Très surprenant. Très, très surprenant … Que ce Bureau des Légendes. Zappé, honni, snobé lors de mon cru des Séries 2015 (déjà bien rempli), l’aube d’une Saison 2 aura eu raison de mon outrecuidance. L’outrecuidance de ne pas avoir donné sa chance après avoir pourtant pris note de la bande annonce à l’époque. Cette salope d’année 2015. Mais bon, dans la vie, il faut faire de choix. Et j’ai fait le choix d’avoir tort. Avec une bonne année de retard, je me lance dans ce Soap Opéra. Non, rien à voir ; je me projette au sein de la DGSE dans une aventure mêlant assimilation, dissimilation et dissimulation. Et un peu d’espionnage quand même. Porté par un duo Jean-Pierre Daroussin-Mathieu Kassovitz complémentaire, la fresque renseignomanèsque prend donc ses quartiers généraux au siège de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure. Ca fait tout de suite moins classe que la CIA, hein !? Allez, dites-le. Mais si les ricains avaient le monopole des acronymes, les français ont celui de la discrétion.

Il faut bien concéder que mis à part ses coups de gueules dérangeants et sa prestation dans Munich – que je n’ai découvert qu’il y a quelques mois pour tout vous dire – je ne suis que très peu au fait du pedigree de l’acteur Kassovitz. Je connais vaguement le dissident Kassovitz ou le frenchie à Hollywood Kassovitz mais pas le protagoniste principal Kassovitz. Crevons l’abcès sans tarder, le rôle lui va comme un gant. Mathieu Kassovitz incarne l’agent Paul Lefèvre – de son vrai nom Guillaume Bailly – plus connu au sein de l’organe étatique de renseignement sous le quolibet Malotru. Sans trahir de grands secrets, celui revient d’une longue mission d’infiltration de la sphère pensive de Damas où il officiait pendant 6 longues années en tant que professeur au Lycée français. Son retour au bercail auprès de son mentor Henri Duflot – incarné à l’écran par un Jean Pierre Daroussin officiant toujours dans son registre de confort – ne se fait pas sans remous puisque le clandestin – nom donné aux ressources en mission à l’étranger – qu’il était et surtout l’identité associée lui colle à la peau ; et la panoplie de mesures dissimulatrices et réflexes d’hyper vigilances qui vont avec. Le PTS des agents de retour de mission en quelque sorte.

Cette étroite frontière entre application stricte du code des clandestins une fois de retour à la maison et abus tacite de ces mêmes règles au point d’altérer le jugement de ses nouvelles fonctions au sein de la DGSE fait d’ailleurs l’objet d’un mano a mano entre Malotru et la doctoresse Balmes – campée par une Léa Drucker à propos – psychologue de son état, nouvelle recrue chargée de profiler l’état mentale/psychologique des sources identifiés par les quelques 8 clandestins actuellement en mission aux 4 coins du monde pour le compte de l’Etat français. Cette dernière doutant de l’aptitude de Malotru à gérer – et ce malgré son expertise et ses qualités inégalées au sein du service – les situations extrêmement ardues que connait actuellement le service : entre disparition et pression de la hiérarchie, le tout sur fond d’incidents diplomatiques avec le Maghreb à ma gauche et le Moyen-Orient à ma droite. Vaste programme …

Outre l’envers du décor certainement bien loin des locaux de la CIA - un décor copie-conforme du réel, notamment la nourricière – mettant en exergue un Paris des moches quartiers (pour changer, je vanne hein, ce n’est pas Haussmann mais ce n’est pas le XXIème non plus), la puissance de ce Bureau des Légendes tient en son scénario. D’apparence simple voire simpliste, le scénario s’étoffe au fur et à mesure des 10 épisodes composant cette nouvelle Création Originale. Outre les problèmes inhérents à la récupération d’une vie, d’une identité délaissée – « même si on est formé pour ça » comme le dirait Paul-Guillaume Lefèvre-Bailly – impliquant comportement précautionneux, relationnel professionnel distant, vie privée décousue, habitude à retrouver et tout le tintouin ; le Bureau des Légendes s’attaque à réaliser l’introspection du spectateur dans son monde … Un monde fait essentiellement de crises à dégonfler. Je n’évoquerais strictement rien relatif au scénario, seulement qu’il mêle habilement attachement personnel à enjeu politique, relation diplomatique à opérations noires (Black Ops °_°), coup de poker à coup de bluff. Je dirais simplement que les démêlés revêtent plusieurs couches. Comme lors d’une fouille archéologique, lorsqu’on gratte d’un côté, on découvre une nouvelle chose à gratter. Les enjeux sont multiples, certains évènements sont liés, d’autres absolument pas et démêler le vrai du faux, le rôle que joue telle partie dans cette grande valse des faux-culs n’est pour sûr, jamais vraiment figée d’avance.

Le Bureau des Légendes puise son inspiration dans le réel et jouit d’une formidable exécution. Porté par un casting de haute volée – notamment la partie sur la préparation de la mission d’infiltration auprès du projet nucléaire Iranien – comme d’un vrai souci de crédibilotenticité (nan mais cette course-poursuite en Renault Clio Williams cuvée 1994 bordel de Dieu !), le Bureau des Légendes délivre sa science comme pas deux. Le Show se payant même le luxe d’inscrire pleinement son fil narratif dans l’actualité puisque Bachar, la Syrie et les tractations parlementaires se révèlent être plus qu’esquissé au sein des bureaux du boulevard Mortier. Un dernier mot tout de même sur l’ambiance intimiste superbement servie bien aidée il faut le dire par un mixage son et une partition musicale qui reste en mémoire pour son indubitable qualité. Ne reste plus qu’à vous, chers lectrices, de sauter sur l’occasion ; ne serait-ce que pour connaitre la signification de Légende – je suppose que tout le monde sait ce qu’est un bureau … – terme absolument pas anodin pour un sous, synthétisant à lui seul la raison d’être du service. Mais finalement, avez-vous seulement, le droit d’en connaitre ?

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