Avengers Age of Ultron se fait étonnamment calme, par moments, pour un blockbuster de cette envergure, laissant enfin la psyché de chacun s'installer à l'écran. C'est alors notamment l'occasion d'explorer les motivations de Tony Stark, qui semble commencer à dévoiler un aspect de sa personnalité  que les films, au contraire des comics, n'avaient pas encore effleuré. C'est aussi une opportunité de s'interroger sur ces nouveaux personnages que le film introduit. Quicksiver semble superficiel, mais révèle bien vite une plaie béante partagée par sa jumelle. Scarlet Witch, elle, est à fleur de peau, mais mûe par un irrépressible besoin de justice. Interprétée par Elisabeth Olsen, elle est l'une des très bonnes surprises du film, et devrait à coup sûr prendre une place importante dans l'univers Marvel version phase 3, et sans doute dès le Captain America Civil War prévu l'an prochain.

 

La phase 3 ? Pour ceux qui n'auraient pas suivi, chaque Avengers vient conclure un cycle dans les longs métrages estampillés Marvel. Le premier avait introduit l'univers et ses enjeux, le deuxième vient remettre en cause les équilibres et annoncer la genèse éventuelle d'une nouvelle formation d'Avengers. La grande question qui sera posée ces prochaines années sera de savoir qui survivra à cette remise en cause, et qui sera présent pour affronter le gigantesque enjeu que devrait constituer Avengers Infinity War, prévu en deux parties pour 2018 et 2019. D'ici là, on devrait en savoir plus avec un nouveau Captain America, donc, mais aussi un Dr Strange, un Gardiens de la Galaxie, un Thor... et un Spiderman. Vous avez bien lu : l'homme araignée devrait intégrer le groupe ces prochaines années. Avec lui, l'équipe sera au complet pour affronter le plus grand des dangers...

 

Ce qu'il faut retenir

Avengers Age of Ultron, redisons-le, n'est pas à la hauteur de son modèle. Principalement en raison de son scénario un peu trop expédié pour être honnête et d'un appétit un peu trop féroce pour les scènes d'action gargantuesques qui occupent l'écran les trois quarts du temps. Les enjeux financiers sont énormes, faut-il rappeler, ceci expliquant sans doute cela.

Heureusement, Whedon parvient à préserver l'essentiel, à savoir le capital sympathie du spectateur pour les personnages - l'on constate d'ailleurs au passage que les figures de proue du premier opus - Thor et Ironman - passent doucement au second plan, au profit du leader naturel de l'équipe, le Captain America. Et, surtout, le réalisateur pose les bases d'une phase 3 dont on attend désormais qu'elle renouvelle un peu les codes du genre, auquel Marvel semble un peu trop attaché. On veut y croire : l'exemple réussi des Gardiens de la galaxie a prouvé que la firme sait quel chemin emprunter pour faire évoluer ses bébés..