Premier point sémantique pour commencer. Parce que tout le monde ne parle pas anglais. Moi le premier. Puisque je le subis. J’ai mon TOEIC. Pas la question. Mais voilà quoi. Arrêtez avec vos anglicismes chiants comme mes moufles ou vos noms anglophones à la con. Donc en français, The Affair signifie l’Aventure. Comprendre extra-conjugale. Il ne s’agit pas de Drake ni de Croft. On parle de chose sérieuse donc je vous saurais gré d’arrêter de vous disperser. Visionné en VOST en 2016, j’avais eu l’occasion dès 2015 de la mater mais mon emploi du temps d’homme politique en campagne pour briguer les postes de présidents des USA, France et Russie (en même temps) d’alors avait eu raison de mes velléités grandiloquentes. Qu’importe, je me plonge dans cette série en 12 épisodes garantie sans meurtres, sans enquêtes et sans sang.

 

Comme de coutume, en préambule, je m’enquille aller sonder mon meilleur ami (google) pour savoir ce qu’il en pense. Rassuré suite aux titres d’articles élogieux entraperçus (je ne lis pas les avis avant visionnage, faudrait être fou de se gâcher le plaisir de la découverte), je lance le 1er épisode quand tout à coup. La composition musicale du générique. E-NORME. Attendez, laissez-moi 2 minutes le temps de reprendre ma respiration. HORS-NORME tu veux dire. On regarde tous un paquet de séries chaque année (faites pas semblant) et des génériques qui se tiennent voire qui s’imposent, on en a tous en tête quelques-uns. Mais alors là …

 

Les mots m’en tombent et les bras me manquent. Sublime. Extraordinaire. Célesto-cosmique ? Je tombe amoureux et je lui fais un gosse. L’inverse éventuellement. Bref. Jusque-là, j’aurais sans hésité cité celui de Wayward Pines comme le maître absolu en termes de thème d’ouverture mais même lui ne peut lutter. Bref, je n’ai pas vu une seconde du show qu’il me fait déjà une impression inespérée. Pourvu que ça dure. Pour situer : Amérique, New York, une femme (c’est déjà pas mal), 4 enfants (ça commence à faire) et des beaux-parents encore en vie (bon, là, c’est le pompon). Noah est un écrivain modeste dont le premier bouquin n’a pas vraiment marché. La 45-aine, sa vie familiale et maritale semble se passer pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sa femme tient une boutique art/déco en ville. C’est l’été et comme ces habitants de Brooklyn n’ont pas des moyens démesurés, ils rallient comme chaque année ou presque le lieu de villégiature des beaux-parents.

Somptueuse villa, pelouse ciselée au moindre mètre-carré et grand air, les Hamptons ne faillissent pas à leur réputation d’arrière-garde New-Yorkaise où il fait bon se ressourcer. Sauf que voilà. Sa moue est trop attendrissante. Son apparat de serveuse révèle d’interminable gambette. Et puis ce regard trahissant une évidente fragilité. Rencontre fortuite, séduction retenue et consommation libérée, nous y voici. Le flirt éclot, place à The Affair. La passionnelle, l’éprise, l’unique. Celle qui fait se sentir encore en vie. La crise de la quarantaine vous dites ? Je ne crois pas ou plutôt, je pense que c’est plus que ça. La série ne s’intéresse pas à mêler du freudien pour théoriser des raisons poussant à aller voir ailleurs même si les entretiens psychologiques finissent par pointer le bout de leur nez. En sus de rapporter la genèse et l’état courante d’une situation d’adultère (ce qui en ce qui me concerne est inédit dans le monde des séries), The Affair entremêle une trame judiciaire derrière puisque les faits sont narrés alors que les 2 fauteurs sont interrogés au poste par le très perspicaces Inspecteur Jeffries.

 

L’intérêt réside non plus seulement dans l’embardée psychologique que prenne chacun des personnages composant le décorum de cette romance interdite (qu’ils soient aux premières loges ou non puisqu’ils en subissent les conséquences d’une manière ou d’une autre : humeur, décision, mensonge, etc.). Mais aussi dans l’identité du proche tué, les circonstances et le coupable du meurtre. Puisque oui, ces 3 éléments parviennent à être intelligemment esquissés mais sans jamais se voir complètement dévoilé avant l’épisode final. En résulte un double intérêt (puisqu’on veut aussi savoir comment la relation entre les 2 évoluent, comment ils vont la gérer et comment la vivent ceux qui savent ou non) pour une double narration.

Structurellement, c’est assez fort. Chaque épisode dure peu ou prou une heure. Et ils sont tous coupé en deux. Il n’y a pas d’ordre prédéfini mais généralement le premier rend compte des évènements (souvenez-vous, témoignage, police, enquête, tout ça) selon le point de vu de Noah. Et le second, celui d'Alison. Parce qu’elle s’appelle Alison la bombasse. Et vous l’avez deviné, tout le sel est d’appréhender les différents versions rapportées d’une même péripétie vécue communément. A titre de rapide exemple : pour Noah, c’est elle qui lui fait du rentre-dedans alors que pour Alison, c’est lui qui déclenche tout. Plein de petites choses comme ça qui change la manière de percevoir l’un comme l’autre des personnages, si bien qu’on ne sait trop penser de qui mène la danse, si tant est que meneur il y a. L’autre particularité que permet cette narration qui change d’épaule au gré de la partie de l’épisode considérée consiste en ces moments où les 2 protagonistes principaux vivent leurs moments séparés. L’emphase est mise sur la vie de famille de plus en plus tourmentée (et pas forcément à cause de lui : enfant/beaux-parents/femme, ça en fait des raisons !) du père/mari et celle plus libre, moins codifiée mais tout aussi écharpée que traverse Alison.

Elle est jeune. Beaucoup plus jeune que lui. Dans sa trente-deuxième année seulement, Alison – une locale des Hamptons - couve avec son mari l’immense perte de leur fils dans des conditions que je ne révèlerais bien entendu pas. Auparavant infirmière au sein de l’hôpital du coin, cette tragédie lui coupant l’herbe sous le pied, elle officie désormais en tant que serveuse dans le snack-bar du patelin, lieu de sa première rencontre avec Noah. Se détachant peu à peu l’un de l’autre, elle et son mari possèdent une maison héritée de sa grand-mère (qui est toujours vivante), sa mère ayant été squeezé en raison de sa vie de Bohème – ainsi qu’un Ranch (ferme équestre en fait, y a pas de troupeaux ni de fermiers là-dedans).

Les Lockharts – c’est leur nom – sont nombreux et se réunissent très souvent le Week-End pour partager un diner dans cette demeure. L’occasion de se changer les idées et de se sentir aimé en dépit d’histoires de famille pesantes de temps en temps ressassés au cours desquelles l’antagonisme avec les Hodges occasionne des envolées lyriques disproportionnées. Constamment entre adultes – puisque l’assemblée est composée de Alison, son mari Cole et ses beaux-frères, belles-sœurs ainsi que sa belle-mère – l’ambiance, l’atmosphère et les enjeux du quotidien tranchent avec ceux de Noah et sa famille étendue puisque ici, les soucis sont surtout d’ordre financier – le Ranch prospérant à crédit. Les débats ramènent inéluctablement aux égos des uns et des autres quant à la gestion et l’avenir de l’entreprise familiale.

Deux cadres singulièrement différents permettant à la fois d’expliquer l’attraction exercée par l’un sur l’autre et de servir de matériau de base pour développer des réactions diamétralement opposée de part et d’autre de la sphère privée respective du citadin et de la campagnarde. Finalement, ce qui étonnera le plus, c’est au combien la série parvient à retranscrire l’évolution du relationnel amoureux avec ce désir aussi fantasmé qu’excitant au début – puis pendant un certain temps – et ensuite cette évolution lente mais de fond vers quelque chose de beaucoup plus terre-à-terre, monotone, rationnel tout compte fait. C’en est même saisissant tellement on mesure le chemin parcouru entre le dernier et le premier épisode par ces 2 « aventuriers ». Mon seul bémol pour ce quasi sans faute, c’est que la S1 ne se suffit pas à elle-même pour rendre compte de l’intrigue juridico-policière. Mais bon, comme la S2 est complètement folle et que même sans ça, la S1 tabasse, je ne peux que vous conseiller de vous jeter corps et âmes dessus.

2014-2017 Time Neves, en manque de superlatif Réservé.