Hello tous,

Je vous ai laissés, voici quelques jours, du côté de Tokyo, à profiter de la folle - et paradoxalement assez peu pesante - urbanité de cette métropole de presque 40 millions d'habitants. Pour autant, il serait dommage de se cantonner à cette image du pays, infiniment plus riche de nuances que ce que sa capitale laisse de prime abord supposer. Quitter Tokyo est un excellent moyen de s'imprégner d'un autre Japon, moins frénétique, plus vert, au goût prononcé pour l'esthétique du bois et le mariage de la pierre et de l'eau.

Inutile d'aller bien loin pour s'en faire une idée. J'ai coutume de me rendre du côté  de Kamakura et Enoshima, à une demi-heure (45mn pour Enoshima) à peine de Tokyo, pour me vider la tête et profiter du versant zen de cette culture capable de beaucoup de sérénité. A l'occasion de ce voyage, nous avons opté pour une autre solution, tout aussi satisfaisante. Une petite heure et demie de train au départ de Shinjuku suffit en effet à rallier les montagnes vers l'Ouest, à Odawara. Le point de passage obligatoire pour atteindre Hakone, spot figurant parmi les villégiatures préférées des Japonais. Un vrai petit trip qui vous oblige à vous frotter à la réalité du pays, à l'organisation infaillible de ses réseaux ferrés - mais parfois très complexe à saisir pour l'occidental égaré.

Parce que le plus difficile, c'est encore de s'y retrouver, au beau milieu d'une offre pléthorique - le Japon a fait du réseau ferré le coeur de son système de transports en commun. Et le hub de Shinjuku, à partir duquel nous avons pris le départ, est considéré comme la plus grande gare du pays. C'est dire s'il est aisé de s'y perdre. Le plus simple, pour rallier Odawara, tient donc encore à prendre son billet le jour même auprès d'un guichet tenu par une vraie personne - les guichets automatiques, si utiles pour la circulation dans Tokyo, sont quasiment inutilisables pour des destinations un peu plus éloignées et peu connues si vous ne maîtrisez pas la langue. A partir de là, demandez votre chemin - la voie, mais aussi la dénomination exacte du train : la même voie peut proposer plusieurs  lignes, en fonction de l'horaire. Et ceci sans compter la vocation de la ligne, qui peut être un express, un semi-express ou un standard desservant toutes les stations jusqu'à destination. A Shinjuku, faute d'avoir posé les bonnes questions dès le départ à l'agent d'accueil, il m'a fallu demander mon chemin par trois fois (en japonais) avant de trouver mon train et ma voie. Une leçon que je n'oublierai pas.

Bon plan : demandez à acheter le Hakone Free Pass, si vous êtes à Shinjuku. Valide deux ou trois jours, celui-ci comprend le trajet aller-retour, mais aussi la plupart des déplacements dans la région de Hakone. Plus d'infos sur https://www.odakyu.jp/english/deels/freepass/hakone/

Je vous inquiète ? Soyez sans crainte, il existe des solutions plus simples : en cas de doute, prenez l'express vers Odawara au départ des gares de Tokyo ou de Shinagawa. Si les gares sont grandes, un quai est dédié à cette ligne spécifique qui ne fait pas halte à Shinjuku. C'est la solution pour laquelle j'avais opté lors de mes précédents voyages, et elle conserve ma préférence.

Une fois à Odawara, l'on commence déjà à sentir que l'ambiance générale a changé. Pourtant, guère de respiration depuis Tokyo : le bâti est continu, désormais, constitué de petites maisons empilées les unes sur les autres par souci de densité. Ma mémoire me joue peut-être des tours, mais j'ai l'impression que cet empilement urbain s'est même considérablement accru depuis 2006, date à laquelle j'ai pour la première fois réalisé ce trajet. Je me dis que c'est peut-être là l'une des conséquences du tsunami : un repli massif vers les terres. Pas mal de constructions sortaient de terre.

Mais continuons : il reste à emprunter un petit train de montagne pour rallier Hakone.

Hakone, qui tire son nom du volcan éponyme, se comprend comme une zone lovée autour du lac Ashi, séparée en plusieurs entités. Hakone-Yumoto, Hakone-Machi, Moto-Hakone, Hakone-Itabachi... Autant de petits bourgs qui structurent le site et construisent leur propre identité en fonction de leur positionnement par rapport au cratère, que ce soit sur ses flancs ou dans sa gueule, là où se loge le lac lui-même. La nature, elle, est omniprésente dans cet écrin de montagne où la végétation se fait luxuriante. Le climat est légèrement humide, ce qui fait du bien après un séjour au coeur de la capitale.

Je parlais du volcan "Hakone". La particularité d'une zone de vie adossée à un tel géant naturel, c'est qu'elle prospère en symbiose avec les spécificités d'un tel voisinage. Le sous-sol, brûlant, chauffe les eaux naturellement, celles-ci rejaillissant en plusieurs points sur les flancs du volcan. C'est autour de ces résurgences que sont bâtis les onsens, bains thermaux réputés pour proposer des eaux particulièrement bonnes pour la santé. On leur accorde des vertus pour le dos, mais aussi pour les problèmes de céphalées, de maux d'estomac, j'en passe et des meilleures. L'eau du Mont Hakone est particulièrement réputée à travers le Japon, c'est elle qui se fait le principal moteur du tourisme dans cette région. Pas étonnant donc que tout un réseau de ryokans et d'hôtels profitent de cette ressource.

N'allez pas croire que passer une nuit ou deux dans un ryokan relève d'un lieu commun touristique. Au Japon, les ryokans sont une culture, un véritable art de vivre, l'occasion unique de couper, radicalement, avec le rythme effréné du quotidien. Choisir son ryokan est donc un moment particulièrement délicat. Si celui-ci est trop vétuste ou doté d'onsens trop petits, l'expérience en sera nécessairement altérée. Pour en avoir testé plusieurs au fil de mes voyages, je dirais que le voyageur doit être attentif à plusieurs choses : l'esthétique générale des lieux (on parle de bâtiments souvent traditionnels), les photos des onsens - essayez de privilégier ceux qui proposent des bains en extérieur, c'est incomparable -, et la situation géographique.

Pas mal de ryokans se trouvent au bord de la route qui serpentent sur la montagne, sachez-le. Ils sont néanmoins construits de telle sorte que les chambres donnent sur la rivière Haya-Kawa, vous ne serez pas perturbés. Le prix est également un bon indicateur de la qualité du ryokan que vous choisissez: ne vous attendez pas à des prestations fabuleuses si vous investissez moins de 150 euros pour la nuit par personne : les tarifs comprennent en effet le plus souvent le dîner et le petit-déjeuner, en cuisine traditionnelle kaiseki (edamame, dango, sushis, sashimi, miso, tofu et poisson grillé au menu... même au petit-déjeuner). Mais je peux vous garantir que l'investissement en vaut la peine : c'est sans doute dans les ryokans (s'ils sont bien choisis) que vous forgerez vos souvenirs les plus marquants du Japon.

Pour vous choisir un ryokan, une petite piste à creuser: https://www.ryokan.or.jp/search2/map/area/C750/local/C

Pour notre part, nous avions choisi cette année le Fukuzumiro, à Hakone Yumoto. Très, très bel endroit, avec des prestations d'excellente qualité, mais les onsens étaient trop petits et en intérieur. Hélas, cela a rendu l'expérience moins magique qu'à l'accoutumée. Mais dieu que l'endroit était beau... https://www.japanican.com/en/hotel/detail/4307005/?ar=14

 

Pour l'anecdote, nous avons choisi de passer une seconde nuit dans un hôtel "classique", en l'occurrence  un véritable palace ambiance Japon XIXe siècle : le Fujiya, à Hakone-Machi. Le nom est à retenir si vous passez par là et que vous avez en tête de profiter des avantages des eaux thermales sans vous départir du confort moderne (tout en élégance vintage, c'est sublime): tout le réseau d'eau de l'hôtel est connecté au réseau hydrographique courant sous la montagne, ce qui fait que vous pouvez créer votre propre onsen... dans votre baignoire. La piscine de l'hôtel, chaude, est également alimentée avec cette eau. Accessoirement, si vous êtes sensibles à l'histoire, sachez qu'Einstein, Chaplin et l'empereur du Japon Hiro Hito ont séjourné ici.

Le Fujiya: https://www.fujiyahotel.jp/en/index.html

 

 

A voir, à faire

A présent que vous êtes confortablement installés dans votre hôtel, ou ryokan, vous devez vous demander ce que vous pouvez faire dans cette région escarpée. Le premier des loisirs, je l'ai dit, tient à profiter des onsens. Celui de votre hôtel, évidemment, mais pas seulement : le territoire a structuré toute une offre permettant aux amateurs de vaquer d'un onsen à l'autre, moyennant un billet acheté à la journée. Faites un tour par l'office de tourisme pour vous renseigner, en arrivant à Hakone : la tournée des onsens est une possibilité qu'il serait dommage d'écarter d'emblée, tant certains sites sont fabuleux. Evidemment, cela suppose peut-être de prendre trois jours sur place, le temps de découvrir tout ce que la région a à proposer.

Car le Mont Hakone regorge de petits coins magiques à visiter. Si vous avez peu de temps, vous irez directement à l'incontournable : le site d'Owakudani, à flanc de volcan, renvoie immanquablement au sulfatar du Vésuve, en Italie. Ce qui y attend le visiteur, ce sont des fumerolles témoignant de la forte activité volcanique des lieux, une zone aride, de laquelle la végétation a quasiment été bannie, ainsi que des résurgences d'eau brûlante, sulfurée, que les Japonais ont astucieusement mises à contribution pour lancer une activité pour le moins inattendue : la cuisson d'oeufs. Ceux-ci sortent noirs du traitement qui leur est appliqué, avec un très léger goût souffré qui n'est pas déplaisant, au contraire même. La dégustation de ces oeufs est devenue sur place l'une des activités à ne pas manquer. Vous partagerez l'expérience avec des dizaines de visiteurs, autour de tables en pierre installées là pour racueillir les coquilles brisées. Japon oblige, tout le monde met ses déchets dans la poubelle voisine, n'oubliez donc pas de vous plier aux moeurs locales.

Les émanations de fumées peuvent être difficiles à supporter, non seulement à cause de l'odeur, qui peut être très forte, mais aussi parce qu'elles sont potentiellement toxiques, ainsi qu'une pancarte le rappelle à l'entrée (le site est d'ailleurs fermé lorsque les émanations sont trop fortes, et la balade est déconseillée aux personnes fragiles, cardiaques, et aux femmes enceintes). La promenade peut donc s'avérer assez éprouvante. Mon conseil : ne forcez pas, et cantonnez-vous à la zone basse du site si vous sentez que vous allez ne pas y arriver.

L'avantage, avec Owakudani, c'est que le site est très bien desservi. Un funiculaire menant sur les berges du lac Ashii, notamment, y fait étape : prenez-le, ce sera peut-être l'occasion, si le ciel est dégagé, de voir surgir le mont Fuji et bénéficiant d'un point de vue exceptionnel. Nous n'avons pas eu cette chance, cette année, le ciel étant très couvert, ce sera pour une prochaine fois...

(Deux photos Wikipedia, histoire de montrer ce que nous, nous n'avons pu voir...)

 

Une fois sur les berges du lac, on ne manquera pas de comparer la rive nord à la rive sud. La première, celle que vous découvrez en descendant du funiculaire, à Tôgendai, est assez triste, mais en marchant un peu vers l'Est, vous pourrez faire escale dans l'un des petits restaurants qui se sont installés là (en n'oubliant pas qu'après 16h, les transports en commun deviennent de plus en plus rares, donc prenez vos précautions et vérifiez les horaires de celui que vous aurez choisi, à moins de devoir prendre un taxi pour rentrer à l'hôtel). Vous pourrez, en poussant vers les pontons, louer des bateaux-canards pour aller sur le lac et profiter du paysage si le Mont Fuji se dévoile. Vous pouvez aussi décider de traverser le lac en prenant l'un des bateaux pirates (sic!) qui ont été mis en eau ici pour transporter les touristes. C'est kitsch, ça ne colle absolument pas au décor, mais c'est bien pratique. Surtout, cela vous permet de rallier assez rapidement la rive sud, où il y a beaucoup plus à voir.

 

Une fois au sud du lac, c'est en effet l'histoire du Japon qui structure le paysage. Un majestueux torii planté dans l'eau, d'abord,  annonce la présence du sanctuaire Hakone-Jinja, qui date du VIIIème siècle. La vieille route qui longe le lac, à l'écart de l'axe principal de ciruclation, mérite également le détour: vous y trouverez les vestiges d'un ancien poste de douane qui séparait, autrefois, les préfectures d'Edo et de Kyoto, sur la route du Tokaido. Il s'agissait d'un point de passage stratégique.

Lorsque j'ai découvert Moto-Hakone pour la première fois, en 2006, il n'y avait là guère que quelques maisons, un centre touristique et quelques rares espaces de restauration. J'ai été surpris de constater qu'ici aussi, pas mal de petites demeures avaient poussé ces dernières années. Pas encore suffisant, cependant, pour gâcher la sérénité des lieux, mais je m'inquiète: à ce rythme, le lac Ashii ne sera plus le même d'ici quelques années.

Mais qu'à cela ne tienne. Pour l'heure, le plaisir est intact, et Hakone reste une destination à envisager sérieusement si vous décidez de vous lancer pour la première fois à la découverte du Japon. Vous vous y ressourcerez, et c'est aussi ici que vous pourrez effectuer quelques emplettes pour ramener des souvenirs à votre famille ou à vos amis : outre une activité artisanale assez soutenue, la région est aussi réputée pour être une terre privilégiée en termes de production de petits gateaux. Méfiez-vous néanmoins : la plupart de ces gateaux sont réalisés à partir de pâte d'azuki (haricot noir), et certains d'entre eux vont jusqu'à être fourrés... de poisson et de confiture. True story.

Il est temps de quitter les flancs du volcan, à présent, pour rallier Kyoto, dernière étape de ce périple (à nouveau) initiatique. On se retrouve d'ici une petite semaine pour faire le point sur ce qui restera, comme bien souvent lors de mes voyages au Japon, le plus beau souvenir de ce périple.

En attendant, vous pouvez toujours retrouver la première partie du voyage, à Tokyo, à l'adresse https://www.gameblog.fr/blogs/noiraude/p_104597_japan-trip-1-tokyo-deseu