Très étrange ce Spotless. Dans le mauvais sens du terme tout d’abord puis dans le bon sens finalement. Déjà, première chose : je n’avais pas jugé utile de retenir la candidature de ce Sans Tâche à l’orée 2015 quand j’eu l’occasion de me jeter corps et âmes sur la proposition. Bon, bien mal m’en a pris. La bande-annonce ne m’avait pas particulièrement intrigué dans le sens où je ne voyais en celle-ci qu’une vague nommé Dexter sur laquelle elle surfait. Dexter est sans nul doute ma série préférée (ça devient compliqué de dire ça quand on voit 15 séries par an toutes plus époustouflantes dans leur style les unes que les autres), cela n’empêche pas qu’une tentative malheureuse de récupération ne fonctionne pas sur ma personne. Et pour cause, je suis apolitique. Quoi qu’il en soit, un créneau se libérant en ce Printemps 2016 me décida à accorder le bénéfice du doute au coupable sans trace. ‘fin, ça, c’est que dit le titre.

Parce que Spotless risque de laisser une certaine trace indélébile en vous. Ce fut mon cas à minima. Pourtant, ce n’était pas gagné. C’est assez simple à décrire, le premier épisode d’une série qui en compte 10 fut tout simplement une purge. Je vous dis pourquoi dans 2 minutes mais il me semble important de revenir sur le quoi. Spotless se propose de s’attacher à la vie londonienne d’un expatrié français ayant construit sa vie de famille et sa carrière professionnelle over there. La particularité tient au business dans lequel s’est lancé Jean : le nettoyage de scène de crime. Le meurtre, le sang, les larmes. D’où un lien thèmeologique mais aussi graphique évident avec le show du Tueur en Série préféré de toute une génération.

L’épouse de Jean est anglaise et les 2 sont parents d’une collégienne de 13 ans et d’un écolier de 10 ans. La petite famille vit une vie paisible sans excès dans une maison mitoyenne typiquement londonienne. Enfin paisible, si pour vous, le mari qui trompe une femme qu’il aime pourtant avec évidence et qui n’assiste pas aux entretiens préliminaires au changement d’établissement de sa fille intègre la sphère globale de la vie paisible. Spotless a de ça de crédible qu’il ne s’embarrasse ni de dépeindre une famille bien sous toute couture (ça existe) ni de s’attacher à mettre en valeur une famille où absolument tout part en sucette (bon, ça existe aussi). Du côté du cadre, il n’y a rien à redire par contre, c’est quand on en vient à l’intrigue que ça coince.

Toute l’intrigue repose sur le métier de Jean qui tient une agence modeste de nettoyage de scènes de crime. Et sur son frère, Martin. Français de France qui débarque comme une fleur avec un cadavre sur les bras. Sans spoiler, le frère trempe dans de mauvais trafics et la mule s’est un tantinet défraichit pour finalement intégrer son congélateur. Il serait dommage de perdre une si juteuse cargaison. Tout commence donc à partir de ce moment-là. Jean est ainsi entraîné dans la galère de son frère, bien évidemment très réticent à l’idée de lui venir en aide au vu du potentiel foutrarque de la merde dans laquelle il est englué. En soi, se débarrasser du corps une fois la drogue extirpée ne constitue pas un obstacle important, par contre, trouver un acheteur s’annonce comme le point de départ de tous les ennuis.

On peut penser que j’en dis trop mais tout ce qui est compté ne constitue que le premier épisode, ne vous inquiétez pas. Et si je relate tout ceci, c’est pour pouvoir saisir au mieux tout ce qui fait le sel du show finalement : la mise en porte-à-faux de notre héros vis-à-vis du baron du crime londonien. Car tout l’intérêt de la série repose sur la situation ingérable dans laquelle se retrouve rapidement la fraterie, sommée de nettoyer les scènes de crimes de l’équipe de ce dangereux truand. Incarné par un Liam Galligan tout simplement fascinant, Nelson Clay joue de l’accordéon (figuratif) pour mener sa barque comme ses hommes. On ne sait jamais vraiment quand on fait un faux-pas avec lui et l’écart de conduit se paie cher puisque de votre vie. Toute une partie de la tension narrative que véhicule le show se repose sur cette ambivalence de tous les instants d’autant plus que notre Jean Bastières n’est absolument pas le genre de type à tout accepter sans poser ses quelques conditions afin de constituer sa sphère de contrôle.

Mon petit problème, c’est que le premier épisode taille dans le lard la partie sur Nelson Clay (le moment où la Série dévoile vraiment ses qualités et son intérêt) puisqu’il n’y fait aucune apparition. Sachant que la VO est assez difficile à accepter - l'ensemble du casting est britannique tandis que les frérots portent un large accent français – je fus contraint de switcher pour l’épisode 2 sur la VF et c’est fou ce que ça collait vraiment mieux, moi qui aurait cru l’inverse. Je n’étais vraiment pas chaud pour continuer une fois les crédits de fin du premier épisode défilant et je me remercie encore moi-même (je sais, je suis comme ça) d’avoir persévérer car oui, les doubleurs font mieux que les acteurs du point de vue du voice acting.

Côté casting, tout le monde a sa part dans la cohérence globale de l’œuvre comme des évènements. L’acteur québécois Marc-André Grondin incarnant le personnage principal semble de prime abord ne pas tenir réellement le rôle jusqu’à ce que sa personnalité un brin désincarnée et effacée ne masque en fait un désir profond et féroce de se soutirer à une situation dont il est indéniablement le pion. Son frère, Martin tranche avec son frère autant physiquement que dans sa façon de penser. Denis Ménochet, son interprète et seul français du casting parvient à tirer son épingle du jeu en dépit d’une personnalité plus explosive, moins réfléchi mais non dénué de caractère. Les 2 frères ne sont pas seulement intimement liés par le forfait du second et le secours du premier puisqu’ils entretiennent un lourd passif dont je terrais bien entendu et une nouvelle fois la teneur. Le duo forme alors tant bien que mal un trio qu’ils ne souhaitent absolument pas voir s’éterniser.  Faire la boniche pour les crimes sordides de Clay sans espoir de voir la collaboration prendre fin sur une bonne poignée de main n’aidant pas.

Les femmes ne sont pas en reste, des sous-intrigues très intéressantes se mêlant à la grande, notamment concernant Julie, la femme de Jean et Maddy la fille de Jean. Chacune ajoutant un propos pertinent à la proposition globale de la Série. Ce sont en effet l’intégration scolaire, la frivolité adolescente ou encore la place de la femme au sein du foyer comme des responsabilités carriéristes qui seront plus qu’esquissés dans ces histoires dans l’histoire. L’occasion d’ailleurs de découvrir un Londres différent. Le Londres de Spotless a ceci de plaisant qu’il n’est pas sans tâche. C’est pour moi. Le décorum évite soigneusement les décors carte postal pour mieux incorporer un Londres intimiste mais méconnu, resplendissant mais inconnu. Je craignais à titre personnel une avalanche de plan rapproché pour masquer un tournage en dehors de Londres mais obligé de constater que l’authenticité des lieux est totale et fait naturellement plaisir à voir.

Spotless est une série faisant honneur à son nom. En soi, c’est déjà une réussite. S’inspirant des meilleurs – le générique est très Dexterisant – et puisant dans le puit sans fond du relationnel humain (c’est un compliment), Sans Tâche a même le culot de proposer un scénario de 1er ordre puisque bien malin qui anticipera comment les choses finiront. Mal, oui, certainement, mais pour qui ? Là tout est à la question. Reste alors un casting attachant,  des intrigues intéressantes, des thèmes traités sortant un tant soit peu des chemins balisés (et je suis loin de les avoir tous cités, toujours en raison de spoil). Spotless m’a vraiment surpris. Conforté primairement par mon choix d’évincer la proposition en 2015 et estomaqué par  son véritable envol dès le second épisode. Négligent, je fus. On ne m’y reprendra pas 2 fois. Spotless dans le haut du panier.

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