Il aura fallu patienter jusqu'à ce que Yamauchi est atteint la limite d'âge pour que Satoru Iwata soit propulsé au plus haut poste de gouvernance de Nintendo. L'homme sans charisme particulier, à la personnalité effacée et parfois risible dans ses tentatives un peu gauche de présenter de manière décontractée les Nintendo Direct, est devenu en l'espace de quelques années l'homme providentiel qui sous son impulsion aura remis sur pieds un Nintendo chancelant.
 
C'est un capitaine d'industrie à la stratégie audacieuse et aux réformes structurelles nécessaires qui a dépoussiéré et décongestionné une société sclérosée par la gouvernance confisquée d'un dirigeant finissant, cumulant les accidents industriels (VBoy, GC...) et non sens historique (conservation du port cartouche pour la N64 à l'heure du CD-Rom triomphant sur 32bits). Iwata aurait décidé d'engager de profondes réorganisations internes dans le courant de l'année 2013. En chef de chantier visionnaire, c'est sous son autorité qu'une vaste restructuration a été entreprise en 2002. Il n'hésitera pas à dissoudre les légendaires pôles de créativité Nintendo R&D 1 et 2 afin de renforcer l'autorité du département Nintendo EAD. Ce grand chambardement interne avait pour dessein de moderniser la vieillissante Nintendo, bousculée par des concurrents bien plus dynamiques.
 
En décembre 2012, Iwata lancera de nouvelles réformes au périmètre flou. Peu de choses auront transpiré dans la presse si ce n'est que la branche Recherche & Développement gagne en autonomie. Auparavant, les bureaux du prestigieux R&D étaient séparés entre le siège et l'ancien Kyoto Research Institute. Désormais, ce pôle d'excellence intègrera un bâtiment flambant neuf à Kyoto dans lequel travaille dans le plus grand secret près de 1200 développeurs. Cette recomposition avait pour objectif d'imprimer une nouvelle dynamique créative afin d'améliorer son efficacité. Cependant, le président de Nintendo a souhaité conserver des bureaux du R&D mais de taille très modeste à Tokyo. La position géographique du bureau d'information de cette prestigieuse branche n'est pas fortuite. Elle profite de sa proximité avec le bouillonnement inventif de brillants cadres (Sega, Konami, Epoch...) par nature très volatiles et qui gravitent par habitude professionnelle dans la capitale. Capter cette force vive représente une ressource non négligeable pour Nintendo.
 
 
Ses états d'âme avaient alerté l'opinion et affolés les stratèges en communication de Nintendo quant à l'expression d'une lassitude larvée que ressent Shigeru Miyamoto dans son métier de créatif. The Wired s'était fait l'écho d'un certain embarras de cette figure maintes fois distinguées, à se sentir peu à peu déposséder de sa création et de son désir manifeste de revenir à des productions plus personnels qui soient le reflet de son identité à l'intérieur d'une unité de production à dimension humaine. Il semble que cette détresse soit entendue par l'austère et impassible Iwata.
 
Miyamoto devrait ainsi quitter le département EAD et abandonner ses fonctions de directeur général dans le courant de l'année 2013. Une nouvelle structure de développement serait spécialement aménagée afin de répondre à ses aspirations de vétéran du jeu vidéo dont le principal souci est la transmission de son savoir-faire à une jeune génération de développeurs remarquée pour son talent naissant. Pêle-mêle, d'autres changements majeurs devraient toucher plusieurs branches. Takash Tezuka remplacerait Miyamoto à la tête du pôle EAD, trois pôles R&D seraient réorganisés à Kyoto.
 
Iwata est devenu en l'espace de 10 ans l'architecte d'une rénovation réussie des fondements historiques de Nintendo, d'une répartition plus équilibrée des pouvoirs de décision au sein des différents centres décisionnaires. Cette détermination n'a eu cesse de se renforcer au vu des résultats obtenus. Bien que Nintendo remet à nouveau en jeu son titre de numéro un mondial avec la Wii U, le président Iwata garde le cap des réformes justes. C'est à ce prix qu'il achète la paix sociale et l'adhésion de tous au renouveau de Nintendo.