Nintendo est bien décidé à rattraper à pas de géant son retard  sur ses concurrents. Si la stratégie en ligne du fabricant propose une approche différente néanmoins, elle apparaît dans bien des aspects presque sournoise. En enrôlant les détaillants, le numéro un mondial table sur ce partenariat inédit pour convertir et accompagner ses clients dans l'adoption de nouvelles habitudes d'achat. << Il semble qu'en général le téléchargement de jeux dématérialisés soit étranger aux magasins >> a déclaré le président Iwata lors de son allocution de jeudi dernier. Une pique envoyée à ses compétiteurs habités par d'autres desseins que d'embrasser une évolution des comportements d'achat.
 
Le constructeur cherche donc à se démarquer de cette politique discriminante, non sans arrière-pensée : << nous demandons aux détaillants de s'impliquer activement. >> Un appel qui prend la forme d'un avertissement, tous ceux qui n'adopteront pas les nouvelles méthodes de distribution des jeux Nintendo risquent de rester sur la touche. En multipliant points d'accès et modes de paiement à son portail ecommerce, Nintendo renforce son contrôle des réseaux de distribution physique qui ont pignon sur rue au Japon. Un vieux rêve que caressait déjà Hiroshi Yamauchi, Nintendo ayant sous sa gouvernance maintes fois été condamné pour distorsion de la concurrence en Europe comme dans le reste du monde.
 
Toutefois, les bénéfices en faveur des détaillants sont bien réels. La gestion des surplus des stocks est mieux rationnalisée, les magasins peuvent mêmes vendre des jeux en rupture de stock. La gérance du "juste à temps" n'est plus un mirage n'existant que dans les manuels du parfait administrateur des ventes. Cependant, et c'est la toute l'astuce de Nintendo, un transfert de charge repose maintenant sur les épaules des magasins. Le constructeur n'assume plus les coûts de facturation et encore moins la gestion des paiements, un effet d'aubaine qu'elle ne se prive pas de s'approprier sans le moindre scrupule.
 
Nintendo utilise un mot charmant "proactif" pour mobiliser les détaillants dans l'objectif "commun" d'étendre l'expansion de son activité numérique : << Nintendo ne peut à lui seul élargir sa base de client potentiel c'est pourquoi nous avons demandé aux magasins de s'impliquer activement afin d'augmenter l'exposition de nos produits en version dématérialisée. >> Afin que la pilule amère puisse passer, les détaillants ont la capacité de fixer eux-mêmes le prix des tickets de téléchargement et autres modes d'achat en ligne.
 
Plutôt que d'enjamber un des grands perdants de la dématérialisation des contenus, Nintendo propose l'équivalent d'une paix armée avec les chaînes de détaillants tout en réalisant un voeux pieu. Celui de mettre sous surveillance un acteur indocile qui s'est souvent joué des intérêts des constructeurs. La mise en service de son portail Nintendo Network ne se fait pas à n'importe quel prix.