Rendu sourd et aveugle pendant les années fastes de la Wii, Nintendo se rapproche maintenant des studios de développement et des développeurs eux-mêmes. Ainsi, la signature d'un contrat avec Unity Technologies ouvre la Wii U à potentiellement 1,2 millions de développeurs utilisateurs des outils de production de cette société danoise.
 
 
Beaucoup plus qu'un banal contrat signé pour des exigences protocolaires (comme ceux qu'elle a signés avec cette même société au temps de la Wii), c'est une relation de partenariat très étroite que Nintendo cherche à construire avec Unity Tech. En effet, un des points clefs de ce nouveau rapprochement, c'est le véritable tapis rouge déployé en direction de cette communauté de développeurs qui d'ordinaire inonde de titres très ambitieux sur le plan de l'inventivité les plates-formes immatérielles de la 360 (XBLA) et de la PS3 (PSN). Il semblerait que le numéro un sortant cherche avant tout à bien segmenter l'offre éditoriale de la Wii U en proposant au grand public un catalogue de jeux à prix compétitif cohabitant avec les triples A.
 
C'est une spectaculaire inflexion de la stratégie séculaire de Nintendo et aussi un cinglant désaveu adressé au président de la filiale américaine Reggie Fils-Aimé, farouchement opposé "aux jeux fabriqués dans les garages". Ce brusque revirement est à mettre au crédit de la brusque évolution technique des jeux réalisés par les développeurs indépendants sur les formats immatériels, entraînés par de puissants moteurs 3D tels que Unity ou l'Unreal Engine.
 
 
David Helgason, le pdg de Unity Tech. distingue le rapprochement de deux écosystèmes faisant vase communicant : "il y a celui de Unity qui est nouveau et prometteur puis celui de Nintendo qui est plus que centenaire et redoutable". Cependant, Nintendo est notoirement connue pour exercer un contrôle qualité autoritaire et discriminant sur les productions indépendantes alors que la communauté des développeurs est habitée par une liberté de création souveraine, débarrassée de la tutelle écrasante d'un donneur d'ordre (éditeur comme constructeur).
 
La scandaleuse gestion de Wiiware est à l'origine de fréquentes frictions qui ont rythmé les relations commerciales houleuses entre ces deux parties. Helgason se montre toutefois rassurant. Sans nommément citer Nintendo, il pense que "le monde devient de plus en plus ouvert" et bien qu'il prétend ne pas avoir "connaissance de la stratégie" du géant japonais, il se dit persuadé que "la signature d'un tel contrat" s'oriente vers cette ouverture d'esprit.
 
 
Le pdg de Unity Tech. se dit également "ravi de l'approche innovante de la gestion des périphériques et des mécanismes de gameplay" qui caractérisent les consoles de Nintendo. Cette normalisation technologique avec les outils de développement mis en place par la société danoise ne peut que satisfaire une communauté avide de se confronter avec le nouveau dispositif du constructeur. Avec cette nouvelle génération de console de salon, Nintendo renonce donc à son précarré jalousement défendu depuis des décennies.
 
Le poids économique de la scène indé est en effet tel que cela deviendrait un non sens historique de continuer à l'ignorer, voire de la combattre comme le sous-entendait la gestion chaotique de Wiiware : "ces jeux nous imposent une autre approche de notre métier, c'est à nous de monter en gamme" admettait Miyamoto il y a peu dans les colonnes de Edge.