Bouger les lignes. Dans la nouvelle phase commerciale de la 3DS - l'ouverture au grand public - Nintendo joue dans la provocation feutrée. Elle n'a pas eu à forcer sa nature diront ses détracteurs. "Je ne suis pas joueur !" clame la campagne marketing chargée de faire changer le regard sur sa petite protégée. Cet appel du pied à l'adresse d'une catégorie de consommateurs susceptible d'être attirée par le format de poche du numéro un sortant brise un consensus pourtant martelé par les hauts dirigeants : aucun segment de marché ne prendra l'aval sur l'autre.
 
Un peu plus d'un an après la commercialisation de la 3DS suivi d'un lifting bienvenu, le nouveau slogan publicitaire prend la forme d'un cactus jeté à la face du joueur. Au risque de déplaire, Nintendo entend signifier au grand public qu'il n'est pas nécessaire d'être un joueur dans sa définition la plus terre à terre pour apprécier les jeux sur la console de poche. Il n'y a rien de mal en soit que de s'ouvrir, comme la société l'a brillamment réalisée avec la DS et ses multiples déclinaisons, à un marché aux frontières plus larges que le précarré de fans tout juste suffisant mais c'est dans la manière, dans la dialectique employée que les motifs de colère - légitimes - risquent de prendre source. La maladresse est d'avoir joué la confrontation de ces deux cibles au détriment d'une autre pour mieux installer celle intimement convoitée. Nintendo aurait pu s'y prendre avec beaucoup plus d'élégance afin de séduire une frange de la population restée hermétique à ce loisir. Au lieu de désigner le joueur comme repoussoir, il aurait été plus judicieux d'étaler davantage l'accessibilité de la portable. Attention, attiser l'aigreur est un puissant agent explosif.
 
"Je ne suis pas un joueur", c'est jeter une grenade dégoupillée dans le jardin du joueur déjà encombré par celles que déposent sans discontinuer les psychologues de bazar et journalistes des grands médias en mal de publicité. Et les motifs d'insatisfactions reprochés à Nintendo ne s'arrêtent pas là, elle qui épouse sans le dire le business model controversé de ses concurrents en proposant du contenu additionnel téléchargeable pour l'inaugural NSMB2. Nintendo n'est donc plus dans la quête de reconnaissance qu'on lui prête en général en début de conquête commerciale.
 
Un dernier bastion du jeu vidéo s'effrite sur l'autel du réalisme économique et se soumet désormais aux vents mauvais du marketing crétin. Gare au retour de bâton...