L’hologramme, c’est la prochaine évolution majeure que connaîtra le jeu vidéo. Celui-ci quittera définitivement l’écran pour venir se projeter sur une surface, à la manière du confort d’un jeu de société. Bien que cette technologie d’affichage a actuellement le vent en poupe, portée notamment par les avancées des lunettes de 3D augmentée, l’industrie de l’arcade se l’est appropriée 45 ans plus tôt…

 

 

 

A cette période, la hiérarchie était respectée. Le marché des consoles de salon, encore balbutiant, évoluait sous la tutelle des avancées technologiques et ludiques du secteur des jeux d’arcade. Tous les regards étaient donc tournés vers ce secteur avant-gardiste au dynamisme nourrit par le progrès technique. Après le feu de paille représenté par l’irruption du disque laser en 1983 par Sega avec Astron Belt, le géant japonais fidèle à sa réputation de pionnier, lance moins de dix ans après le jeu ‘’holographique’’ le plus abouti techniquement.

 

Si bien que l’industrie dans son ensemble s’emballe lorsque l’opérateur Sega présente à l’édition 1991 du salon ACME, Time Traveler. Le responsable de la branche américaine Sega Coin-op met un peu vite en avant son titre comme « une rupture technologique la plus significative de ces quinze dernières années en arcade ». La borne, au design lui aussi tout en rupture avec les conventions du secteur, est qualifiée par le haut responsable américain de « nouvelle classe de machine » aussi différente que ne l’est le flipper. Cinematronics qui vola dix ans plus tôt la vedette à Sega avec Dragon’s Lair, reconnaît avec humilité la supériorité technologique du japonais, qualifiant même l’intérêt ludique de Time Traverler « inédit depuis Pac-Man ».

 

 

 

Si le titre de Sega représente une avancée remarquable dans ce domaine, d’autres sociétés lui ont emboîté le pas au milieu des années 70. C’est ainsi que la toute première borne d’arcade à exploiter ce mode d’affichage serait Gun Smoke de Kasco. Le jeu se présente comme un jeu de tir avec une cible ‘’holographique’’. Taïto USA jette son dévolu sur Gun Smoke pour une présentation en fanfare en 1975 au salon MOA, dédié aux professionnels. Si le marché américain boude la borne avec 750 exemplaires vendus, l’archipel l’accueille plus favorablement. 6000 bornes sont écoulées, confortant Kasco dans l’idée de tirer profit de cette technologie innovante. Dès lors, Samurai et Bank Robber sont présentés en 1977 au salon ATE de Londres.

L’opérateur Midway ne résiste pas longtemps aux promesses folles du jeu à hologrammes. A dater de 1976, Top Gun, un autre jeu de tir au pistolet sort des arrière-cuisines de l’opérateur américain. Mais celui-ci ne rencontre pas le succès. Ces méventes répétées ne refroidissent pas pour autant les sociétés convaincus du potentiel commercial de ce mode d’affichage révolutionnaire. Le secteur naissant des consoles de salon pousse à la consolidation des entreprises spécialisées. En 1978, la société d’ingénierie Holosonics achète l’éditeur Meadows Games afin qu’elle produise des jeux exploitant cette spécificité visuelle afin de la populariser aux yeux du grand public. Toutefois, la faillite soudaine de Holosonics laisse orphelin l’éditeur qui tombe rapidement dans l’oubli.

 

 

 

Atari est lui aussi séduit par l’hologramme. Le géant américain prépare une console dédiée, la Cosmos. En 1978, ses dirigeants rachètent à tour de bras des brevets afin de sécuriser les droits d’utilisation de cette technologie. C’est en 1981, au NY Toy Fair, qu’un prototype est dévoilé aux professionnels. En dépit de la tiédeur de l’accueil, Atari lance quelques mois plus tard sur ses chaînes de production la Cosmos avant de stopper net le processus de commercialisation. Le risque économique est finalement jugé trop élevé pour la survie d’Atari. La console est abandonnée sine die.

Après tous ces atermoiements, une entreprise estime que la technologie est assez mûre pour proposer un jeu à la finition irréprochable. L’arcade montre une nouvelle fois la voie avec Time Travel de Sega. Un véritable chemin de croix…

 

 

C’est au hasard d’un article lu dans RePlay Magazine qu’un certain Rick Dyer d’Allen Design apprend l’existence d’un dispositif capable de créer des images tridimensionnelles holographiques, le Del Vision. C’est une société californienne, With Design In Mind qui a eu la lucidité de racheter à la firme japonaise Dentsu Inc cette technologie propriétaire. Une démonstration est présentée au CES en 1990, elle fait sensation auprès des visiteurs qui se pressent pour regarder flotter dans l’espace poissons et méduses multi couleurs ainsi qu’une ballerine évoluant avec grâce sur une surface de verre.

Rick Dyer saisit le potentiel ludique incroyable de ce dispositif. Mais il n’est pas le seul, plusieurs sociétés dont Capcom, sont sur les rangs pour racheter à l’entreprise productrice de la borne une licence d’exploitation dans le domaine des jeux vidéo. L’homme use de son pouvoir de négociation pour décrocher le contrat exclusif auprès de With Design In Mind. Une joint-venture est même mise sur pieds afin de créer le premier titre basé sur cette borne appelée micro-théâtre.

Comme il est parfois de coutume, les sociétés high-tech prennent la liberté de grossir leur avancée technologique. C’est par un fallacieux procédé visuel que la joint-venture Hologram Ventures vante la maîtrise de cette perspective d’affichage de sa borne micro-théâtre. A l’aide d’un miroir parabolique en forme de quart de sphère, celui-ci projette prosaïquement une image d’un projecteur vidéo à perspective unique déformante. A la différence d’un véritable hologramme basé sur le laser qui offre différentes angles de vue nets au spectateur en mouvement. Un tour de passe-passe faisant drastiquement baisser le coût de fabrication que Hologram Vent. s’est attaché à réduire davantage en sous-traitant la fabrication dudit miroir. Pendant que Rick Dyer s’affaire dans le développement de son premier jeu, Sega pèse de tout son poids pour arracher à ses concurrents de l’arcade un partenariat reposant sur la fabrication et la distribution de la borne.

 

 

Time Traveler sort des usines de production de Sega. Le titre surprenant est entaché par une interactivité limitée, une difficulté incroyable et une sensation visuelle désagréable au bout de quelques minutes de session. Son succès n’est pas suffisamment pérenne et tombe rapidement dans l’oubli car Street Fighter II lancé peu de temps après écrase la concurrence.

Le numéro un de l’arcade a bien tenté de rebondir en s’attaquant à la chasse gardée de Capcom, le combat en un contre un. Avec Holosseum, Sega commercialise en 1992 le premier jeu de combat holographique pour faire pire que Time Traveler dans le domaine de l’intérêt visuel. C’est dans la douleur que le géant japonais jette l’éponge de l’hologramme (l’ensemble de l’industrie ne peut que suivre le leader) pour se spécialiser avec bonheur dans le domaine prometteur de la 3D temps réel…