Je vais être clair d’entrée de jeu. Gotham n’est pas une série qui tient la comparaison avec les habituelles séries que je mate (si vous commencez à saisir le pedigree comme l’exigence qui m’anime). Pourtant, Gotham reste une série méritante. Et cette saison 1 au départ un peu poussif (faut s’y faire à tous ces personnages) incarne finalement assez bien les bonnes intentions des créateurs de cette tentative osée d’incursion dans l’univers élargie du Batman. Commandée par Netflix, la proposition soumise à notre bon vouloir se découvre un angle inédit dans son traitement du héros masqué. En effet, il s’agit cette fois-ci de s’attaquer à l’avant-Batman. Bruce Wayne, Selina Kyle, Poison Ivy ne sont que des jeunes pousses de 14 ans tandis que Jim Gordon, Harvey Dent et Edward Nigma ne font que commencer leur carrière, eux, dans leur fringante trentaine.

Le personnage principal du show n’est à ce sujet pas Bruce puisque c’est l’inspecteur Gordon qui partage l’affiche ; seul. Les débuts sont poussifs notamment parce que le duo naissant au Gotham City Police Department apparait de prime abord complètement inintéressant tout comme la résolution des crimes qui leur sont mis sur les bras. Question construction, Gotham S1 tient sur 24 épisodes. C’est important de le souligner puisque contrairement au format mini-série qui tend à faire monter en flèche les qualités de ladite série au moyen d’une construction particulière de l’intrigue comme d’un condensé évident des évènements sur une timeline restreinte, Gotham ne peut profiter d’un format raccourci pour sous-tendre plus de punch. A ceci près qu’un épisode ne se suffit pas à lui-même comme nombre de séries de ce format. A l’instar d’un 24 (avec lequel il ne partage rien mais c’est à titre d’exemple que la citation prend sens), Gotham entretient un fil rouge tout au long de la saison. Sur fond de guerre des gangs, guerre des clans, guerre des familles, Gotham s’enfonce inexorablement dans la surenchère meurtrière où chacun souhaite décidemment jouer sa propre partition.

Chaque épisode se propose donc de suivre l’enquête et la résolution (annoncé puisqu’on voit les péripéties aussi côté malfrats) d’un crime généralement hors du commun, Gotham oblige. A titre d’exemple, une série de meurtres par Montgolfière, je vous laisse imaginer le degré de sordide atteint pour le reste. Autant, la résolution de l’affaire de l’épisode ne laisse que peu de place à une issue non heureuse, autant, les cas ont le mérite de sortir de l’ordinaire. Cette partie-là d’un épisode sert à mon sens à décupler et dépeindre le caractère unique de ce personnage à part entière qu’est Gotham. Non, il ne s’agit pas d’une ville réelle - pourtant les plans proviennent de la Big Apple ; ce qui est juste puisque NY fut surnommé Gotham à partir du XIXème siècle - mais bien de la Gotham névrosée que nous connaissons tous. Bien évidemment, les intrigues policières n’incarnent que d’excellents prétextes pour développer l’antagonisme entre les différents protagonistes composant la sphère d’influence de Gotham.

Parce que côté relationnel ambigu pour ne pas dire toxique entre certains, il y a de quoi faire. Jim Gordon incarne rapidement le chevalier blanc de Gotham, celui qui mettra fin au souk ambient de la ville. Son partenaire, Harvey Bullock, est bien plus terre à terre et pas utopique pour un sou, il n’y a rien à tirer de cette ville. Et il faut combiner pour résister au temps. La ville est en proie à un fragile partage du contrôle des quartiers et donc du trafic en tout genre. Don Maroni et Carmine Falcone ont la main mise sur Gotham. Fish Mooney, personnage introduit par la production au sein du Batmanverse, lieutenante aux ambitions maladroitement dissimulées de Falcone mène la fronde silencieuse afin de se tailler l’immense part du gâteau qu’elle s’estime de droit de clamer. Globalement les enquêtes policières sur les crimes sordides n’ont rien à voir avec les manigances qui se trament en haut-lieu, une distinction claire étant en place entre les méthodes et coups d’éclats employés de part et d’autres des 2 types de crime.

Les jeux de faux-semblants sont légions et c’est là qu’intervient mon personnage préféré de toute cette première saison : le Pingouin. Ah mon sens, le personnage le plus dingue et le plus grisant du show. Oswald Cobblepot n’est qu’un porte-parapluie pour Fish Mooney à l’origine. Mais les circonstances vont le voir monté sur l’échelle du crime pour finir par devenir directement l’un des 2 seconds et hommes de confiance de Fish. Toute la malice et l’esprit vif du Pingouin (bien caché par ces faux-airs de type simplet) prenant corps dès les galons âprement engrangés. Oswald est dingue mais pas un dingue roue libre, non, un dingue maîtrisé. Typiquement, Cobblepot est celui qui tire les ficelles sans même bouger les mains, toujours un plan et plusieurs coups d’avance, le Pingouin avance masqué et pourtant, on distingue très clairement son visage ! L’interprète du vilain – Robin Taylor - a autant la tête de l’emploi que le talent très déconcertant – mettant vraiment le sourire aux lèvres - à même de remplir à merveille l’ample rôle du marcheur. Le vice étant poussé jusqu’à introduire chacune des apparitions de l’Icewalker par la même partition sonore qui lui va bien.

Grande force du show, le relationnel entre toutes ces fortes têtes constitue la clé de voute de l’expérience Gotham et détermine in fine votre propension à apprécier l’exploitation de la licence sous les latitudes du format série. Il y aurait effectivement à redire sur certains points, notamment les enquêtes certes loufoques mais aux intérêts légers. Il serait en revanche présomptueux de limiter l’intérêt de la série à son caractère strictement policier. Qu’il s’agisse de visionner les films ou de jouer aux jeux traitant de près comme de loin des aventures du Batman, l’intérêt tient de toute façon clairement à la personnalité et psychologie propre des héros, anti-héros ou vilains plus qu’à une quelconque issue dramatique. Et sur ce point, difficile de mettre en défaut ce Gotham. Tout juste pestera-t-on devant le traitement léger de certains personnages, en espérant que ceux-ci prendront leur envol lors de prochaines saisons. N’est-ce pas Dent.

 

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