Ces derniers temps, les détracteurs de tout poil de la Wii U ont avantageusement bénéficié d'une surexposition médiatique. Le site GI.biz a souhaité contrebalancer le consensus idiot autour des chances infimes de Nintendo à reproduire l'audacieux pari qui l'a porté à la plus haute marche du podium. Pour ce faire, le site économique a été à la rencontre d'analystes qui se distinguent par une lecture plus pondérée de la stratégie industrielle du constructeur japonais. Parti pris.
 
Ils portent d'identiques dénominations ronflantes mais ne cherchent pas à instrumentaliser leur analyse du paysage concurrentiel. Ces professionnels drapés dans leur indépendance n'en sont pas moins occultés lorsque à chaque transition technologique pendant laquelle les constructeurs remettent leur titre en jeu, Nintendo concentre toutes les interrogations sur sa capacité à relever un défi industriel que l'on souhaite toujours trop grand. << C'est un sujet d'actualité qui revient souvent, constate Ted Pollak du cabinet Jon Peddie Research. On dit Nintendo à la traîne mais elle a pour coutume de se focaliser sur le gameplay. Leur stratégie technologique actuelle échappe à beaucoup de personnes. >>
 
L'analyste se réfère au positionnement passé de la Wii pour comprendre le mouvement singulier de son successeur : << La Wii a été conçue pour fonctionner sur les téléviseurs à définition standard. Une fois commercialisée, le taux d'équipement en TV classique était majoritaire dans les foyers. >> La console de Nintendo était par conséquent en phase avec son temps, avant que la lente montée en gamme des ménages ne vient accélérer le vieillissement de la Wii. Il aura fallu tout de même attendre un laps de temps de quatre ans avant que les TV HD représentent 60% du marché nord-américain.
 
Le constructeur n'est donc pas dans le déni technologique, Nintendo attend que le marché devient une réalité économique contrairement à ses compétiteurs qui agissent par anticipation jusqu'à se brûler les ailes : << nous sommes confrontés à des consoles HD qui exigent dorénavant un meilleur taux de rafraîchissement de l'image (1080p) et une compatibilité 3D à nos téléviseurs alors que la base installée est en grande partie composée de télévisions 720p. Pour beaucoup, Sony et Microsoft survendent leur offre par rapport au capacité du marché >> fait remarquer l'analyste financier.
 
Le modèle économique de Nintendo se base sur la temporisation technologique ce que d'aucuns qualifient avec empressement de faiblesse : << associé le savoir-faire ludique de Nintendo à la manette à écran, à la technologie sans contact NFC et son portail en ligne, je pense que l'ensemble est très bien planifié >> assure Pollak. Opinion rejointe par celle de Colin Sebastian de RW Baird pour qui le prix d'achat estimé à << 299$ est un bon prix d'appel >> mais demeure sceptique sur la stratégie en ligne du constructeur en attendant d'en savoir davantage à l'E3.
 
S'il y avait un guignol à distinguer parmi ces nouveaux décideurs, ce serait bien Patcher qui n'a jamais caché son antipathie envers Nintendo : << c'est un non sens que de demander aux éditeurs de réaliser des jeux fondamentalement différents sur Wii U alors que sa puissance est identique ou approchant celle de la PS3 ou de la 360 [...] la clef c'est le soutien des éditeurs tiers [...] son assise financière est confortable, aussi je ne pense pas que la Wii U atteindra le niveau de vente du format actuel [...] je jugerai après l'E3. >>
 
Bien que perplexe sur le grand écart que souhaite réaliser le fabricant en satisfaisant deux aspirations ludiques diamétralement opposées (joueurs confirmés et occasionnels), l'analyste Pietro Macchiarella de Parks Associates se montre confiant : << une console mise sur un pied d'égalité avec les plates-formes de génération actuelle sera suffisante pour les possesseurs de Wii. >> A une condition : << que le prix (supposé) ne change pas. >> Il nuance toutefois son point de vue : << le point de fixation du prix de la Wii U sera difficile à défendre, la concurrence du bundle 360+Kinect >> a toutes chances d'entrer dans une guerre des prix au préjudice de la Wii U.
 
En somme, les chances de Nintendo sont réelles bien que des incertitudes subsistent. A la surenchère technologique des uns, le fabricant répond par une paix armée. Miyamoto ne disait-il pas hier que le dispositif ludique de la Wii U déjouait toute tentative de plagiat. Il semble que ce sont tous les acteurs de l'industrie à commencer par les observateurs (analystes...) qui peinent à caractériser le potentiel de la nouvelle console de Nintendo.