Hello tous,

Voici maintenant presque un mois, j'introduisais pour la première fois le blu-ray d'Assassin's Creed Unity dans ma PS4. J'ai dû avoir de la chance : la console n'a pas implosé, mon appartement n'a pas brûlé, ma voiture n'a pas été vandalisée et je n'ai pas perdu mon emploi dans les cinq minutes qui ont suivi cette malencontreuse initiative. Je suis conscient de ma chance : après tout, Unity a  été responsable d'à peu-près tout et n'importe quoi dans les salons des joueurs ces dernières semaines. Le déferlement de haine à l'encontre du titre a été tel qu'il a dépassé, pour la première fois, la seule sphère des loisirs numériques. Des collègues et amis - non joueurs - sont venus me voir pour me demander si le jeu était si catastrophique que ce qu'ils avaient entendu. J'ai dû les amener dans mon salon pour leur montrer, manette en main, qu'il n'en était rien. Je retiens le positif : j'ai réussi, à travers cette polémique, à les faire s'interroger concernant l'acquisition d'une console de jeux vidéo. Parce qu'ils ont tous été conquis par ce qu'ils ont vu. La bête immonde n'est pas si infréquentable que cela, faut-il croire.

Depuis, je suis arrivé au bout de l'aventure. Sans regret aucun, sans avoir eu non plus l'impression de traverser un champ de mines vidéoludique. Quelques bugs de collision ici et là, de rares soucis d'affichage et, surtout, un problème récurrent de l'IA des personnages contrôlés par le CPU, donnant lieu ici et là à des séquences d'infiltration au beau milieu de gardes à l'attention trop lâche ou trop aiguisée. Diable, je suis pourtant parvenu à mes fins, et j'ai bouclé les missions qui m'étaient assignées, passant sur les ratées du titre pour me focaliser sur ses succès. Car ils sont légion, quoiqu'on en dise : pour une mission souffreteuse, combien d'autres parfaitement abouties ?

Je me suis longuement demandé, alors, pourquoi un tel blockbuster pouvait être à ce point critiqué. Pour finalement en arriver à la conclusion qu'il est, plus que de ses bugs et de ses imprécisions historiques (ah Mélanchon, tu n'as de loin pas été le plus injuste des critiques vis-à-vis de ce jeu), sans doute la victime d'un contexte qui le dépasse. C'est ce que j'ai retenu de la lecture des commentaires accompagnant les multiples tests du titre - souvent bien plus cléments que les avis des usagers : une rancoeur latente contre Ubisoft, société devenue incontournable dans le secteur des loisirs numériques. En leur temps, Sony, Electronic Arts ou même Atari - en des temps que beaucoup d'entre vous n'ont pas connus - ont subi exactement la même vindicte. Et sans doute pour les mêmes raisons: il n'est jamais bien vu de dominer outrancièrement le marché des jeux vidéo, et ils sont quelques-uns à avoir fait les frais d'un bashing sévère pour avoir oublié cette règle simple : les joueurs punissent ceux qui gagnent à tous les coups. Sans doute un effet secondaire des heures passées à affronter des die and retry...

Le joueur n'aime pas devoir acheter à la suite Assassin's Creed, Far Cry, The Crew, jeux AAA estampillés du label de la même société. Alors, on se met à crier au loup, on pointe du doigt une entreprise qui, dit-on, a oublié l'essentiel - donner du plaisir aux joueurs - pour se concentrer sur ses bénéfices. On oublie que les deux vont de pair, quoiqu'on en dise, parce que nous sommes ceux qui demandons des suites à gogo, puisque nous les achetons, puisque nous y jouons - souvent avec passion. Et nous oublions que toutes les sociétés, même les plus grosses, ont aussi envie de plaisirs simples. Soldats Inconnus, non, je ne t'ai pas oublié.

En passant par les rayons de mon buraliste, cette semaine, je suis tombé sur le dernier numéro de Courrier International. Qui titre, en grenier de sa une, "Internet rend-il méchant ?" Titre délibérément provocateur qui renvoie justement au phénomène du "bashing" et du "troll" sur la Toile. Retour immédiat, dès l'accroche, sur l'affaire du Gamergate. Les mots qui entrent dans le champ sémantique du phénomène ? Violence, malveillance, défouloir, haine. Ils définissent un phénomène qui, dans le contenu du dossier, se cantonne aux attaques contre les personnes. Mais ce sont aussi ces mots qui peuvent être cités lorsqu'une masse de personnes anonymes s'en prennent à une réalisation pour finalement aller si loin dans la critique que l'on débouche sur une distorsion de la réalité. La conséquence ultime de tels comportements ? Qu'un titre intrinsèquement bon finisse par être boudé en raisons d'avis forgés a priori et sur la foi de mème marquant davantage les esprits parce qu'ils sont bien tournés que parce qu'ils renvoient à la réalité. Jusqu'à menacer la pérennité d'une franchise ? Ce n'est pas exclu.

C'est une spirale infernale de laquelle on a du mal à sortir, même quand on s'appelle Ubisoft. Cette vague d'attaques a été telle que la société en est venue à tenter d'amadouer ses détracteurs en leur offrant un jeu, "pour s'excuser de la gêne occasionnée". Dramatique aveu d'impuissance face à une communauté d'anonymes qui avait décidé de détruire l'e-réputation de la société sur la seule foi d'un agacement qui  couvait depuis quelques années. Comme si, dans ce milieu, il ne fallait surtout pas sortir du lot. Ou alors, craindre le marteau. C'est ce marteau qui, aujourd'hui, menace peu à peu Blizzard, et qui finira aussi par frapper Rockstar. Deux firmes dont les succès insolents ne sauraient être admis encore bien longtemps.

Allez savoir, on leur enverra peut-être un assassin...