L'oeil vif et aiguisé des journalistes du magazine - élevé en institution - Edge s'est intéressé au middleware, ces puissants moteurs graphiques qui ont notamment pour charge de simplifier la programmation d'un jeu. Une facilité immédiatement monétisée et répercutée en bon gestionnaire sur le coût de production. Cette véritable bouffée d'oxygène posée sur un plateau d'argent aux éditeurs et constructeurs voit son modèle économique bouleversé par l'atomisation des plates-formes de jeu et la nouvelle dynamique des consoles de salon qui s'inscrit désormais à longue échéance. Voici une synthèse de l'article.
 
Le marché PC des années 90 et début 2000 était dominé par deux sociétés de middleware qui ont fait les beaux jours des joueurs avec le Doom Engine (id Software) et l'Unreal Engine (Epic Megagames). La consolidation du secteur (acquisition d'id par Bethesda) n'a pas freiné l'inflation de nouveaux acteurs, tels que Crytek (CryEngine), Valve (Source Engine) et Unity Technologies (Unity 3D). D'autres plus modestes sont venus grossir rapidement les rangs dont Blitz Games Studios (Bliztech) et Emergent Game Technologies (Gamebryo Lightspeed) pour ne citer qu'eux. Avec autant d'intervenants l'affrontement ne pouvait être que total mais la multiplicité des appareils multimédias à façonné le marché en favorisant sa segmentation : << elle augmente la quantité de travail explique Carl Jones de Crytek [...] mais il existe une scission en terme de style de jeux, ce qui nous amène à développer différentes technologies >> selon le type de hardware.
 
Pour autant, la crainte d'une trop grande diversification que sous-tend la dilution des formats n'est pas à l'ordre du jour selon Mark Rein du studio Epic : << sur bien des aspects, la pérennité du cycle des consoles nous a offert l'opportunité de développer un savoir-faire ainsi que d'apporter des améliorations importantes à notre moteur tandis que sur PC nous avons eu l'occasion de traiter un large éventail de plates-formes qui exécutent Flash à l'intérieur d'un navigateur Web et supportent des graphismes haut de gamme, la démo de Samaritain en est l'illustration. >>
 
Cette pluralité des supports est donc source de forte rentabilité à condition de travailler sur la flexibilité du moteur 3D : << notre capacité à fournir le meilleur moteur pour des plates-formes comme Flash et PS Vita est à mettre au bénéfice du travail révolutionnaire que nous avons réalisé à destination des smartphones >> ajoute modestement Rein. Cette souplesse technique autorise même Epic à s'attaquer au marché émergent des téléviseurs intelligents et des box. Une stratégie multi-cartes corroborée par le studio fondateur du moteur Unity.
 
La généralisation du free-to-play qui devient par la force des choses le nouveau modèle économique des jeux massivement multi-joueurs a de manière insoupçonnée une influence sur la conception des middleware. Si l'intégration de modules de paiement en micro-transaction et autres tendances socio-ludiques modèlent ses fondements, ils ne sont pas les seuls. Les mises à jour temps réel imposent aux studios une organisation de travail en flux tendu que peu de petite structure est capable de supporter. La montée en gamme bouleverse également la donne, les studios à taille modeste cherchant à rivaliser avec les puissants du secteur mais en adoptant un modèle plus ouvert. Beaucoup de moteur 3D sont construits sur la base d'architecture multi-coeurs alors les formats mobiles dotés d'architecture classique ont aussi le vent en poupe, notamment parce qu'ils sont moins gourmands en puissance, l'autonomie des appareils mobiles est par conséquent préservée.
 
Pour les constructeurs de console, il est devenu vital d'augmenter à son optimum la durée de vie de leur format. Les studios de programmation se sont donc adaptés bon an mal an au lissage technologique : << c'est dans cet esprit que nous avions réalisé notre moteur CryEngine 3, il est également conçu pour réaliser les jeux de la prochaine génération >> soutien le représentant de Crytek. Il s'agit d'apporter au développeur une solution de perfectionnement du moteur 3D durant le cycle de vie de la console afin d'éviter un vieillissement prématuré de l'outil de programmation 3D. Il y a également une propension a intégrer de plus en plus de fonctionnalités qui ne nécessitent pourtant pas de compétences complexes.
 
Ainsi Crytek propose son propre moteur physique, excluant de facto Havok Physics ou PhysX, des solutions éprouvées et appréciées par l'ensemble de l'industrie. L'idée est de faire évoluer au diapason l'ensemble des éléments d'un moteur afin que la crédibilité du monde virtuel soit cohérent. Si une technologie annexe et étrangère au moteur 3D de pointe n'a pas évolué d'un iota, c'est au risque de travailler sur un univers bancal.
 
La concurrence féroce que se livre les acteurs de ce marché déterminés à imposer comme standard technique leur moteur graphique les pousse à placer la barre de plus en plus haut : << je pense que les productions à forte valeur ajoutée à l'exemple du cinématographique Battlefield 3 pousse les joueurs à en vouloir toujours plus [...] mais nous sommes déterminés à offrir une technologie de pointe afin de proposer ce genre d'expérience cinématique >> assure David Coghlan de Unity Technologies.
 
Les consoles nouvelle génération seront tellement gourmandes en ressource financière que de plus en plus d'éditeurs abandonnent le développement de moteur produit en interne au profit des middleware qui se révèlent être une solution bien moins onéreuse : << nous n'avons pas à culpabiliser >> se défend David Coghlan. C'est en effet la loi du marché plus cruelle que jamais, écartant de facto les petits acteurs désargentés au profit des structures à stature mondiale pour qui la prise de risque est synonyme d'échec commercial.
 
Reste le revers de médaille lorsqu'un moteur 3D domine de manière hégémonique une génération de consoles. L'UE3 aura visuellement uniformisé une bonne partie des plus grosses productions commercialisées sur PlayStation 3 et Xbox 360. La sensation désagréable de jouer sensiblement au même titre en raison de l'utilisation outrancière de librairies graphiques standards condamnera beaucoup de jeux à la plastique similaire (Bordelands...). Un écueil que devra relever les futurs leader de ce prochain cycle.