La disparition subite de Satoru Iwata a soulevé une grande émotion partagée par les grands acteurs de l’industrie comme des joueurs du monde entier. À une exception près. Une frange cupide de spéculateurs financiers a de la plus détestable des manières salué le décès du président par une hausse de l’action Nintendo sur les principales places boursières de la planète. Désormais, ils anticipent de la direction par intérim une inflexion de cette stratégie du refus d’abandonner la fabrication de console propriétaire au bénéfice du statut improbable d’éditeur de jeux iOS/Android. La NX est-elle en sursis ? Pas pour tout de suite…

L’annonce de l’alliance avec DeNA, un champion local du jeu vidéo sur supports intelligents avait pourtant pour objectif premier d’assourdir les investisseurs les plus impatients. Mais les succinctes lignes sur la NX dont l’objet était d’envoyer un signe rassurant à son coeur de marché ont douché leur enthousiasme. Depuis le décès de la tête pensante de Nintendo, ces derniers ont fini de ronger leur frein. Ils attendent désormais de la direction bicéphale un signal fort. Que peut-elle attendre des deux hommes, Shigeru Miyamoto et Genyo Takeda, nouvelle incarnation du pouvoir chez Nintendo ?

Pour ainsi dire pas grand chose de “la vieille école”. Si ce n’est de préparer le terrain d’une sortie par le haut au prochain PDG.

L’aversion éprouvée par Miyamoto au plus haut poste directionnel exclut le créatif de l’appel à candidature prochainement formulée par le conseil d’administration. À maintes reprises, ce dernier a confié, avant d’être rapidement démenti par les communicants de Nintendo, sa détresse aux médias de revenir aux bases fondamentales de son métier de game designer. Il a également évoqué de son propre chef son âge avancé avec en corolaire les conditions de sa succession. Miyamoto s’est auto-exclu du jeu de pouvoir sans pourtant revendiquer une certaine influence parmi les décisionnaires clefs.

Bien que la lumière médiatique se refuse à lui, Genyo Takeda est une figure historique de Nintendo. À l’aune de sa 43ème année de présence au sein des pôles stratégiques en R&D, il a entre autres développé et fait épanouir sa qualité d’expertise fondée sur la loi des rendements décroissants. Autrement dit, à partir d’un certain niveau de technicité, la puissance augmente de moins en moins. La Wii ainsi que son successeur sont nés de cette constatation. Lui prêter une ambition présidentielle à l’âge de 66 ans alors que son rôle s’est jusqu’ici limité à observer les organes décisionnaires du haut de son fauteuil au sein du conseil administratif semble raisonnablement impossible.

Quel sera donc le profil du prochain PDG ?

Tout sauf un homme issu du sérail de Satoru Iwata, répondraient en choeur les cercles financiers. À laquelle il faut ajouter la voix de l’ex-responsable de la branche indé de Nintendo, Dan Adelman. Remercié par ses supérieurs en raison de sa liberté de ton, il n’a pas fait économie de sa verve aigre-douce pour dénoncer une culture d’entreprise « passéiste » basée sur le culte absolu du consensus. Selon lui, le poids écrasant de la hiérarchie ne favorise pas l’émergence de cadres décisionnaires. À son sommet, Satoru Iwata effrayé à l’idée de « s’aliéner le moindre cadre », tandis que le reste des décideurs entourant le PDG de Nintendo est rattrapé par leur âge avancé dont le fort attachement au passé serait responsable de leur incapacité « à saisir pleinement le paysage vidéoludique actuel ».

La volonté d’avoir un homme neuf aux commandes de la société préfigurerait d’une vaste réorganisation interne avec en point d’orgue une redistribution des pouvoirs de décision. Et que cette question soit débattue au plus haut niveau : le retrait du marché des consoles. Dans ce contexte tendu, le projet NX risque d’entrer dans une zone de forte turbulence.

Nintenboy.com