Le timing est parfait, presque même dérangeant par son synchronisme opportuniste. Remis d’une opération chirurgicale qui l’a éloigné de ses fonctions de dirigeant, Satoru Iwata est réapparu au-devant des médias pour annoncer le retour aux bénéfices de Nintendo. C’est à croire que l’homme épouse le destin compliqué de son entreprise. C’est bien le cas et surtout - chez Nintendo - une exigence.
 
Son prédécesseur incarnait de tout son être un Nintendo arrogant, imaginatif, redoutable. Rien ne transpirait de la gouvernance d’Hiroshi Yamauchi, pas même son bilan de santé en dépit de son âge avancé au diapason des performances commerciales déclinantes des consoles de salon, conséquence de ses choix stratégiques hasardeux. L’hyperpersonnalisation du pouvoir lui permet de faire taire toute critique, son bilan historique positif aussi. Hiroshi et Nintendo ne font qu’un. Cependant, la société est malade de ses accidents industriels successifs tandis que Yamauchi est rattrapé par l’usure du pouvoir. Il organisera lui-même les conditions de son départ à la retraite, maquillera la passation de pouvoir entre lui et son dauphin Satoru Iwata non comme un renoncement aux plus hautes fonctions, mais comme une faveur accordée à son héritier.
 
L’audit interne lancé par son successeur révèle aux yeux du conseil d’administration l’état de santé inquiétant de Nintendo. Une cure de jouvence est alors prodiguée par un quinqua en pleine possession de ses moyens. La Wii tout en rupture avec les habitudes du passé redonne des couleurs à l’entreprise. Cette période faste ne dure qu’un temps. La Wii U ne décolle pas. Violemment attaquée par une fronde d’analystes (Patcher en tête) voulant la peau du constructeur qualifié de « vieux dinosaure » de l’industrie, c’est Hiroshi Yamauchi qui s’éteint à l’âge de 85 ans.
 
La situation médicale d’Iwata n’est guère mieux. Une tumeur bégnine lui est diagnostiquée alors qu’il fait face à l’une des plus douloureuses crises de toute l’existence de Nintendo. Les bénéfices plongent à un rythme sans précédent, Iwata est hospitalisé d’urgence. Après plusieurs mois de convalescence, il reprend ses fonctions la silhouette amaigrie, mais sur pieds, pour annoncer des résultats dans le vert, déjouant ainsi les attentes pessimistes des analystes.
 
Suivra un état de grâce au diapason d’un Nintendo requinqué à dose homéopathique. Jusqu’au prochain bilan de santé financier.