À l’heure où les magazines de jeux vidéo ferment les uns après les autres (dernier en date l’Officiel Nintendo Uk), je me suis dit qu’il serait intéressant de se pencher sur un des piliers du marché nord-américain, Nintendo Power. C’est à l’initiative de Nintendo of America que le contrat de licence accordée à l’omnipotent Future Publishing fut rompu en août 2012, précipitant la disparition du mensuel. Le dernier numéro est paru en décembre 2012, scellant plus d’un quart de siècle d’existence... mouvementée.
 
Nintendo Power est une émanation d’un fanzine officiel distribué aux membres du Nintendo Fun Club. Mais après sept exemplaires distribués gratuitement aux adhérents, le NFC News change d’orientation éditoriale pour devenir en août 88 une publication à part entière. La Une de couverture met en avant le hit NES Super Mario Bros. 2 fait de pâte à modeler; cette édition légendaire fut tirée à près de 3,6 millions d’exemplaires. Contrairement à sa forme préalable dédiée exclusivement à la promotion des produits du fabricant, Nintendo Power s’ouvre aux éditeurs tiers. Leurs jeux sont testés avec une complaisance parfois désarmante. Anecdote surprenante, la mascotte du magazine s’appelait Nester. Le lecteur suivait ses aventures racontées en bande dessinée. Mario prendra le relai quelques mois plus tard avant de céder lui-même sa place au début des années 2000, à un autre personnage emblématique étranger au catalogue de jeux appartenant à Nintendo. Sa particularité est d’avoir joué avec la curiosité des fans auxquels il n’a jamais été réellement présenté.
 
 
Au fil des années, cette publication devenait un prétexte marketing évident. Nintendo avait les pleins pouvoirs sur la ligne éditoriale du magazine. Il ne s’était jamais privé de l’exercer, avec des résultats contrastés. Froidement accueillies par les joueurs américains, les ventes de Dragon Warriors (Dragon Quest au Japon) ont été miraculeusement relancées grâce à la vente jumelée du magazine avec une démo du jeu. Cet effet d’aubaine avait dans le même temps profité à la publication officielle du constructeur qui gagna des milliers d’abonnés supplémentaires. À la faveur de l’arrivée de la SNES, le magazine conte les aventures de Mario, Zelda, Star Fox, Metroid (et bien d’autres !) sous forme de bande dessinée. Le transmédia n’existait pas encore, mais il était déjà étalé en pleines pages dans Nintendo Power.
 
 
Les publicités comme les couvertures faisaient l’objet d’intense chantage ou tractation entre Nintendo et les éditeurs. Le fabricant se réservait le droit contre toute logique commerciale bénéfique au magazine de refuser une campagne publicitaire afin de sanctionner un éditeur indélicat voire de favoriser son concurrent afin qu’il rentre sagement dans le rang. Cette pression publicitaire se relâcha dès les années 2000 après que la position concurrentielle du fabricant fut très largement remise en question par le triomphe de Sony. En 2005, Nintendo cède les droits de Nintendo Power à la filiale nord-américaine de la maison d’édition Future Publishing. Celle-ci procède un toilettage esthétique. La modernisation du logo est en rupture avec le précédent dans le but de plaire au grand public. Le découpage intérieur est classique, la grande force éditoriale du mag – les astuces et soluces – disparait progressivement au profit d’une section communauté dans l’air du temps.
 
 
Le fossoyeur Future n’eut de cesse d’appauvrir la ligne éditoriale de NP, soutenu à bout de bras par une poignée d’éditorialistes muselée par Nintendo et les annonceurs. Le fabricant mit fin à cette mascarade il y a deux ans.
 
En France, Nintendo Power n’a jamais été décliné en dehors du mensuel non officiel "Super Power" au logo vaguement inspiré de NP. Pour lui rendre hommage, j’ai décidé de travailler sur un numéro dont le logo reprend les mêmes codes identitaires de cette illustre publication. Les articles brasseront l’actualité immédiate et rétro de Nintendo. Les détails viendront très vite. En attendant, voici un petit montage histoire d’évaluer la pertinence visuelle du projet. Qu’en pensez-vous ?