Faut-il relancer ses jeux pour obtenir le plein effet ?

Cet « article débat » fait suite à la rubrique nécrologique de la WiiU signée de la main même de Shigeru Miyamoto. Une tripotée de déclaration dont le désaveu du concept de l’écran déporté du GamePad en comparant l’ineptie de l’idée de demander de mater 2 écrans distant de 90° angulairement et de plusieurs mètres à celle d’un GPS positionné sur les genoux du conducteur et non sur le tableau de bord. Mais ce n’est pas ce sujet qui m’intéresse. Comme le mentionne le titre du billet, j’aimerais revenir sur la nécessité ou non de devoir recommencer un jeu pour en tirer l’expérience la plus totale, celle que les développeurs amoureux du bébé qu’ils ont créé aimeraient qu’on tâte. Miyamoto préconise la pratique pour Pikmin 3 et Star Fox Zero, une bonne manière de défendre la durée de vie faiblarde de ces titres quand on se contente du premier run sans le « plein effet » donc. Pour mettre tout le monde d’accord, on va au préalable définir ce qu’est le « plein effet ». Sommairement, je l’interprète comme l’expérience où le joueur est en symbiose avec l’avatar, où il n’est plus en phase d’apprentissage, il sait et connait le jeu. Ce qui n’en fait pas un PGM pour autant, il peut encore se rétamer comme une vieille chaussette. Seulement, maintenant, il ne peut plus dire qu’il ne connait pas les outils mis à disposition, juste qu’il est maladroit. Interpellez-moi si je fais fausse route.

 

 

I Non

 

Non, j’en suis la preuve. Je ne recommence jamais mes jeux et je m’en porte très bien. Pour être tout à fait exact, j’ai recommencé Resistance mais juste pour la carotte de poursuivre la campagne en coopération avec mon bro’. En dehors de ça, je n’ai jamais vraiment ressenti le besoin de recommencer un jeu, ce, malgré la tonne de bons jeux dont j’ai pu m’adonner au cours de ma brillante carrière de joueur du dimanche. Joueur du dimanche à la fois parce qu’il faut pouvoir dégager du temps pour refaire déjà parcourut en lieu et place de la nouveauté qui jonche la pile de jeux à faire et parce que je suis du genre « touche à tout / expert en rien ».

 

Il doit être en effet plus facile de refaire ses jeux lorsqu’on joue à moins de jeu ou qu’on joue assez pour rester au fil de l’eau des sorties. Et même si je peux rogner sur les activités pour jouer plus, reste la barrière de la fatigue et de la concentration. Donc, clairement, je préfère continuer à progresser dans tous ces fantastiques jeux qui m’attendent (et m’appellent la nuit) plutôt que de recommencer certains d’entre eux. Alors certes la tentation est là, mais considérer le « second run » d’un jeu, c’est ouvrir la boite de Pandore menant au rétrogaming. Oui, j’aimerais me refaire Mafia II d’une seule traite cette fois (comprendre, enchainer les missions) sans visiter Empire Bay parce que je trouve formidable chacune des missions jouées (principales puisqu’il n’y a pas de missions secondaires), un jeu linéaire dans un monde ouvert. Gros coup de cœur. Naturellement, je me laisserais bien tenté par une seconde incursion dans le mirifique Metal Gear Solid IV : Guns of the Patriots. Mon premier et seul MGS pour l’instant et quel jeu ! Peut-être une fois que j’aurais pris la licence depuis le début. Simplement, je redoute déjà de me retaper les boss complètement hardcores du jeu !

 

La vérité, c’est que j’ai déjà essayé de relancer un jeu de mon plein gré (sans considération de co-op ou autre expérimentation différenciante), il s’agit de mon jeu préféré : GTA IV. Et ça n’a pris 10 minutes pour me gonfler. Mon premier jeu PS3, ma licence préférée, un titre sur lequel j’ai passé entièrement mes vacances d’Aout 2008 de 8h à 23h, celui qui me donne encore des frissons de plaisir mélancolico-nostalgique juste à y repenser (Vladivostock FM !), c’est dire si le concept de « second run » ne fonctionne pas avec moi ! Celui qui a plus de chance d’accoucher de quelque chose de prosaïque, c’est Bioshock en réalité. Pourquoi ? Parce que c’est l’un des rares jeux où je trouve que je n’ai pas fait corps avec le gameplay. Enfin surtout les phases de jeu contre les Big Daddies lorsqu’on n’est pas surarmé pendant la moitié ou les 2 premiers tiers du jeu. Un espèce d’arrière-gout d’inachevé en bouche même si en dehors de ce point, je suis satisfait de mon pour l’instant seul run du chef d’œuvre d’Irrationnal.

 

Ainsi dans la mesure où je ne joue qu’à des jeux très typés grand public et non jeu de niche, que pour la plupart ils sont occidentaux, n’émanent pas de Nintendo et ne permettent de toute façon que d’augmenter la difficulté pour forcer à être plus vigilant/stratège/malin, jamais ressenti de besoin viscéral de recommencer un jeu pour mieux découvrir son gameplay, jamais eu le sentiment que des choses m’échappaient à ce niveau (en dehors de Bioshock donc). Alors naturellement, on peut vouloir recommencer un jeu parce qu’on a aimé faire ce qu’on y a fait, qu’il s’agit de nos actions ou du déroulement de l’histoire quand il y en a. Après tout, quand a aimé le plat du jour, on en reprend volontiers. Mais dans ce cas, on s’écart de la notion de plein effet pour rejoindre le coin de la gourmandise. L’expérience de jeu de notre propre chef reste inchangée (difficulté montée de plusieurs paliers compris).

 

 

II Oui

 

Le truc, c’est qu’il n’y a pas que le joueur du Dimanche voyez-vous. Et il n’y a pas que des jeux pour les joueurs du Dimanche. Il y a aussi ceux du Samedi. Ces PGMs en puissance qui recommence pour la troisième fois d’affilé leur jeu fétiche du moment qu’il se nomme Bayonetta, New Super Mario Bros. X ou encore Dark Souls. Voire même Resident Evil et affiliés dans les modes shuntant une partie des ressources/possibilités. Généralement, lorsqu’on parle de « plein effet », on sous-entend japonais. Difficile de coller la notion avec une production occidentale dans la mesure où la façon de produire un jeu et l’esprit des créateurs sont différents dès lors qu’on franchit le Pacifique dans un sens comme dans l’autre. Peut-être Mirror’s Edge qui parce qu’il est un jeu sur le parkour mérite d’en connaitre les outils et règles sur le bout des doigts pour vraiment apprécier un run à sa juste mesure. Je n’ai pas dit en ne connaissant jamais l’échec d’un timing, d’une portée ou d’une réception mais un résultat qui tient plus d’une maladresse que d’un manque d’acquis).

 

Mais même le cas Mirror’s Edge est particulier, il ne s’agit pas de faire un « second run » pour découvrir de nouvelles techniques, de nouvelles possibilités, de nouveaux mouvements, le tout avec une difficulté rehaussée et les bases bien en poche mais de refaire le jeu avec les bases solides pour encore plus l’apprécier mais sans rien apprendre de nouveau. En réalité, ce sont surtout ces jeux jap’ à système comme dirait Sopor. Des titres touffus dans leurs mécaniques comme au niveau de leurs règles et dont on a l’impression de n’avoir qu’effleuré la surface à l’issu du premier parcourt. Je pense bien évidemment à la majorité des Beat’Em All japonais de Devil May Cry à la clique Platinum Games (Bayonetta, MGR Revengeance, TheWonderful101, probablement Scalebound) en passant par les jeux Atlus (Princess Crown, Odin Sphere, Muramasa, Dragon’s Crown) ou encore Nier. Mais il y aussi un certain nombre de J-RPG qui répondent à l’appel comme les FF, les Tales of où il est de bon ton de recommencer le jeu pour jouer autrement en privilégiant d’autres branches de l’arbre de compétence. Même raisonnement pour la série A-RPG phare de From Software Dark Souls qui de par ses  innombrables builds impactant le gameplay, son challenge ainsi que sa narration cryptique invite à la redécouverte.

 

Qu’il s’agisse de Super Mario 2D ou 3D et ses étoiles qui invitent à fouiller les niveaux à la recherche pour le 100% permettant d’arpenter d’une nouvelle manière les niveaux déjà visités et de reconsidérer sa position sur l’ingéniosité du level-design, de Star Fox Zero ou encore de Pikmin, Nintendo est lui aussi en bonne figure en la matière, privilégiant le « scoring intelligent » au « remplissage aussi débile qu’à la con » cher à Ubi. Le « second run » pour le « plein effet » j’entends, est donc pour moi une pratique légitime mais typiquement japonaise et plutôt confinée aux spécialistes d’un genre (ce qui ne les empêchent d’ailleurs pas de jouer à quarante-douze mille autres jeux à côté, encore une fois, j’en appelle à la caution Sopor) ; ce qui n’est pas un mal. Maintenant faut-il l’encourager à plus grande échelle, c’est une autre question, et ça dépend vraiment de chacun.

 

 

Conclusion

 

Je comprends bien l’intérêt, voire la nécessité de quelques runs supplémentaires pour vraiment toucher du doigt le « plein effet » mais à mon sens, ça dépend aussi bien du joueur que du joué. J’ai joué 30 heures à Need For Speed Hot Pursuit lors de mon premier et seul run. J’ai eu le sentiment de faire corps avec la création, de dominer et dompter le gameplay, de pouvoir prendre les virages avec un bandana sur les yeux et les mains nouées dans le dos, le tout suspendu au-dessus du vide depuis le pont du Colgate mais on va me dire que c’était canada dry, que c’était factice et que je n’ai rien compris. Alors oui mais non en fait. Je sais encore interpréter ce que je reçois comme rétro-fit. Par contre, il est vrai que je ne serais sans doute pas capable de recommencer un jeu pour obtenir le plein effet si je ne surkiffe pas à mort le jeu dans le même temps - ce qui pourrait être très probablement le cas de Mirror’s Edge au final. Question d’impatience, question de personnalité, question de moi. Comme je vous disais. CQFD. Et pourtant, les baffes que j’ai prises depuis 20 ans (et qui mériteraient bien une deuxième vie) ne manquent pas.

 

2014-2017 Time Neves Convaincu ? Réservé.