Interview commencée en Janvier 2016, celle-ci ne sera pas déroulée sans encombre. Un bébé ainsi qu'un diplôme plus tard, nous y voilà. L'entretien avec celui qui a causé mon inscription sur Gameblog. Nous sommes quelques mois avant ce fameux 1er Aout 2013 qui a vu mon pseudo rejoindre la joyeuse contrée de lurons Gamebloguiens et je navigue tranquillement en sous-marin dans les profondeurs des forums newesques du site. Et j'y vois le très perspicace sopor sévir. Il m'énerve parce qu'il a raison. Il a raison parce qu'il m'énerve. Peu importe. Je décide de m'inscrire et de prendre le parti de mon développeur/éditeur/constructeur favoris d'époque. Sony pour le prénom. Playstation est son nom. Je conteste chaque mot que je juge de travers comme le petit fanboy que je suis et puis je me calme peu à peu. Je m'assagie et mets de l'eau dans mon vin. Même si entre nous, je ne carbure qu'à la coke. Mais chut. bref, sopor, c'est un petit peu l'ange blanc sur l'épaule gauche quand joniwan (oui, c'est gratuit) tient plus du diablotin rouge qui tente de me tirer vers des pentes glissantes. Si vous cherchez le responsable de ma mue, de mon émancipation de fanboy à trolleur professionnel (quand je vous parlais de diplôme, c'était pas des bannanes, d'ailleurs, les bannanes n'octroient aucun diplôme, enfin bref, vous me faites perdre le fil là, resaisissez-vous bon sang de bonsoir), n'allez pas bien loin, il vient d'entrer dans le confessionnal. Je vous écoute mon fils.

 


 

TRAME

 

 I                Professeur sopor et le masque à rats               2/8

 

 II            Professeur sopor et la boite de céréal               9/8

 

 III             Professeur sopor et l'appel du barge             16/8

 

 IV             Professeur sopor et l'étrange neves             23/8

  

A vous de choisir.

 

 I      Le rat gondin

 

Qu'as-tu fais de Ryuzaki57 ?

Moi, rien. Par contre, les modérateurs et les hautes instances de Gameblog s’en sont chargés. Apparemment, une histoire de complot nintendo-maçonnique visant à discréditer Final Fantasy Type 0.

Maintenant, avec la magie de l’internet moderne, toutes les portes sont ouvertes. On peut le suivre sur Twitter, il a un blog et écrit pour le site Archaïc. De nos jours, on ne peut plus, heureusement, faire taire les gens aussi facilement et lâchement qu’un vulgaire ban.

Je l'ai vu en contributeur JV.com et j'ai lu 2-3 de ces aventures au Japon J Pas méchant comme énergumène, j'ai toujours eu du mal à comprendre comment vous pouviez tomber dans ses panneaux gros comme une maison, je veux dire, ça se voit que c'était un rôle, ça se voyait jusque dans ses commentaires. Mais bon, l'affrontement était divertissant ... Etait :/

Tout le monde joue un rôle sur les forums : l’anonymat, le pseudo, l’avatar. Y a pas de “panneaux” juste se dire à quel moment ça ne nous amuse plus. Sur le net, j’aime bien “connaitre” les gens virtuels avec qui je discute, le rôle qu’ils jouent, leur position. Raison pour laquelle je suis gavé de ceux qui, bannis, reviennent sous d’autres pseudos ; ça fausse le jeu. Finalement, je me dis qu’une communauté n’est pas si anonyme : elle est composée de gens qui prennent une autre identité et jouent un rôle, auquel ils se tiennent généralement.  

Du coup, tu penses qu'on devrait tous se connecter avec notre (vrai) compte facebook ? Ca garantirait un certain civisme et une certaine qualité d'échange ?

Par ailleurs, j'aimerais aussi prendre des nouvelles de l'internaute Driver ...

Je crois surtout que le forum sur lequel tu postes conditionne la qualité des échanges : je n’ai jamais vu de multis ou de trolls sur des forums comme HBGD.fr ou même Silence on joue car ces deux podcasts ne fournissent pas les armes pour la guéguerre. Un forum ressemble souvent au site / podcast qui l’héberge.

Quant à Driver, j’imagine qu’il doit poster sous un autre pseudo…

C'est quoi les armes pour mener la gué-guerre ? Tu parles d'outils ou de message pour enflammer les débats ? Quelle est ta proposition ou la voie est-elle sans issue ? Les forums ne contiennent-ils pas les outils pour mettre en marge les internautes dont on ne souhaite plus lire les contenus ou est-ce un problème de travestissement du sujet originel et de détournement du fil de discussion théorique du forum ?

Je serais bien mal placé pour rédiger une charte de bonne conduite du troll mais quand je parle de fournir les armes, je pense aux nombreuses news comparatives entre les versions d’un même jeu. Bien sûr ça peut être informatif pour celui qui veut acheter la meilleure version, à la manière de ce que fait Digital Foundry, mais on voit assez vite quel type de news est juste là pour exciter les forums.

Après, là, on parle de sites qui ont une grosse audience donc une proportion de trolls plus importante mais disons qu’il y a un comportement à avoir de la part de la rédaction pour ne pas encourager les dérapages dans chaque news, si tant est qu’on veuille que ce soit le cas…

Maintenant, je n’ai rien contre un bon troll de temps en temps, et comme pour l’humour, on peut troller de tout mais pas avec n’importe qui. Personnellement, je ne signale jamais, je ne bloque jamais et je ne suis pas trop porté sur la modération. A un moment, tu connais les personnes virtuelles en face de toi, donc tu sais si tu peux discuter ou pas.

Pourquoi sopor ?

Ça remonte à très loin dans le temps. Avant les gamertags et logins, les JV nous demandaient déjà des pseudos, aussi bien pour immortaliser ses records que pour reconnaître chaque joueur dans un jeu multi local.

A cet époque (milieu des années 90), j’écoutais un groupe de gothique nommé Sopor Aeternus & the Ensemble of Shadows, qui mélangeait batcave et musique médiévale. Ca faisait beaucoup rire les amis avec qui je jouais tous les week-ends aux JV. Donc quand il a fallu choisir un pseudo, “sopor” s’est imposé naturellement. Au début des années 2000, sur le premier forum sur lequel je me suis inscrit (homecinema-fr) j’ai utilisé ce pseudo sans savoir que ça me suivrait aussi longtemps en tant qu’identité virtuelle.

J’ai parfois changé pour gatsby ou sal paradise, un peu comme un type stupide chercherait à porter des lunettes pour avoir l’air intelligent...

Pourquoi cet avatar ?

Au tout début, sur Gameblog, en 2009-10, j’avais un avatar de Mulholland Drive. C’était sérieux et puis pour suivre l’évolution du site, je suis devenu homme sandwich, pour Kamiya et PlatinumGames. J’ai vendu mon c.. pour 0 euro et une gourde de passion en plein désert. Donc je porte un avatar qui correspond au jeu en cours de Kamiya, avant The Wonderful 101 et aujourd’hui Scalebound. Je déteste le vert et malheureusement, le jeu a été repoussé. Le chemin de croix est long et le Golgotha encore loin…

Donc on peut dire que t'es un VRP de Platinum Games ... ?

Je préfère évangéliste ou combattant de la foi… Tu te rends compte que certains joueurs jouent à des jeux Ubi alors qu’ils pourraient s’éclater sur des jeux PG !?!? Les VRP c’est pour les sites de JV qui ont quelque chose à vendre et surtout quelque chose à en retirer. Les forums sont depuis longtemps dans l’ère du djihad jeu. Avant on disait “défendre sa paroisse”, peu importe le nombre de fidèles.

Pourquoi Mulholland Drive ?

Parce que j’aime beaucoup le film de Lynch, que je voulais un avatar hors JV et que la photo était jolie (deux femmes qui s’embrassent)

Tu le situes où Chièze sur l'échelle du menestrellisme ?

A partir du moment où il est le créateur du MAB, j’imagine qu’il en est l’alpha et l’omega. Après, quand tu insultes certains lecteurs dans ton podcast, le concept du MAB tend à m’échapper un peu. J’imaginais plutôt ça comme une chanson niaise façon we are the gamers. Ceci dit, j’ai l’impression que le concept n’a pas fait long feu, heureusement d’ailleurs. C’était un peu gênant non ?

Pour être plus sérieux, même si je ne sais pas si c’était l’objet de ta question, GB est pour moi dans le cul-de-sac du modèle internet gratuit, obligé de booster son référencement pour survivre et d’orienter ses contenus en conséquence.

Tu préfères Yukish' qui fait la manche ? Plus sérieusement, ne faut-il pas prendre tout ça pour du professionnalisme tout simplement ? Le but de Gameblog est de toute façon de perdurer sans trop perdre de vue son cap et il y a certainement des concessions sur le plan éthique à faire pour se débattre dans cette mer hostile. Tu penses qu'il y a une perte des valeurs et de qualité sur Gameblog depuis un certain temps ?

Donc si on te propose un we are the gamers with the Gameblog family (dans le but philantropique d'aider à ramasser des fonds pour la communauté acculée qu'est celle des joueurs du Dimanche), tu banques illico (genre producteur) ou tu donnes carrément de la voix ?

Le modèle Premium a l’avantage de permettre d’orienter le contenu rédactionnel pour sa communauté. Avant l’arrivée de Yukish en tant que rédacteur en chef de GK, je trouvais que les contenus des sites gratuits étaient à 90% identiques (news, tests, previews…), tout ça “dicté” par l’actualité des éditeurs. Depuis les contenus payants, je trouve, pour ce que j’ai pu en lire, que GK s’est vraiment démarqué et sort du sempiternel modèle de contenu gratuit. C’est pas forcément ce que j’ai envie de lire, mais je comprends que ça plaise.

GB n’a rien à offrir aux Premiums, ils ont fait le choix du boulot sur le référencement et le “maillage” externe (on voit comment les news sont “pensées” entre GB et carolequintaine.com) parce que, comme je le disais, le modèle gratuit est à bout de souffle (le budget pub est moins important et adblock change la donne). Après, oui, tu as raison, il faut survivre. Mais ce fonctionnement se ressent forcément sur la qualité des contenus. GB ne propose pas un contenu, parce qu’il veut faire découvrir quelque chose à son public, mais parce qu’il pense que ça intéressera le plus grand nombre et donc générera le plus de vues.

De toute façon, je donne très peu d’importance aux journalistes de JV, non par défiance, mais juste parce que je sais sur une année quels jeux je vais acheter, bons ou mauvais. Ca m’amuse de voir que certains se prennent pour des prescripteurs importants en disant sur Twitter “ne précommandez pas”, “attendez mon test”, comme si, jouant depuis 30 ans, j’avais besoin de l’aval d’un type né aux JV en même temps que la Playstation.  

Donc, non je m’imagine très mal en Jean-Jacques Goldman du JV.

"GB ne propose pas un contenu, parce qu’il veut faire découvrir quelque chose à son public, mais parce qu’il pense que ça intéressera le plus grand nombre et donc générera le plus de vues." => oui, ça, c'est aussi vrai que dommage que compréhensible. Ça manque d'audace certainement.

Alors comment perçois-tu ce nouveau dispositif pour les 9 ans du site qui promet du Gameblog différent, plus profond, tu y crois ? Ça te plait en l'état ? Et en plus, c'est gratuit, eux :D

C’est amusant car l’annonce de nouveautés pour les 9 ans de GB vient contredire quelque peu ce que je disais sur le contenu et l’orientation du site (c’est ça les interviews sur le long terme !)

Donc oui je ne demande qu’à être conquis : pour le moment, j’ai apprécié la Tribune sur la censure et été embarrassé par le niveau de Ze Troll (un espace pour troller c’est contradictoire : un bon troll c’est justement de frapper sans prévenir). Je n’ai pas encore eu le temps de tout lire/regarder mais “à la french” et les actus Japon m’intéressent. Je me méfie aussi : GB a souvent lancé de nouveaux contenus pour les arrêter quelques semaines plus tard sans trop d’explications. Après, comme pour GK, je ne suis pas trop demandeur non plus. Mais disons que c’est une orientation qui m’a surpris.

On sent que c’est une réponse à GK, c’est de bonne guerre mais je trouve dommage que les deux sites ne cherchent pas davantage à se concentrer sur ce qu’ils font plutôt que de jouer les chevaliers blancs du JV sur internet (“nous on fait de la qualité” ; “nous on est gratuit”). C’est puéril des deux côtés mais bon ça trahit bien l’immaturité de l’appareil critique JV en France.

sopor aeternus

Pourquoi Le Wonderful Blog n'est plus alimenté, pourquoi ne pas l'avoir ré-orienté (upcast) ou dynamité ?

The Wonderful Blog était uniquement dédié à The Wonderful 101. Dans les forums de Gameblog, il existe une section, secrète et mystérieuse, que personne ne visite : “Jeux”. Avant la sortie de W101, on discutait beaucoup du jeu sur le topic consacré. Il y avait des infos quotidiennes venant d’un blog créé par PlatinumGames (en japonais et en anglais).

A mon corps défendant et aucunement par ma faute, cela va sans dire, j’ai été banni 30 jours de Gameblog (encore une histoire de complot, très certainement…) et je ne pouvais plus parler de Wonderful 101 à quelques jours de sa sortie. Frustration. J’ai donc créé un blog (le prisonnier chez Gameblog a tout de même droit à quelques activités) pour parler du jeu.

Le jeu sorti, ce blog est à l’abandon. Je devrais effectivement le “dynamiter” mais bon il ne fait de mal à personne.

UpCast c’est différent. C’est un podcast autour de la technologie, du cinéma, des séries, de la musique et du JV. Nous sommes 4 à animer 3h d’émission tous les 15 jours. Nous avons un site dédié, un compte FB, Twitter… Ça n’a pas à voir avec sopor ou Gameblog, même si quand j’y pense, je relaie le sommaire du dernier numéro.

Bon, quand est-ce que vous ouvrez une version papier d'Upcast pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière ?

As-tu lu le papier de Dinowan sur la gratuité du net, qu'en penses-tu ? Ca n'illustre pas tout simplement les raisons pour lesquels le paysages informatifovidéoludique est ce qu'il est aujourd'hui ?

Un podcast, c’est vraiment ce que je voulais faire ; un site c’est autre chose : il faut beaucoup plus de temps et des compétences techniques. Pour moi, c’est un boulot à plein temps. Faire un podcast, ça demande peu d’investissement d’argent. Il faut juste prendre du temps pour la préparation et surtout réunir tout le monde à une date précise (c’est souvent le plus compliqué quand tu fais un podcast régulier). J’adore les podcasts (je suis un enfant de la radio en fait), j’en écoute énormément, mais par rapport à un site ou à de la vidéo, c’est beaucoup moins de travail et d’argent investi.

Donc tu le ré-alimenteras pour TheWonderful102 à paraitre sur NX ?

Non, W102 finira dans un kickstarter sponsorisé par Sony dans une conf E3, en exclue sur PS6. Tout le monde se lèvera, applaudira un Kamiya décati et repartira avec un badge “en 2013 j’y ai joué” façon Eraserhead.

Je concède être trop jeune pour comprendre la référence à Eraserhead. :D  Ou trop inculte. :/ Cependant, il s'agit de la seconde référence à une oeuvre de Lynch, c'est la seconde personne pour laquelle tu voues un culte ?

Eraserhead, le premier film de Lynch, est sorti dans quelques salles américaines en 77, en catimini, lors des séances de minuit. La production du film offrait au spectateur un badge “I saw it” pour marquer le côté confidentiel et culte. Une manière de faire le buzz à peu de frais.

J’ai de l’admiration pour plein d’artistes, parmi lesquels Lynch, mais il n’est pas le seul dans mon panthéon. Mon approche des oeuvres est liée à l’auteur, même si dans le cinéma ou le JV, les choses fonctionnent parfois différemment.

Très sympa comme anecdote. Je crois que c'est le moment où tu nous fournis à la fois ton TOP (3 ou 5, c'est toi qui voit) de tes cinéastes ET de tes films all-time. Avec l'explication qui va de soi pour nous exprimer ton amour de l'Art J

Films et cinéastes sont liés pour moi donc un seul classement suffit. Sans ordre : Deer Hunter (Voyage au bout de l’enfer) de Cimino ; Les 400 coups de François Truffaut ; Mulholland Drive de David Lynch ; Carlito’s way (L’impasse) de Brian De Palma ; Zodiac de David Fincher ; Casablanca de Curtiz. Très cinéma américain donc.

Après j’aime des gens comme Mann, Kubrick, Wong Kar-Wai, Tarantino, Oshii, Ozon, Desplechin, les Coen, Almodovar, Paul Thomas Anderson, Apatow… J’en oublie des dizaines.

Et d'un point de vue film d'animation ?

T'es du genre à aller au cinéma souvent ? Ou Netflix pépère à la maison ?

J’ai sans doute vu tous les films d’animation de 2015-16 sortis au cinéma, avec ma fille. A éviter : Le Petit Prince et les Minions (pourtant Moi moche et méchant je suis plutôt client). A voir : Zootopie, Vice Versa et Le Garçon et la bête.

Dans mes goûts je suis plutôt très classique : Pixar, Disney et Ghibli. Comme j’ai un faible pour les comédies musicales, j’adore des films comme la Belle et la Bête (la meilleure OST Disney !) ou la Princesse et la Grenouille. Je ne regarde plus du tout d’animation japonaise, hormis Ghibli.

Avant d’avoir un enfant, j’allais très souvent au cinéma (j’avais une carte). C’est beaucoup plus compliqué depuis et ma carte n’était plus rentable. Hors films d’animation pour enfants, j’ai dû voir moins de 10 films en 2015 au cinéma ! Depuis 2 semaines j’ai réinstallé mon vidéo projecteur donc je vais me rattraper en blu-ray. Je ne supporte pas de regarder un film sur une TV, j’ai besoin d’une toile, d’une ambiance cinéma, lumières éteintes, d’un rituel. Le VP c’est l’idéal pour ça. Avant de réinstaller le VP, je regardais surtout des séries.  

"j’ai besoin [...] d’un rituel." => Satanique ?

Je ne sais pas comment tu fais pour le projo', les seuls 2 fois où j'ai vu un projo' tourner chez des gens, c'était pas glorieux cette image projeté niveau qualité, c'est pas mieux une image diffusée qu'une projetée ?

Pourtant c'est la déchéance Disney selon moi depuis leur passage à la synthèse 3D mais bon, je m'incline. Quelle est ton top des films Disney, Pixar, Ghibli ?

Tu regardes quand même ce que les non ricains/jap' ont à proposer ?

Au fait tu l'as vu le reportage sur Walt Disney quand il est passé sur Arte en Février ou tu connais son histoire (j'ai trouvé ça très intéressant) ?

Le projo pour le Home Cinéma, ça oblige souvent à faire le noir complet. Je ne sais pas ce que tu as vu comme VP, car aujourd’hui on trouve des appareils pas forcément dédiés au HC, dans des résolutions qui ne rendent pas honneur à un BRD, réglés rapidement, mal installés et mal “sourcés”. Ceci dit, c’est une image différente de l’image TV, sans doute un peu plus douce, moins contrastée (même si beaucoup de VP aujourd’hui ont un excellent taux de contraste) mais que, personnellement, je trouve plus naturelle et plus proche de l’idée que je me fais de l’image cinéma.

Pour Disney, c’est clair qu’ils sont moins inventifs qu’à leur début quand Walt menait l’entreprise (et le reportage dont tu parles montrait bien comment il a construit Disney et comment sa vision artistique composait avec le commerce nécessaire - on voit l’entreprise grossir au fur et à mesure des succès et les problèmes financiers que cela engendre). Mais depuis l’arrivée de Pixar et de John Lasseter, ils sont revenus sur le devant de la scène, à la fois côté business (sans parler de Star Wars) et côté artistique. On est loin des Blanche-Neige, Bambi, Cendrillon, Belle au Bois Dormant mais on est quand même très au-dessus de leur horrible décennie 2000. Depuis Lasseter et Volt, il y a un regain de qualité assez net.

Chez Disney, j’adore les premiers films du studio : Blanche-Neige, Alice au pays des merveilles, Cendrillon… Plus récent (année 90), la Belle et la Bête est un chef d’oeuvre. Et dans les derniers j’apprécie Raiponce, la Princesse et la Grenouille et Zootopie.

Pour Pixar, j’adore les Indestructibles, Toy Story 3, Ratatouille, Monstres & Cie. Mon carré d’as.

Pour Ghibli, pas encore tout vu. J’aime beaucoup Chihiro et Mononoke, les premiers que j’ai vus dans les années 2000. Mais j’adore aussi Totoro et Ponyo qui savent s’adresser aux enfants comme aux plus âgés.

Merde, Atlantide et La Planète aux Trésors figurent parmi mes Disney préférés ... :/

Disney qui produit des films filmés en images réelles avec des acteurs réels, ça prend du sens pour toi ?

Tu t'attaches plus aux héros ou aux anti-héros dans un film d'animation ?

Quelle importance revêt l'antagoniste dans un film d'animation ?

J’ai vu Atlantide à sa sortie au ciné et je n’ai absolument rien compris au film ! Je devais être saoul ou endormi. Pas revu depuis.

Je n’ai rien contre les films avec des acteurs réels chez Disney, ni contre le mélange dessin animé / image réelle (façon Mary Poppins) quand c’est une création originale. Le problème c’est de ressortir des classiques du studio avec des acteurs réels. J’ai vraiment du mal à m’y faire et malheureusement ça va continuer (5 ou 6 sont déjà prévus je crois).

Dans la plupart des Disney, le bien / le mal, le bon / le méchant sont très marqués, autant par le dessin que par les actions des personnages. Ca tient à toute la tradition du conte de fées dont sont issus beaucoup de leurs longs métrages. C’est beaucoup moins marqué chez Pixar où les “méchants” ne le sont pas par essence mais en raison d’une malédiction (Rebelle), d’un trauma (Toy Story 3, Là-Haut...) ou même sont totalement absents (Vice Versa). D’ailleurs les anti-héros et les antagonistes dans l’animation se sont sûrement développés en opposition à Disney et à sa “bien-pensance” désormais institutionnelle. Shrek, Moi, moche et méchant... sont construits en opposition aux héros traditionnels. Pas pour rien qu’on évoque souvent l’anti-Disney pour tel ou tel studio.

Après, il y a le cas Ghibli où l’approche est rarement manichéenne. On est dans le panthéisme et le syncrétisme, de nombreuses mythologies parcourt chaque oeuvre. Chihiro doit autant au Japon qu’à la mythologie grecque. On est davantage en présence de forces naturelles, aveugles parfois ou que les humains ont contrariées.

Pourquoi joues-tu au jeu vidéo ?

Je ne me pose pas la question du “pourquoi”. Le JV fait partie de ma culture au même titre que la littérature, le cinéma, la musique, les arts… Je n’établis pas de hiérarchie. Et d’ailleurs ce début de siècle est celui où toute chose peut valoir toute autre chose. Internet a remis tout à plat. Le grand cirque. La liberté confuse.

Notre histoire vient de perdre un de ses grands génies : David Bowie, un artiste qui investissait tous les arts, toutes les cultures ou sous-cultures. Un artiste total, 360 dirait le marketing. Ca pourrait être un modèle…

Que recherches-tu dans un jeu vidéo ? Et que trouves-tu ?

Déjà, le JV est un média jeune, qui a grandi très vite et qui, lié à la technique, est en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, on n’a jamais eu un JV aussi large mais paradoxalement, je le trouve très standardisé : il y a beaucoup de propositions de jeu mais très peu de prises de risque, de volonté de faire table rase, principalement pour des questions d’argent. Il est aussi rare d’être surpris que de tomber sur un vrai mauvais jeu.

J’attends d’un JV qu’il parle avec le langage du JV et non pas qu’il en emprunte un autre, comme celui, soi-disant plus respectable, du cinéma. Il faudrait qu’il en finisse avec son complexe vis-à-vis des autres arts et médias. Le JV c’est une manière de dialogue entre un créateur et le joueur via l’interactivité. Raconter des histoires, pas de soucis, mais il faut toujours réfléchir à la place du joueur dans le jeu, alimenter ce dialogue constant. Le joueur est central, qu’on le cajole ou qu’on le rudoie.

Les créateurs qui ont compris que devant l’écran, pad en mains, il y avait un joueur ont tout gagné. Par exemple, et même si je trouve le jeu très bon, je ne comprends pas qu’on puisse être abasourdi par l’ouverture de The Last of Us. Ce n’est pas une expérience de joueur mais de spectateur.

La tarte de la crème de la narration dans le JV, elle a de plus en plus mauvais goût pour moi qui ai fait des études de sémiologie et pour qui tout est possiblement signe dans une oeuvre. Lire que The Witness n’a pas de narration ou d’histoire, ça me fait bondir. J’ai juste envie de conseiller la lecture du poème Correspondances de Baudelaire ou de quelques symbolistes… Ceci dit, il y a pire que narration dans le lexique JV, il y a maturité...

C'est vraiment un complexe tu penses ? Ou c'est juste que les mecs ont naturellement envie de faire ça ? Le jeu vidéo présuppose t-il de donner à 100% la possibilité d'interaction au joueur ? Une narration plus implicite qu'explicite suppose aussi une plus grande attention et faculté de déduction/imagination de la part du joueur (à mon sens, tu me corrigeras), ceci n'altère-il pas l'efficacité à impliquer tous les joueurs à son récit (certains capteront tout, d'autres en partie, les autres rien) ? En même temps, je concède que ça peut paraitre plus fort ? Comment éviter d'en arriver aux cinématiques et avoir la même portée ?

Plus qu’un complexe en fait, j’ai l’impression que l’industrie du JV considère la voie du cinéma comme une reconnaissance pour le JV, comme si le cinéma était un modèle. A la sortie de Heavy Rain, que beaucoup de médias ont cherché à faire passer pour un acte fondateur du JV, on a pu voir, dans Le Grand Journal de Canal+, Kassovitz encenser David Cage car le script de Heavy Rain faisait des milliers de pages comme pour dire “regardez faire un jeu c’est difficile, plus même que le cinéma”.

Faire un jeu cinématographique c’est “facile”, dans le sens où tu empruntes un langage connu et maîtrisé, avec un découpage net entre joueur et spectateur. Par contre, parler le langage du JV, penser une intéractivité autour d’un gameplay et d’une narration, là ça devient autre chose et donc c’est intéressant. Et d’ailleurs ça ne veut pas dire renoncer aux cinématiques, par exemple MGS2 et Silent Hill 2 réfléchissent constamment à ce qu’est un joueur. Même la première saison de Walking Dead réussissait à donner une vraie place aux choix du joueur, même si c’est illusoire. Pas obligé d’aller vers l’abstraction ou l’épure narrative extrême. Ca n’a jamais été gameplay contre narration mais plutôt comment mêler tout ça avec le langage propre du JV. Les mondes ouverts sont passionnants en ce sens.

J’en reviens donc toujours à cette question : quel place le créateur donne au joueur à l’intérieur du jeu ?

Sans essayer de te piéger, je crois savoir que tu attends pourtant Quantum Break et que tu as plus qu'apprécié Alan Wake, jeux tous 2 à l'actif de Remedy Entertainment, société à fond dans le trip narratif et dont la Masterclass de Sam Lake tend à montrer le constant parallèle créatif qu'ils observent entre cinéma et série ... Comment expliques-tu la dichotomie de ta condition de joueur ?

J’assume la contradiction apparente. Comme je le dis, je joue à beaucoup de JV différents et parfois j’ai envie et j’aime des expériences différentes. Quantum Break et Uncharted 4 répondent à ce besoin. QB est d’ailleurs plus proches des séries (un média voisin du JV pour sa durée, son exploration des personnages, son rythme) que du cinéma. Dans Alan Wake, j’aime les multiples couches de récits entremêlés : à la fin, j’ai eu un sentiment proche de Silent Hill 2. On te piège, on te manipule mais on ne te prive pas de ta condition de joueur comme le fait David Cage par exemple. Bioshock réussit aussi cet exploit : une expérience narrative où le gameplay s’épanouit parfaitement (c’est un peu moins le cas pour Infinite). Je me répète : je n’ai rien contre le trip narratif, je pose juste la question de la place du joueur. Certains jeux m’apportent une réponse convaincante, d’autres non.

Un petit top de ces jeux agréable à jouer à suivre scénaristiquement ?

Je citais Silent Hill 2 mais on peut aussi ajouter le 3, deux histoires tortueuses et torturées entre Hitchcock, Lynch et Lyne. Bioshock dans son ensemble si tu es fan d’utopies / dystopies. Alan Wake, pour son côté opération à cerveau ouvert d’un écrivain en panne d’inspiration. La saison 1 de The Walking Dead pour le travail sur les personnages. The Witcher, Metal Gear également, une série qui a su créer un double arc narratif qui se questionne et se répond (avec une nette préférence pour celui de Big Boss).

Comment joues-tu au jeu vidéo ?

Principalement le soir, au casque, jusqu’à tard. J’ai des périodes : parfois je bloque sur un seul jeu et je lui consacre tout mon temps de jeu et d’autres fois, je joue à 3 jeux en même temps (genres différents et machines différentes pour éviter les réflexes dus à un même pad). En ce moment, c’est MGSV The Phantom Pain sur PS4 et seulement ce jeu.

Tu joues tout le temps tout au long de l'année où tu as des périodes de jeunes ? Joues-tu tous les jours de la semaine ? Est-ce une nécessité/un besoin ou tu fais aisément sans ? Es-tu dépend au jeu vidéo ?

Quand je ne joue pas c’est que je ne peux pas (si je ne suis pas chez moi par exemple ou que j’ai autre chose de prévu). C’est très rare que ce soit par manque d’envie. Le soir (en gros 23h-2h), je le consacre vraiment au JV. Après, si je ne joue pas (ce qui m’arrive en vacances par exemple), ça ne me manque pas. La seule chose qui me manque, physiquement, c’est la musique.

J'ai cru comprendre après mes 2 upcasts et demie écoutés que tu es un grand mélomane. Quels sont tes affinités avec cet art ? Ta façon de rester au courant de l'actu ? Tes recommandations ?

Aujourd’hui avec Internet on a tous les outils pour découvrir de la musique. Avant c’était complètement différent : il fallait faire confiance aux rock critics et arpenter les FNAC et les Virgin pour écouter des disques et bien choisir sur qui miser son argent. Maintenant tu peux suivre n’importe quel groupe, aller sur Pitchfork ou sur Hype Machine, sur Magic ou les Inrocks, suivre des playlists sur Spotify... La musique est “gratuite”. Par contre, l’offre est beaucoup plus importante qu’avant car l’écrémage se fait moins : découvrir de la musique s’apparente donc à un job à plein temps.

Hormis le reggae qui est un genre que je n’ai jamais creusé, je me suis intéressé à tous les courants : rap, metal extrême, gothique, rock, pop, electro, chanson française, classique, jazz...

Ton petit top musical ?

T'es du genre à écouter un album entier d'un artiste dont eu a flashé sur une chanson ou tu t'en tiens aux classiques, à ce qu'on t'a recommandé ?

Comme tu le dis, c'est un job à plein temps et en ce qui me concerne, je me contente de ce que j'entends à la TV (les séries et les pubs généralement), dans les bandes sons de films et qui me fait rechercher la musique par la suite, je ne cherche pas à tout écouter d'un artiste dès lors que j'ai été conquis par une de ces œuvres, ça prend trop de temps et surtout je ne suis pas patient :/

T'es porté sur la musique exotique, celle qu'on entend pas vraiment, le traditionnel du monde ou t'en a pas l'occasion ou tu n'y portes pas l'intérêt ?

Comment juges-tu la relation entre jeuvidéo et musique ? A titre personnel, je trouve limite que le jeuvidéo se débrouille mieux que les séries quand il s'agit d'orchestrer ses propres compositions ... Voire même de dénicher des talents (les musiques de Fifa, Burnout, PES en sont quelques exemples).

Y a t'il des OST de jeux qui t'ont particulièrement marquées ?

Un top musical actuel ou sans distinction d’époques ? Je choisis un top des espoirs 2016 puisqu’on se plaint que plus rien de bon ne sort. Je conseille de jeter une oreille sur The Goon Sax un trio australien qui sort son premier album en mars et qui a le génie pop (pas moins) de The Undertones ; ne pas manquer Kirin Leonard qu’on avait découvert à 17 ans et qui à 20 ans est toujours aussi talentueux (comme le prouvent les 16 minutes de Pink Fruit) ; The Vryll Society un groupe psyché qui rappelle les Stones Roses (en attendant le nouvel album de Temples pour cette année je crois) ; pour les orphelins de WU LYF, le chanteur revient avec LUH toujours aussi habité ; enfin plus installé (mais peu connu), le groupe de Brooklyn, Woods qui a déjà dévoilé 2 magnifiques extraits de son nouveau disque à sortir cette année. Pour ceux que ça intéresse j’ai une playlist Upcast 2016 sur Spotify (sopor78).

Personnellement, je viens de la culture de l’album et pas trop du single (je n’ai jamais aimé les radios musicales). Donc j’écoute encore énormément d’albums et je reste attaché à la cohérence de l’exercice. Mais c’est vrai que les plateformes de streaming musical avec les playlists ont changé la donne et la manière d’écouter de la musique. Ceci dit, je faisais déjà des compils pour des amis avant Internet.

Aujourd’hui, je peux autant flasher sur un morceau sans écouter l’intégrale de l’artiste (par exemple Angle Boogie de General Elektriks) que me faire la discographie complète de Leonard Cohen. La technologie permet tout ça !

Quand tu parles de musique exotique, tu parles de musique du monde ? J’ai toujours trouvé cette catégorie bâtarde, puisqu’on peut autant y ranger Lhasa que Seu Jorge. Les musiques traditionnelles des différents pays, c’est toujours compliqué à suivre. Le podcast de Libération, Musikistan faisait parfois cet exercice de défricheur. Nova le fait aussi mais malheureusement parfois façon papier peint musical pour bar branché…

Concernant le JV, j’ai peu d’OST à part celles de Yamaoka (Silent Hill). En fait, comme pour les films, je n’achète pas de musique de JV.

J’y suis très sensible en jouant, mais je n’éprouve pas trop le besoin de les réécouter ensuite. C’est pareil pour les musiques de films.

Je trouve que la musique de JV a aujourd’hui une certaine reconnaissance : la chiptune n’est plus raillée comme dans les années 80-90 et a même influencé courants et groupes. De grands compositeurs sont désormais reconnus pour leurs travaux et la scène indé a poussé certains talents. L’arrivée de Sony et de la Playstation (avec le catalogue Sony Music) a fait beaucoup : Wipe Out et sa playlist, ça a été un choc pour plein d’amis non joueurs, voire réfractaires au JV...qui finalement se sont mis au JV !

Sopor, élu Guide musical d'Or 2016 :D

Me reste plus qu'à checker tout ça ;)

J'ai l'impression qu'on a pas assez d'une vie pour écouter tout ce qu'il y a sur la planète malgré internet.

Ouaip, les musiques du monde, 'fin les musiques françaises sont du monde pour des péruviens ... Celles qui restent malheureusement locales malgré leurs qualités même si la magie d'internet permet de casser les frontières, encore faut-il savoir ou trouver (chercher), merci pour les adresses !

Es-tu d'accord avec Julien Chièze qui trouve que la musique fait 50% de l'immersion du joueur dans un jeu vidéo ?

Comment expliques-tu le succès de Taylor Swift alors que tout le monde la prend pour une voiture ou des lingettes en france ?

C’est surtout qu’Internet a multiplié le nombre de groupes/artistes pouvant mettre à disposition leurs créations. Avant, il y avait un filtre : la maison de disques. Aujourd’hui, tu peux tout à fait t’en passer, un peu comme un type tout seul peut sortir son JV. C’est moins vrai pour le cinéma et la littérature (même si certains “phénomènes littéraires” commencent sur le net).

Pour la phrase de Chièze, je ne sais pas dans quel contexte il l’a prononcé, s’il parlait du son en général ou de la musique en particulier. The Witness n’a pas de musique et l’ambiance fonctionne très bien. Après oui, une musique placée au bon endroit, dans un film comme dans un jeu, c’est magique (je me souviens encore du Compass de Jamie Lidell dans Red Dead Redemption - tiens d’ailleurs, au réveil, je conseille 2 albums de Jamie Lidell : Multiply et Jim). J’ai revu Inherent Vice de Paul Thomas Anderson hier et j’adore certains passages rien que pour le choix des musiques, le rythme qu’elles donnent à une scène ou l’impact des paroles sur l’état d’esprit d’un personnage. Lynch et Tarantino font ça très bien, par exemple.

Pas d’explications pour Taylor Swift, d’autant que c’est un succès complètement américain et qu’elle est une des rares chanteuses à ne sortir ses disques qu’en physique, boudant les plateformes musicales du net. A contre-courant ; peut-être la raison de son succès.

C'est un mal ou bien cette accessibilité totale au public ? Le fait qu'il n'y ait plus de filtre ?

Disons que ça prendra plus de temps à la réception (journalistes, critiques et public) pour dire quels artistes sont marquants, importants, à retenir pour les années à venir. Tout est fractionné et part dans tous les sens. N’importe quel groupe peut sortir son morceau et surtout n’importe qui peut s’improviser prescripteur, par passion ou par intérêt. Ceci dit, il reste des filtres et des influenceurs : la TV, la radio, les magazines, les sites, les ventes, les récompenses... Mais la digue “maison de disques” a sauté : Pascal Nègre tout puissant, c’est fini…

T'as dit "Nègre" en 2016 :o

On dit Pascal Chocolat.

Je suis politiquement incorrect, c’est pour ça. Et pourquoi pas Pascal Noir ? Y a tellement d’Eric Blanc...

Eraserhead.

Tu arrives à trouver l'énergie pour jouer tardivement le soir ? Je pouvais jusque mes 15 ans. Depuis que j'ai des heures de transport ou des journées longues au boulot, je suis léthargique les rares fois où j'essaie de jouer en semaine ... Ce qui est une des grandes causes de mon retard affriolant puisque je ne joue plus que le Week-End. Et encore, j'ai pas mis la main sur un pad depuis 2 mois ...

Je n’ai pas trop le choix car c’est le seul moment où je suis seul pour jouer. Je dors assez peu même si ça m’est déjà arrivé d’être fatigué au point de m’endormir pad en mains. Après, je choisis aussi des jeux en fonction de mon état de fatigue : Bayonetta et The Witness, ça ne demande pas la même disposition physique et ça n’agit pas de la même façon sur mon état.

Où joues-tu au jeu vidéo ?

Chez moi, dans mon confortable fauteuil Habitat. Je suis de moins en moins consoles portables. Et si je joue à un jeu portable, c’est souvent sur ce même fauteuil. Rarement à l’extérieur. Dans le bus ou le métro, je préfère écouter de la musique ou lire.

Tu conseillerais une configuration pour jouer au jeu vidéo (moi je ne joue que dans le noir complet par exemple et je ne supporte pas le faisceau de lumière sous la porte et je joue assis alors qu'à l'époque PS2, je jouais couché et je trouvais ça normal !)

Hormis pour les survival, je joue avec une lampe allumée, assis, jamais avachi et donc au casque puisque je joue tard. Pour moi, c’est important de ne pas avoir quelqu’un qui est dans la même pièce, par respect pour cette personne et pour le jeu. Jouer et être en immersion ça requiert de l’attention et des bonnes conditions. Le JV réclame de l’isolement et la moindre des choses c’est de ne pas imposer ça aux gens qui vivent avec toi.

C'est donc pour ça que tu comptes craquer pour la Réalité Virtuelle. Comme ça, tu seras définitivement coupé du monde réel et tes proches ne pourront pas se plaindre d’éventuelles nuisances. Et puis on te retrouvera prostré contre un mur les yeux globuleux ... (comme l'avatar de Poufy en fait)

Ça fera une bonne news pour GB : “ses proches le retrouvent mort un casque VR sur la tête, la suite va vous étonner…”

Pourquoi la VR ? Pourquoi si tôt ? Crois-tu à son envol maintenant qu'on connait le prix d'Occulus et Vive ?

Tu penses que l'industrie a besoin de ce trouver des nouveaux axes de progrès pour continuer à faire rêver ou pour toi, tout est une question de contenu, peu importe le contenant ?

Je viens de précommander le Playstation VR. Je suis technophile, souvent early adopter et mon essai de l’Oculus Rift (le second kit, le Crescent Bay de mémoire) m’avait impressionné et convaincu. C’est vraiment une technologie que j’ai envie d’essayer : je ne suis pas sûr de son potentiel auprès du grand public (prix, conditions, isolement…) mais j’ai envie de faire partie de l’aventure.

J’attends la VR autant pour le JV que pour d’autres applications, par exemple j’imagine très bien une expo virtuelle d’art contemporain, une installation géante que tu peux arpenter.

Concernant le JV, je ne crois pas que ça va remplacer notre façon traditionnelle de jouer : je vois ça comme un complément, une expérience plus courte, immersive. Finalement, les révolutions sont rares dans le JV depuis les polygones 3D. J’ai le sentiment que la VR peut changer le paradigme.

Son envol pourrait prendre du temps, avec de possibles crashs. Mais pour l’avoir essayé c’est un potentiel bien plus fort que la 3D relief, qui a toujours été pour moi un gimmick sans trop d’apports. C’est comme de penser que la HD change les choses : c’est appréciable évidemment mais c’est avant tout du confort.

La VR c’est aussi une usine à fantasmes alimentée par la littérature ou le cinéma. Avalon de Oshii décrit très bien ce que pourrait être un monde où le virtuel supplante le réel.

T'es prêt à essuyer les pots cassés ?

C'était un rêve de gosses ou même pas ?

L'investissement est lourd avec les moves et la caméras, non ?

Tu crois qu'autre chose que les jeux en vue à la première personne vont se révéler intéressant pour la VR ?

Faut-il disposer d'une salle, d'accessoires comme le tapis pour que la VR fonctionne vraiment (différence de perception entre le corps dans le réel et la tête dans le virtuel) ?

Etre early adopter c’est forcément essuyer les plâtres et payer les pots cassés. Je l’ai fait pour la HD avec le HD DVD et le BRD. C’est un choix lié à ton enthousiasme du moment pour une technologie ; il faut une vraie excitation. Mais c’est variable chez moi : par exemple, 4K et UHD m’intéressent assez peu.

Un rêve de gosses, non, juste l’espoir que ça puisse changer le paradigme ou au moins bouger les lignes du JV, comme la 3D polygonale à l’époque. Et au-delà de ça, même si j’y crois moins, peut-être voir une technologie imposer de nouveaux comportements : tu te souviens de nos comportements avant Internet ?

Concernant le prix, pour une nouvelle technologie, qui doit en plus créer un marché, je ne trouve pas ça si cher mais je comprends les réticences, d’autant que l’adoption des casques VR par le grand public pose question. La démocratisation, je l’imagine plus avec des appareils indépendants, sans fils et miniaturisés (par exemple des lunettes). Et à cause de l’isolement, je crois plus à la réussite de la réalité augmentée.

Pour avoir testé un jeu à la troisième personne, j’ai trouvé ça intéressant, moins dans l’immersion que dans la perception des distances (pour un jeu de plateforme par exemple). Et oui, pour le moment, être assis dans un jeu ça fonctionne mieux pour la VR (vaisseau spatial, course auto). Simuler le déplacement c’est complexe et je me vois mal avec un tapis chez moi, sinon il faut une salle dédiée et là, peu de chances que ça intéresse grand monde.

Il y a encore beaucoup de freins et une forte probabilité que ça ne prenne pas tout de suite.

Le progrès par la technologie ?

Ça veut dire que les créateurs ne peuvent rien changer d'eux-mêmes avec les outils dont ils disposent ?

Tu préfères la VR ou la AR ?

Que te dis ta boule de cristal au sujet de la VR ?

La technologie a toujours permis le développement, l’amélioration ou l’expansion des arts. L’imprimerie et la littérature par exemple. C’est le cas pour le JV qui est fortement lié à la technologie. Et ces technologies sont des outils pour la vision des créateurs. Le cinéma d’effets spéciaux a permis de projeter sur un écran des visions de créateurs, impossibles à rendre à l’écran jusque-là. Après, tout est question de bon usage.

Je suis plus attiré par la VR pour sa capacité à créer un monde virtuel total, indépendant et souverain, et non pas comme l’AR à se servir de la réalité pour lui ajouter des couches de virtualité. Mais honnêtement, pour des problèmes d’isolation, de “dégradation” du réel (et si certains préféraient vivre au final dans la virtualité ?), je vois plus d’avenir à l’AR. Le film Avalon d’Oshii montre bien ce que pourrait être une société de la VR.
Mais pour le moment, la VR en est à ses balbutiements, sous cette forme de casque. Je ne dis pas que l’adoption va être massive mais je ne comprends pas non plus ce besoin qu’ont certains à dire que c’est une mode et à s’en réjouir. Voyons juste ce qu’elle va apporter.

Avec qui joues-tu au jeu vidéo ?

Comme pour le sexe : seul ou à plusieurs. Et comme pour le sexe, le JV est plutôt une activité solitaire.

Je fais principalement des jeux solos et je joue assez peu en ligne (dans mes dernières expériences sur cette gen, juste Mario Kart 8 et Destiny).

Plus jeune, je jouais surtout avec mon frère et des amis. C’est plus rare aujourd’hui, hors quelques IRL avec des amis de forums.

Le seul changement dans ma vie de joueur, c’est ma fille. On joue souvent tous les deux, surtout à des jeux Nintendo mais aussi à Little Big Planet et même à Journey et Flower qui fonctionnent très bien pour des enfants. Hors Nintendo, l’offre JV pour les enfants est réduite ou alors on tombe dans les “mauvais jeux”, pensés pour eux.

Est-ce que les mauvais jeux pour les adultes ne sont pas de bons jeux pour les enfants ? Je pense à tous ces Disney réalisé à la va-vite pour coller la sortie du film. Les testeurs savent-ils réellement les évaluer ?

C’est une question légitime qui d’ailleurs ne provoque jamais de débat chez les joueurs. Car les jeux destinés aux enfants (les Disney par exemple auxquels tu fais référence) ne sont pas considérés : qu’ils soient bons ou mauvais, j’ai l’impression que ça ne concerne pas les joueurs, qu’ils s’en foutent. C’est différent pour des jeux aux univers dits enfantins mais qui visent un large public, familial, comme les jeux Lego ou Skylanders. D’ailleurs ces jeux sont testés par les sites spécialisés au contraire du jeu des Princesses Disney ou de Planes. Ces jeux-là seront abordés dans des magazines pour enfants sous l’angle “est-ce un bon jeu pour votre enfant ?” Donc forcément la grille d’évaluation n’est pas la même.

Je pense à ce sujet que les yeux d'enfants bien que réceptif à de la qualité douteuse (surtout si les contrôles ne sont pas impec') s'amusent ou sont capables de s'amuser avec des standards qui ne sont pas ceux qu'ils auront intégré dès leur 8 ans (époque où je n'aurais pas pu joué à un jeu qui m'avait bien amusé quelques années auparavant - un jeu basé sur Le Bossu de Notre-Dame et dont le principe ferait fureur sur smartphone aujourd'hui (il fallait empêcher des soldats d'escalader la cathédrale au moyen de diverses armes typique de l'époque moyen-age style huile bouillante). T'imagines bien qu'en '97 à l'époque, quand tu viens de bader comme c'est pas permi à la lecture du film (la VHS à l'époque !), t'es ravi de retrouver "ton" univers

Ca explique sans doute le succès de certains jeux sur tablettes que ma fille adore !

Comment éduques tu ta fille au JV (type de jeu, marque, solo/multi) ? Respectes-tu la classification PEGI18 ?

La classification PEGI18 pose question pour des ados qui ont 14-15 ans. Quand j’avais cet âge, je jouais à des jeux qui seraient aujourd’hui PEGI18. Ça dépend de la maturité et de l’entourage de l’ado. Ma fille a 5 ans donc GTA ou Gears of War, c’est pas du tout dans son univers. La question ne se pose même pas en fait.

Je sélectionne des jeux pour elle et ensuite elle choisit à quoi elle veut jouer : ces dernières semaines c’était Little Big Planet (le côté “j’habille ma poupée de chiffon” marche bien) et en ce moment elle est revenue sur Mario Maker. Elle joue surtout sur WiiU (MK8, Yoshi, Mario 3D World). Le plus compliqué finalement c’est la coordination entre la croix de direction et les boutons. Tout ce qui est tactile et motion gaming, les enfants comprennent très vite mais le pad, avec les sticks et les gâchettes, c’est un objet étrange.

Nintendo a l’avantage de faire des jeux à multiples lectures de gameplay : on peut faire Yoshi en touriste, pour la ballade, à deux joueurs, et on peut aussi le faire en complétiste forcené. Mario Kart 8 en ligne je n’y joue pas pareil qu’en local avec ma fille.

Flower et Journey ont aussi très bien marché sur elle : le gameplay est simple voire simpliste et laisse place au merveilleux. Ce sont de très bons jeux pour des enfants je trouve.

J'imagine qu'elle a déjà sa 3DS avec La Maison du Style, Art Academy et Zelda ... Où je suis trop lieu commun avec le répertoire supposément dédié aux filles ? Je met une pièce sur Dora tant qu'à faire…

Non, on n’a pas souhaité lui acheter de console portable pour le moment. Je préfère que, dans un premier temps, on joue ensemble. Donc je choisis les jeux. En tant que parent, je cherche quand même à contrôler le temps qu’elle passe devant les écrans (et elle y passe déjà du temps !). Maintenant, je n’ai jamais été anti TV ou anti écran, pour l’éducation d’un enfant.

Après, c’est bien connu : Nintendo n’a pas de sexe. Mais c’est une fille donc Peach ou Harmony, ça passe forcément mieux que Luigi.

De toute façon, j'imagine que pour toi, il n'y a pas un jeu vidéo pour les filles et un pour les garçons ?

Étonnant non, de savoir que plus de filles jouent aux jeux vidéos que les garçons ...

Tu penses que c'est déjà une passion le Jeu Vidéo pour ta fille ou qu'à cet âge-là, on ne peut pas savoir si elle ne raccrochera pas d'ici quelques années ?

Peut-on ne pas aimer le jeu vidéo ?

C'est pour quand la 3DS ?

Si, je pense qu’il y a des JV conçus pour les filles et d’autres pour les garçons. C’est juste de la cible et du marketing. C’est pareil pour la musique et le cinéma. Après, si la question est de savoir si n’importe qui peut apprécier le JV, évidemment même si on ne va pas se mentir, dans le premier cercle de joueurs, dits “hardcore” ou réguliers, PC et consoles, ce sont surtout des hommes. Nintendo casse un peu ce moule et dans sa globalité (si on sort du coeur du média), le JV est autant joué par les deux sexes. Mais bon c’est juste que les gens ne jouent pas aux mêmes jeux, ce qui est tout sauf un problème.

Concernant ma fille, c’est difficile de savoir si elle sera joueuse chevronnée car j’ai des exemples dans mon entourage de gens qui jouaient plus jeunes et ne jouent plus du tout aujourd’hui. Ceci dit, j’hésite à lui acheter une 2DS mais je ne suis pas trop pour laisser une console dans sa chambre. On en reviendrait à lui autoriser des plages horaires comme pour le salon.

La question de ne pas aimer le JV est symptomatique de la place culturelle encore trop peu importante qu’a le JV dans notre société. Ta question est légitime mais on ne la poserait pas pour la littérature, le cinéma ou la musique. Bien sûr, il y a des gens qui ne lisent pas, ne regardent pas de films ou n’écoutent pas de musique (en espérant que ce soit des personnes différentes !) mais sur le JV ça fait davantage débat car c’est un média jeune, encore mal connu et qui trimballe clichés et casseroles. Ceci dit, ça a grandement évolué avec la Playstation, la DS et la Wii et tu n’es plus regardé comme une bête curieuse quand tu confesses ta passion de joueur.

Personnellement, je ne fais de hiérarchie entre littérature, cinéma, musique ou JV. Je me sens autant redevable de Kerouac, Bolano, Lynch, Leonard Cohen que de Kojima. Mais c’est aussi une question de génération.

Dans ces conditions, faut-il forcer les gens à jouer aux jeux vidéo comme on les amène au théâtre, cinéma, à la littérature à l'école ? Question d'éducation ? Discrimination contre le jeu vidéo ?

Je crois surtout que c’est une question de génération, donc de temps, et de poids financier de l’industrie. A partir du moment où il y a de l’argent à faire et des emplois créés par un secteur, ça lui donne une légitimité auprès de ceux qui ne le connaissaient pas.

Pour notre génération et les prochaines, le JV fait partie du paysage culturel, comme le cinéma ou la musique. Avant, quand le JV représentait un petit marché et qu’il passait sous le radar des décideurs culturels, il était, au pire, méprisé et montré du doigt ou, au mieux, ignoré. On est passé de la Nintendo du gamin à la génération Playstation pour arriver au JV pour toutes et tous. L’offre est devenue très large.

Quant à l’école, notre éducation à la française fait la part belle aux mots et aux textes. Je pense qu’il manque, non pas une approche du cinéma ou des JV, mais une approche des images : nous sommes bombardés d’images, les enfants aussi et personne ne nous apprend à les lire (par exemple le montage dans un sujet de JT ou la publicité). Serge Tisseron a beaucoup écrit à ce sujet. Comprendre les mots et les images, c’est primordial, pour aborder la littérature, le cinéma ou les JV.  

fin de la première partie.

2014-2017 Time Neves, c'est dans la boite Réservé.