Yop tous,

Comme d'habitude, un petit partage de mon dernier test pro, cette fois consacré à l'excellent Chevaliers de Baphomet V. J'avais eu l'occasion de m'entretenir à l'automne 2012 avec son papa, le très sympathique Charles Cecil, qui a l'époque promettait mons et merveilles en revenant à une formule plus classique du point and clic pour sa franchise. Honnêtement, c'est une promesse plus que tenue, au point que j'attends désormais la suite avec une sincère impatience. Si vous aimez les jeux où il faut se creuser un peu les méninges (mais pas trop, le titre abandonnant les partis-pris habituels du genre, qui aime la difficulté), c'est un jeu qui est fait pour vous.

Sur ce, bonne lecture, et comme toujours si vous voulez lire cette bafouille dans son contexte original, accompagné de quelques bonus - dont le papier que j'avais dédié à la démarche Kickstarter entreprise par les studios Revolution pour financer le jeu, rendez-vous sur https://www.dna.fr/loisirs/jeux-video

 

  La grande aventure

 

 

Le modèle économique du financement participatif avait souri au projet de Charles Cecil, et en voici les bien jolis fruits : la franchise culte des jeux d'aventure Les Chevaliers de Baphomet s'en revient pour un nouveau défi, certes scindé au passage en deux parties mais d'ores et déjà diablement réussi. Le genre du point and clic, presque aussi vieux que le jeu vidéo lui-même, y est plus séduisant que jamais.

 
 
Il existe donc bel et bien une vie en dehors des circuits d'édition et de distribution classiques. Sir Charles Cecil, tête pensante des studios britanniques Revolution Software, rêvait de pouvoir raconter une nouvelle histoire des Chevaliers de Baphomet en s'affranchissant des contraintes imposées par un contrat d'édition classique. A l'automne 2012, la société avait donc lancé une levée de fonds via la plateforme de crowdfunding Kickstarter, avec l'objectif de récolter 400 000 dollars en un mois. Affaire classée plus vite qu'escompté : il avait fallu à peine... treize jours pour que le projet obtienne - puis dépasse assez largement, atteignant finalement 771 000 dollars - le financement escompté, grâce à l'apport de plus de quatorze mille contributeurs motivés par la perspective d'obtenir une copie physique du jeu et divers bonus plus ou moins alléchants selon le montant engagé (voir DNA du 15/09/2012). C'est dire, de fait, si la galaxie des joueurs entendait rendre vie à la saga autrefois adulée.
Annoncé pour début 2013, le nouveau volet de la saga a certes pris pas mal de retard durant sa conception. Mais les dernières semaines ont finalement permis de voir le titre pointer le bout de son nez. La malédiction du serpent, comme promis par ses créateurs, s'offre ainsi désormais à la découverte pour tous en version dématérialisée, que ce soit sur PS Vita, Apple Store, Android Market, Mac ou PC. Un mode de distribution permettant au studio de développement de toucher l'essentiel des recettes de la vente des jeux : « Quand nous travaillons pour un éditeur, nous touchons 7 % des recettes issues de la vente du jeu, somme dont il faut en plus déduire les frais de développement pris en charge par avance par l'éditeur, expliquait le patron de Revolution Software à l'époque du lancement du projet sur Kickstarter. Dans le cas d'un financement participatif, nous pouvons obtenir 70 % des recettes des ventes. C'est ce qui nous permettra d'autofinancer nos prochaines productions».

Retour aux sources

La Malédiction du serpent a beaucoup gagné de cette liberté de création retrouvée. Le titre opère en effet un magistral retour aux sources, renvoyant à l'expérience des deux premiers opus, restés dans toutes les mémoires. Exit, donc, la 3D intégrale, qui avait coûté à la saga son âme dans les troisième et quatrième opus. Revolution Software mise cette fois sur un habile mélange de 2D, pour les décors, et de 3D, pour les personnages. L'exercice pouvait sembler périlleux, mais il est très largement réussi : la plupart du temps, les protagonistes de l'aventure se fondent parfaitement dans les environnements traversés.
Evidemment, tout y est mis en musique pour mettre en valeur les deux héros incontournables de la franchise, l'Américain pince-sans-rire George Stobbart et la journaliste française au caractère bien trempé Nicole Collard. Cette fois, le duo est d'entrée de jeu confronté au meurtre d'un conservateur de galerie et au vol d'un mystérieux tableau à la réputation pour le moins sulfureuse. Une situation comme la franchise aime les décrire, et idéale pour y faire valoir tous les ingrédients habituels de la formule : un zeste d'humour, une pincée d'occultisme, un maximum de classe et d'élégance, et surtout une bonne dose de remue-méninge comme seuls les point and clic savent le proposer.
Revolution Software a l'intelligence, partant, de ne pas recycler sans réfléchir les mécaniques si typiques du jeu d'aventure. On y scrute bien évidemment les décors à la recherche des éléments avec lesquels il est possible d'interagir, mais La malédiction du serpent réactualise les outils à disposition du joueur afin de rendre l'expérience plus fluide qu'à l'accoutumée. Ici, tout est fait pour simplifier les actions entreprises, des icônes permettant d'orienter les dialogues jusqu'aux menus d'objets à utiliser. Fondamentalement, les codes sont respectés, mais le lifting dont bénéficie la jouabilité a la vertu d'éviter au joueur de buter sur une énigme simplement parce que l'interface est mal adaptée. Une performance en soi, à laquelle il faut ajouter de surcroît la salutaire capacité du titre à offrir quelques puzzles et mini-jeux bien troussés, comme autant de petites pauses dans une succession de tableaux où l'observation fine reste le plus souvent la clé de la réussite.

La suite, vite !

Pas particulièrement difficile mais suffisamment bien construite pour accrocher le joueur de bout en bout, cette première partie des Chevaliers de Baphomet V est une superbe impulsion pour une franchise enfin rendue à sa splendeur d'antan. Esthétiquement sublime, riche de la patte unique de ses décors que l'on croirait presque dessinés à la main, forte de ses doublages d'excellente facture et de sa qualité d'écriture, cette entrée en matière ne pèche guère que par sa relative brièveté - à peine cinq ou six heures - et par son choix, sans doute délibéré, de boucler sa narration sur un climax particulièrement frustrant. Mais c'est la promesse d'une suite encore plus passionnante, que ces diables d'Anglais promettent pour le premier trimestre de cette année.
D'ici là, on pourra profiter du retour sur la scène du point and clic de deux géants des défunts studios Lucasarts : la première partie de Broken Age (ex-Double Fine Adventure), le dernier bébé des immenses Ron Gilbert et Tim Schafer d'ailleurs également financé via une campagne Kickstarter, devrait être disponible dès le 14 janvier sur les plateformes de téléchargement en ligne. L'année 2014 pouvait difficilement mieux commencer...