Journey, un titre situé nulle part où le joueur cueille des émotions inattendues. Derrière la poésie des images feutrées, le studio « Thatgamecompany a beaucoup souffert », apprend-on du co-fondateur Jenova Chen. Porté à bout de bras par une équipe ébranlée par une ambiance de travail délétère, le succès incroyable du jeu a masqué une actualité moins scintillante qui a traversé le jeune studio. Lumière.

« Thatgamecompany est certainement différente, cependant la majorité des personnes qui ont travaillé sur Journey sont restés au studio » tient à rappeler Chen. Critique enthousiaste et récompenses à la pelle n'auront pas suffit à faire de cet ovni vidéoludique « une affaire rentable ». Trois longues années ont été consacrées à la réalisation de Journey, poussant le jeune studio au bord de la faillite. Cette mauvaise gestion du processus de développement ont poussé à la démission de cadres de haut niveau juste après la commercialisation du jeu. Le co-fondateur n'exprime publiquement aucune rancune envers ceux qui se sont retirés. Il a vécu une expérience professionnelle presque similaire : « lorsque j'ai pris congé d'Electronic Arts, je me suis senti mal à l'aise car un projet était en cours de finalisation, mais je me suis trouvé ensuite plus heureux et plus productif. »

L'équipe avait signé un contrat d'exclusivité de cinq ans avec Sony. La réalisation du jeu a malheureusement trainé en longueur, ce qui provoquera les foudres du constructeur déjà englué dans des problèmes similaires avec la Team Ico. Le contrat fut ajourné malgré la bonne réception médiatique des jeux. Déboussolée, l'équipe organisera de multiples réunions afin de « discuter des aspirations de notre studio ». Désargenté, TGC fera appel à un fond de capital-risque afin de lever 5,5 millions de $ nécessaires au développement de leur prochain titre. Ils endosseront pour la première fois les habits d'un éditeur afin de rester maître de leur nouvelle production. Problème, les critères de gestion des ressources financières et de rentabilité exigés par un fond financier sont tout aussi, sinon plus rigoureux que ceux émanant d'un constructeur.

C'est une des multiples équations que Thatgamecompany devra se résoudre à apprendre. Composés essentiellement de créatifs, les notions de croissances économiques sont fantasmées voire mal vécues : « nous en avons peur » déclare Cheng dépité. Il est vrai que depuis le lancement de Flow en 2007, cette petite structure à dimension humaine est passée de 4 à 13 salariés. Cette brusque expansion lui fait craindre la perte d'un cadre de travail chaleureux aux antipodes de celui moins enviable propre aux grands studios et éditeurs : « depuis le lancement de Journey, nous avons été submergés par des centaines de demandes d'emploi, nous les avons toutes déclinées ». La candeur des fondateurs et membres de ce studio porté au nu par une critique conquise, se reflète inévitablement dans leurs productions, toutes teintées d'une forme de naïveté. Et la préservation de cette innocence n'a visiblement pas de prix.

source : PlayStationline.com