La grosse exclusivité Sony Uncharted4, 18ème jeu et 8ème nouvelle licence du très amer(icain) studio Chien Méchant sort dans 2 jours. L'occasion de revenir ensemble sur la Masterclass du français le plus célèbre après Karim Benzema : Christophe Balestra bien sûr ! Ayant pris les rênes du studio peu après son arrivée au sein du porteur studio californien, notre Cricri national s'est rapidement installé au Hit-Parade des français ayant connu le plus de succès à l'étranger après Edith Piaf et Bernard Henry-levy, rien que ça ! Un personnage haut en couleur qui ne mache pas ses mots et qui j'en suis sûr vous entrainera sur les chemins vertueux de la PS4 et de son dernier trésor : Inexploré IV : la fin d'un voleur. Projecteur, action !  

Fuck Yeah.


La Masterclass de Christophe Balestra a eu lieu en 2013, peu avant la sortie de ce qui est pour beaucoup considéré comme un jalon important du jeu vidéo : TheLastofUs, la hype, tout ça ... Une masterclass à laquelle je n'ai pas assisté puisque je n'étais pas au courant du concept à l'époque, ayant découvert la chose seulement 1 an après. J'ai donc pu me rattraper via l'enregistrement vidéo et je ne vais pas me priver de relater ici en long, en large mais surtout de travers de quoi il en a retourné parce que Naughty Dog quoi ... Le studio qu'on ne présente plus, le modèle à atteindre pour tout un pan de l'industrie, pas tant dans l'orientation choisie (blockbuster narratif) mais plus dans la façon de faire et la philosophie qui ne laisse rien au hasard. Une leçon pour beaucoup, une inspiration surtout. Evangile selon Neves, c'est parti.

A titre personnel, j'ai joué à Crash Bandicoot 3 : Warped. A l'époque où je prenais un malin plaisir à ne pas finir mes jeux. J'ai joué une fois à Crash Team Racing en mode rétrogaming lors de la troisième mi-temps après la défaite en demi face aux anglais au Mondial de l'Ovalie de 2007. Et je n'ai joué pour l'instant qu'à Uncharted Drake's Fortune et Inexploré 2 : Parmi les Voleurs. Que je ne trouve pas plus bons, pas moins bons que le premier. Enfin, ça c'est mon avis. Et il vaut naturellement bien plus que le vôtre. Je n'ai donc pas tâté Jak&Daxter et donc pas l'après U2 (Uncharted 2 hein, pas les danseuses irlandaises). Mais j'ai la trilogie qui traine quelque part dans un placard, attendant son tour. Ca me semblait important d'étayer mon passif parce que je suis - on va dire - fan sans vraiment l'être de Naughty Dog. Pas que j'aime pas les chiens - j'ai regardé les 101 dalmatiens comme tout le monde - mais pour une fois, je suis la masse, je fais mon mouton. Je n'ai pas forcément été époustouflé par Crash qui reste un titre bourré de bonnes idées (je lui préfère Ape Escape). Mais effectivement, depuis Uncharted, je regarde d'un autre oeil les titres que je ne pensais que Cartoon et simpatoches mais pas forcément cultes, des très bons jeux quoi. Quoi qu'il en soit, commençons ...

Comme je n'y étais pas, les screens YT sont dégueulasses O_o

Mais rassurez-vous, il n'en y a que 44.

Parfois les images sont incommentables, elles parlent d'elles-mêmes.

Enfance classique, le petit Christophe ne travaillait pas trop mal à l'école. Ce, malgré un divorce de ses parents pour fêter son 7,5ème anniversaire. Que d'attention. Mais on n'est pas là pour juger. Et on divorce même avant de se marrier de nos jours. Question d'époque. Les temps changent. Le jeune Christophe s'amuse comme ses camarades avec le meilleur sport qui soit - le plus simple et aux règles les plus facilement assimilables - : le foot. Il est gardien. Oui, comme ce cher Oliver Khan. Mais il joue aussi au LEGO pour ne pas mettre les danois en rogne. Enfin, il s'amuse à faire du B-cross et acquiert même la réputation de bricolo-bidouilleur du coin. Il grandit donc à Draveil (Essone, Paris Sud-Est) et déménage à Montgeron avec son père, ville dans laquelle il fréquente le Lycée. ('fin, surtout les lycéennes, hein.)

Christophe Balestra aurait pu devenir vendeur de voitures. La preuve ? Il revend ses LEGO pour acquérir son B-Cross et revend quelques temps plus tard son B-Cross pour glaner sa première console de jeu : l'Atari ST. Il s'est mis à jouer mais s'est assez vite lassé et l'a délaissée pour se laisser aller à la programmation. Oui, je slamme de temps à autre. Quand l'envie me prend. Plus intéressé par les bytes que les sprites, le jeune padawan Balestra fait une rencontre déterminante à l'aube de ses quinze printemps. Il écrit en assembleur (???) pour des démos (la scène démo) à l'époque, plus que pour des jeux vidéos. Pour l'anecdote, ce cher adolescent préférait réaliser des petits programmes d'entrenaiment cérébraux du Kawashilestra sur sa calculatrice plutôt que d'écouter en cours de Physique. Bien lui en a pris ! J'ai toujours dit que l'école, c'était surfait !

Il rencontre Alex Hellic dans ce genre d'évènements. Ils créent ensemble le groupe Diamon Design. Il ne s'agit pas d'un studio de développement de jeu vidéo mais bien d'un collectif de démodeur. Pour rappel, la scène démo ou demoscène consiste en une sorte de Game Jam mais dont le principe consiste à créer quelque chose d'artistique à partir d'un programmateur informatique : coding party. Bien souvent, cela nécessite des astuces de programmation pour parvenir à ses soins en si peu de temps imparti pour produire quelque chose. Des conditions propices à être créatif dans le sens débrouillard du terme. Ils rencontrent ensuite Oxygene. Balestra apprécie ses échangent avec des non développeurs comme lui : des graphistes, des musiciens. Outre les rencontres, le bénéfice qu'il retire de cette expérience se matérialise en cette notion de délai, de management et de livrable. Une très bonne école pour se former à l'essence d'un projet selon lui.

Son pseudo au sein d'Oxygène - qu'il a donc rejoint - était Ocbad. Sobriquet qu'il trouve ringard après-coup. Naturel. Il est important pour saisir de quoi il en retourne que je cite : " la 3D avec du gouro et autant de couleurs étaient un exploit en soi à l'époque". Ou encore, qu'il fallait par exemple tracer les lignes des triangles une à une. Des questions centrales émergeaient comme trouver un subterfuge tromple-oeil afin de simuler la rotation de la caméra alors que : que dalle en fait ! Le Rotozoom, ça s'appelle, parait-il ... Bref, pas mal d'optimisation de ressource et de trouvailles, la formation par l'impossible. Un élément central dans la suite de la carrière (qui n'avait d'ailleurs pas commencé comme il le rappelle) de notre Totof.

A droite, on remarque Nicolas Simon, producteur sur Remember Me.

Alex Hellic était un des artistes au sein du collectif.

Bref, une fois bien lessivée de la démo, Christophe Balestra, Nico et Alex fondent leur studio de développement de jeu vidéo. Rayland Interactive est créé en 1996. A noter qu'il emménage avec sa femme Chrystelle au même moment et que bien évidemment le salon se transforme en bureaux seulement 3 mois après le début de la vie commune. Pour le meilleur comme pour le pire, comme on dit. Bon, elle a quand même fini par les jeter au bout d'un moment. Prévisible. Quoi qu'ils en soient, malgré ce témoignage sans équivoque, ils ont la motivation même sans disposer de grands moyens. Christophe est le seul programmeur du groupe de 6. Il s'occupe en conséquence d'un bon paquet de parties du jeu : les outils, la physique, le moteur (on parle d'un 6 cylindres en ligne), la 3D, le son, l'IA. Les autres mangeaient des pizzas pendant ce temps. Cela lui a permis de toucher à tout même si ce fut difficile niveau sommeil de faire le boulot de 10 personnes en moitié moins de temps. Mais cela reste toujours l'occasion - à l'image de la demoscene - d'engranger de l'expérience, des acquis, des compétences, des bonnes pratiques et d'identifier/répertorier les mauvaises. Et de sortir quelque chose de tout ça. Le livrable. Conclure. Très important.

Madtrax, c'est son nom, est un jeu de course. Il tourne sur une carte 3D FX. Le studio enchaine sur un second jeu pour le compte de Red Storm : Bang Gunship Edit, un shooter spatial. Bon, à la base, le jeu ne devait pas s'appeler comme ça mais l'éditeur l'a changé. Et c'est vrai que c'est moche et que ça ne ressemble à rien. Il est aidé côté programmation par un autre développeur, une première pour lui. L'équipe déménage à Bercy (Macron, encore déjà lui !?) à l'occasion de ce second projet, un privilège à une époque où nombre de studios font banqueroute suite au passage à la troisième dimension. Le jeu sort sur PC et se verra porté sur la meilleure console de l'histoire : la Dreamcast. Le studio ferme ses portes d'un commun accord entre les cofondateurs et l'équipe afin de ne pas s'aventurer dans une nouvelle aventure qui les dépasseraient, le spectre de la dette puis le coup de fusil sous le menton étant en vogue à l'époque. Comme aujourd'hui malheureusement.

Reyland ferme. Voilà Christophe à Toulouse - la ville rose - , au chevet (vous allez comprendre) d'une succursale de Bits Studios, boite de chaussure anglaise. Son 1er jour est un Lundi. Le Mercredi suivant, le Big Boss (pas Snake) arrive d'Angleterre pour qu'on lui présente le jeu en cours de gestation. Le jeu est pitché à The Boss et ce dernier lui demande à lui présent dans la salle mais qu'il ne connait pas ce qu'il en pense de son oeil neuf de petit nouveau. Deux options s'offrent à lui : soit, jouer les faux-culs. Soit la jouer bulldozer. Va pour la deuxième option ! En l'occurrence, il trouve le jeu trop ambitieux par rapport aux moyens dont dispose le studio et les délais impartis. Forcément, ce discours jette un froid dans l'assemblée, ambiance : "c'est qui ce con !?". Le boss de la filiale - appelons le Mr X - s'entretient alors avec le patron qui lui signifie qu'il est venu fermer le studio. Sic. Mr X est viré. D'autres types aussi. Et il veut parler à Balestra. Viré au bout de 2 jours et il rentrerait pour sûr dans le Word Guiness Record.

Non, en fait, c'est pour lui proposer les rennes du traineau. Pas mal, l'ascension en 2 jours. Balestra n'est pas con. Il accepte l'offre. Il reprend un studio passablement en décrépitude attelé à l'époque sur un jeu de Dartagnan. Me demandez pas à moi ce que c'est, je n'en ai aucune idée. A la tête du studio, il ressent mal le fait que les gens prennent les évènements personnellement et laissent un peu tomber l'affaire. Cela constitue indéniablement un précédent pour Christophe. La France, c'est quand même de la grosse merde. Or comme la France, tu l'aimes ou tu la quitte ... Il la quitte. Je grossis le trait mais c'est à quelques encablures comme cela que ça s'est passé. Au bout de 6 mois de travail acharné, le boss revient pour mettre la clé sous la porte. Trop de taxes à payer en France. Intenable ce gouvernement de gauche. De droite. Je sais plus. Faut dire quoi quand le président et le PM ne sont pas du même bord, aidez-moi ! The Big Boss lui propose de venir avec lui à Londres. Il n'a que 26 ans.

Sauf que Tof' a d'autres plans en tête. Il est en pleine période Jak&Daxtermania. Comme quoi, il joue ! Il arpente le site web des dogs et se shoot aux making-offs. En un mot comme en sang, il veut gratter pour eux. Il demande à sa femme qui allaite son fils de 2 ans et demi s'il peut envoyer son Ciruculum Vitae aux Californiens sans savoir que le studio crèche sous les palmiers et parmi les agrumes. Tout juste sait-il que ce n'est pas en France mais dans l'un des territoires contrôlés par l'Empire Britannique. Elle accepte. Il envoie. C'est le premier CV qu'il écrit. Il reçoit une réponse pas plus tard que le lendemain. Didier Malenfant - sacré nom ! - et accessoirement cofondateur de ReadyAtDawn après son aventure Naughty Dog - le capte par GSM. Heureusement, puisqu'il galère en anglais. L'entretien téléphonique se passe bien. Et pour cause, les questions techniques trouvent peu ou prou toutes leurs réponses dans les défis que la demoscene et la création de start-ups lui a posé. Formateur, on vous disait ! Il convole aux US pour un entretien physique (ça fait cher l'entretien). Il a le job.

Sa femme accepte le changement brutal de vie. L'amour. Certainement. Probablement. Ca doit être ça. Bon, en même temps, les transats sur Santa Monica, y a pire comme perspectives, qu'on soit bien clair. Il rentre au studio en tant que programmeur. Il doit alors composer avec un langage de programmation qui n'existe qu'au sein du studio américain. Il apprend de leur méthode, de l'environnement forcément différent de ce qu'il a connu jusque lors et des gens in fine. Il est en charge de la programmation du gameplay sur Jak2. Très vite, il se fait remarquer comme le premier à avoir su pleinement exploiter les outils à sa disposition en si peu de temps. Chris se fait sa réputation, bien aidée par la démo qui lui permet de s'adapter à n'importe quel autre langage. Sauf l'anglais. Je trolle même pas puisqu'il confesse répéter systématiquement ce qu'il souhaite dire dans sa tête avant de pouvoir élocuter. M'enfin, même difficilement, l'anglais finit par rentrer et ne plus faire obstacle. La communication, très important. Pourquoi je me mets à parler comme Yoda !?

Balestra apprécie la vie américaine. Il apprécie vertement la qualité des gens qu'il cotoie au boulot. L'ambiance comme l'humeur générale le sied. Apparemment, les mentalités changent avec la France. D'autant plus que la dynamique d'équipe est très importante à ses yeux. Il croit beaucoup aux vertus du Team Spirit. L'implication et la performance stimule les collaborateurs les uns les autres. L'appropriation du projet est totale. Définitivement, les US sont fait pour Balestra. A moins que ce ne soit Balestra qui soit faits pour les US ... Par rapport au quotidien, il est en cloque avec les cofondateurs Jason Rubin et Andy Gavin. Pas dégueulasse pour le type là depuis 6 mois. Jason Rubin incarne plutôt le rôle de la superstar, l'autorité qu'on vénère à chaque passage dans le couloir. Bon, ok, il s'agit potentiellement d'une extrapolation un brin éxagéré. Andy Gavin, lui, est bien plus discret. Balestra est plus proche de lui puisque c'est un programmeur comme lui. Il le respecte énormément assurant qu'il s'agit de l'une des personnes les plus intelligentes qu'il ait eu l'occasion de connaitre. La preuve. Il a mis 20 minutes à faire le tour de sa maison. A part ça, Balestra est le premier à avoir dit NON à celui auquel on ne dit pas non : Jason Rubin. A partir de ce moment-là, il ne pouvait plus rien lui arriver. A chaque fois qu'il accédait à une autre partie d'un open space, ses collègues l'accueillaient avec des "Noooo !" railleurs. Balestra a une autre façon de travailler et est parvenu à l'imposer aux grands pontes. A défaut de faire sa diva, il aura fait sa Rockstar.

Comme vous le savez, les 2 cofondateurs ont quitté la boite une fois le million atteint et la période Cartoon entérinée. En 2004. Ils ne reviennent jamais au studio puisqu'ils sont à la retraite. De son côté, Chris Balestra est passé de programmeur à lead programer, l'échelon du dessus. Puis a gravi une marche de plus à l'occasion du développement de Jak X, le second jeu de karting après Crash Team Racing en 1999 : il est programming director. Lorsque les 2 co-fondateurs et co-présidents du studio décident de partir, l'intérim est assuré par Mr Y qui a abandonné le poste. Le job est alors offert sur un plateau d'argent à Balestra qui relève le challenge de la co-présidence avec Evan Wells. Les 2 complices ont su amené un élan nouveau, une manière nouvelle de procéder, tout en conservant ce qui fonctionnait vraiment bien sous l'ancien régime. Avec le recul, Christophe concède avoir pris des décisions sans trop réfléchir (contre-productif) tout en restant eux-mêmes, des types qui ont la tête sur les épaules. En dehors des soirées. Rien à voir, mais pour la petite anecdote, Naughty Dog vient de Osaris qui était un chien (une chienne ?). Le chien de Balestra s'appelle Trompette tandis qu'Evan a aussi un chien. Ouf, la tradition est sauvée !

Le développement d'Inexploré : le Trésor de Drake est chaotique. Un vrai bordel. A la base, Sony - qui lançait sa PSP au moment où ND en finissait avec Jak - avait demandé à Chien Méchant de bosser sur un titre de la licence à l'intention de la console portable. En plus du nouveau titre à paraitre sur PS3. Seulement, comme les choses ne se passent jamais comme prévu, le projet va mal et les gens perdent confiance jusque dans leur direction. Le projet s'englue de glue. Si c'est possible. Hécatombe ! A l'époque, une personne par semaine en moyenne quitte le studio ! Sans doute effrayé que les piliers de la boite aient foutu le camp et que les perspectives s'assombrissent. Ayant pris la présidence, en partenariat avec Evan, Christophe décide d'arrêter le projet PSP pour rapatrier les ressources sur le projet qui compte vraiment pour l'avenir de la boîte.

Les débuts de présidence semblent manifestement douloureux. Balestra n'apprécie pas la façon qu'ont les nouveaux employés dépéchés pour remplacer les anciens de dénaturer les méthodes de travail à leur arrivée. Il s'enferme alors pendant 2 semaines dans son bureau afin de réécrire tous les outils dans le but de redonner confiance et un cap à des artistes apparemment complètement paumés. Christophe apprend à prendre des décisions à ce moment-là. Des choix couperets, pas forcément les meilleurs mais ceux qui permettent d'avancer, d'aller de l'avant. Il s'estime d'ailleurs s'être forgé un caractère à travers cette épreuve-là. Parce qu'Uncharted ne s'est finalement fait qu'en un an de production, une fois les énormes problèmes résolus : la technique, le feeling manette en mains. Bref, Christophe Balestra a musclé son jeu comme dirait un certain entraineur de foot et a un peu sorti le studio de la merde dans laquelle il était par l'audace - qui comme dirait le proverbe - sourit aux audacieux. Fallait la trouver celle-là ...

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, ND n'a pas été sommé de pondre une oeuvre moins cartoon et plus adulte (toute proportion gardée, 'fin vous comprenez, adulte ne veut pas dire pleurnichard). Non, ND a simplement été fortement recommandé d'engager la suite de l'aventure sur un chemin plutôt qu'un autre. De toute façon, comme le concède lui-même le co-président du studio : "Sony savent très bien que nous, Naughty Dog, il ne faut pas nous faire chier !". On les croit. Non, le passage du témoin s'est fait à l'initiative du studio qui souhaitait créer autre chose après 10 ans à donner dans le plateformer bon enfant. Le CPU de la PS3 a permis de lier concrètement les ambitions du studio. La formidable puissance de la PS3 étant capable de diriger des satellites depuis l'au-delà (rappelons-le !) à en croire son géniteur, Ken Kutagari. Le jeu a été présenté à Phil Harrison (prédécesseur de Shuhei Yoshida et ancien de Microsoft Studios) sous le titre "Dude Raider". Lorsque le nom d'Uncharted fut pressenti, ce dernier à apposer son VETO dans la mesure où il signifie "pas assez bon pour figurer dans les chartz" en Angleterre. On sait tous sous quel nom Uncharted est sorti. "Une petite pensée pour ceux qui ont quitté le studio en pensant que rien ne ressortirait du projet Uncharted". C'est entre guillemet. Ce n'est pas de moi.

Puis vint Uncharted 2. Les ambitions pour ce second opus tiennent aux points suivants : spectaculaire, rythme vallonné de hauts et de bas, la narration par le gameplay et ajouter ce qui n'a pas pu être réalisé lors du 1er. Le jeu a ce quelque chose de spécial que contrairement à son prédécesseur, tout s'est goupillé admirablement bien. La réception est formidable, le moteur optimisé par rapport à l'itération utilisée pour créer la licence fait des merveilles, le CPU de la PS3 est miraculeux (ndlr, ils l'ont prouvés). Les récompenses deviennent gênantes à recevoir. 10 ICE Awards à Vegas suivi d'une bonne Skins Party pour fêter ça comme il se doit. Même si comme toujours, la plus belle récompense fut celle décernée lorsque toute l'équipe était présente pour la recevoir à l'occasion de la Games Developper Conference.

Inexploré 2 : Parmi les voleurs est parti de cette photo. En fait, le studio cherchait pour la suite des aventures de Drake à s'appuyer sur des environnements naturels mais exagérés par rapport à la réalité, retrouver du Tintin quelque part. Sauf que la réalité rattrape souvent la fiction et que la civilisation en symbiose avec la nature existait déjà. Le monastère de Taktsang existe bel et bien. Le sujet est trouvé. Ce sera sur les traces de Marco Polo et du mythe de Shambala et la pierre de Shinatamani que les aventuriers en devenir se mettront. La charte esthétique d'Uncharted se veut chaude, jolie, vive. Ils ont à ce titre réussit à trouver leur voie de ce côté-là après un très vert (la jungle) et gris (la pierre) Drake's Fortune mettant aux prises le joueur sur le chemin menant à l'Eldorado. Cette prise de conscience artistique a d'autant plus profité à l'ensemble du projet que la stimulation des autres corps de métier parties prenantes montait sévèrement dans les tours. Une sorte d'émulation bénéfique à tous. Saisissant lorsqu'on se souvient de la gestation du premier épisode d'Inexploré.

La pré-prod d'Uncharted 2 est plutôt courte. La démarche de management de projet du studio se base sur des post-its comme vous pouvez le voir. Appelez-là MACRO, cette méthode consiste à écrire n'importe quoi sur des post-its de couleur différente et de les coller n'importe où, puis prétendre en Masterclass que tout cela a un sens. Même caché. Cela permet d'anticiper comment le jeu se fera. Ca me fait penser que j'ai déjà utilisé le procédé. Mais bon, rien ne vaut un bon vieux GANTT puisque l'outil est la suite naturelle du procédé pour assurer un meilleur suivi des jalons, livrables, taches et ressources. Globalement, ND élabore la structure de niveau de son jeu en fonction des émotions qu'il souhaite faire passer, quelle rythme, quelle cadence, quel sentiment. Typiquement, en fonction de l'état dans lequel se retrouve Drake (blessé, hagard, blasé, enjoué), le décor/l'environnement X sera ou ne sera pas. Voilà. Le Gamedesign est donc construit à partir de post-its, maintenant vous savez.

La scène du train fut la plus longue à réaliser puisqu'il s'agit de l'une des premières scènes commencées et l'une des dernières achevées. Elle comporte 55 wagons. Les joueurs ne le savent pas mais tout n'est qu'illusion ! On tourne en réalité dans une loop et une fois celle-ci finit, le train avance vraiment pour passer à d'autres décors. Pour les allergiques, pas mal de Motion Blur a été nécessaire pour simuler le mouvement des ennemis sur les côtés du train. La scène de l'immeuble a bénéficié des quelques artéfacts consentis pour cette fameuse scène du train. 'fin fameuse, pour moi, la seule scène du train du jeu, c'est le train suspendu ... M'enfin bon.

A l'époque, 80-90 personnes bossent à temps plein chez Naughty Dog. Ca semble peu mais c'est déjà beaucoup. Même si pas assez. Le studio est tout de même aidé par des ressources basées à San Diego bossant sur la partie animation du jeu. Une partie des éléments les plus basiques comme la conception de mobilier est réalisé en Outsourcing en Chine et Thailande. Bien évidemment, il y a les play-testeurs mais ça ne compte pas. Le studio reste très transversal. On aime pas les grandes réunions chez ND. On préfère se déplacer personnellement de bureau en bureau pour des têtes à têtes entre les personnes strictement concernées. L'organisation est assez classique pourtant même si à plat : en haut, lui et Evan en tant que pres', puis les Directeurs, viennent ensuite les Leads et enfin les moins que rien. Ce qui n'empêche pas de jouer les sous-fifres à ses heures perdues lorsque le besoin s'en fait sentir. Balestra estimant que demander des sacrifices à son équipe sans en opérer lui-même est impensable.

Evan Wells vient du design quand, lui, vient de la technique, la programmation. Leur mode de fonctionnement est simple. Ils prennent les décisions ensemble en pesant le pour et le contre, ne se fâchent jamais, donne le bon exemple au cas où des enfants se promèneraient dans les locaux. Le parfait petit couple. Dommage qu'ils soient respectivement mariés. Le crédo est simple : si, eux s'entendent, alors quelles raisons auraient l'équipe pour ne pas s'entendre !? Simple comme aurevoir ! Balestra estime que leur collaboration a amené un nouveau souffle nécessaire au studio. Les têtes changent, le studio survit. Ils ont donc réussi à marier l'esprit de l'ancien ND, celui de Gavin/Rubin à leur propre vision de la gestion des évènements. Balestra se chargeant d'assurer aux nouveaux venus qu'ils ne travaillent pas pour lui, mais avec lui.

La gestion des équipes à ND est tout sauf tyrannique. La volonté est de stimuler la créativité et de responsabiliser les équipes. Comme l'explique, Balestra, les employés n'ont pas une caméra braquée sur eux inspectant chaque minute passée au bureau. La confiance des uns envers les autres et des autres envers les uns est la clé de voute de la réussite de l'entreprise collective. Le but n'est donc pas de fixer des horaires même si la tentation est grande d'imposer le 8h-00h, jeu vidéo oblige. Chacun gère son affaire et l'idée tient plus à la motivation personnelle des collaborateurs dans leur petit projet partie intégrante du grand projet : le jeu. Il faut donc qu'ils se sentent investi dans un projet qui leur appartient. Maintenant, on le sait tous, bosser dans une boite de JV, c'est des Samedi, des Dimanche, des soirées à la trappe à dessiner, coder, faire des paniers de baskets avec une énième esquisse foirée ... Bref, chacun prend les HS qu'il pense nécessaire, de toute façon il n'en verrait jamais la couleur du dollar. La responsabilisation de chacun plutôt que l'autorité.

Pour Christophe Balestra, la séquence qui représente le mieux le jeu est celle de l'immeuble au Népal qui se fait défoncer la gueule par un hélicoptère, tout ça vu de l'intérieur naturellement. En fait, celle-ci fut montrée lors de l'E3 2009 et a constitué le coup de boost nécessaire pour finir le projet pour la fin de cette même année. La réception fut phénoménale, les gens l'arrêtant tous les 10 mètres pour lui montrer au combien ils avaient été époustouflés par ce qu'ils avaient vu. A ce moment, l'équipe a vraiment su qu'il tenait quelque chose de vraiment spécial. Uncharted 2 devenait avant même sa sortie un titre sortant de la masse, du lot. Quant à la séquence, elle affiche les ambitions techniques, narratives, rythmiques, détaillesques aussi avec des textures qui ne s'affichaient même pas la veille à 3 heures du mat' et dans le code de Balestra en plus, merci patron ! In fine, une tonne de souvenirs marquants qui auront permis à l'équipe comme à Christophe de filer le dernier coup de collier nécessaire pour fournir le GOTY de l'année.

Le contrecoup à ce bonheur intense de finir un jeu marquant ? Se remettre au boulot sans prendre 6 mois de vacances. La motivation est difficile est à trouver et on peut le comprendre tellement il est aisé de rester dans sa bulle d'extase à scruter encore et encore les réactions enjouées dans toutes les langues sur les forums. La situation a d'ailleurs un brin saoulé notre interviewee qui a fini par remobiliser tout le monde. De son propre aveu, Uncharted 3 : Drake's Deception fut une libération, une belle aventure, chaque niveau constituant un cas spécial. Le challenge technique étant une nouvelle fois au rendez-vous. Les acteurs quant à eux se sentaient encore plus à l'aise après 2 épisodes à appréhender/accaparer leur personnage. L'autre accomplissement inhérent à cet épisode de la maturité se matérialise au multi qui avait fait son entrée pour le second et qui s'est naturellement vu affublé de nouveauté. Un mode compétitif dont est fier Christophe même si celui-ci ne tient pas la comparaison avec ceux plus joués comme CoD. Il reste d'ailleurs toujours autant bluffé par le gimmick voyant plusieurs Drake s'affronter sur la même arène ! Qui est qui ! En somme, l'Illusion de Drake a permis au studio de faire tout ce qu'il n'avait pas pu faire sur les précédents. Quitte à en faire trop ? Je jugerais par moi-même later this year si les planètes sont alignées.

Première "surprise" de la soirée en provenance du prédécesseur. Bon, Balestra se remet toujours en question vis à vis des prouesses techniques puisque le jeu vidéo vieillit de tout façon inexorablement mal. Il a tendance à trouver une avancée foupoudav donc ça le fait grandement relativiser l'exploit. Il a donc du mal à rester en extase sur son boulot trop longtemps. Quoi que ça ne l'empêche d'avoir la tentation maladive de sans cesse repousser les limites. Les collègues jouent d'ailleurs un rôle important sur le sujet puisque c'est notamment cet esprit d'excellence qui pousse chacun à faire toujours mieux, en tout cas à chercher à. Ce qui à l'image des comportements induits par une coding party de Demoscene pousse à dénicher de nouveaux subterfuges, idées, innovations. Reste qu'il ne s'agit pas de sortir popol et de prendre la règle entre mâle fort en gueule, la démo technique ne sert à rien à ses yeux. Faire des trucs hors contexte jeu n'a aucun intérêt. David Cage appréciera. J'en suis sûr.

Question character design, une large part de la personnalité de Nate vient de celui qui lui prête ses traits : Nolan North. Les scénaristes et réalisateurs laissent pas mal de place à l'impro' soit dit en passant. Ceci est rendu possible par la façon de travailler du studio avec les acteurs. Ceux-ci prenant à corps le projet de par l'implication longue durée qu'ils en ont. Nolan North se pointant même au studio alors qu'il n'a rien à y faire ! Le type vient juste pour voir comment ça évolue ! Le professionnalisme ou la passion à l'état pur ! En effet, les acteurs tournent pendant 1 an au côté de ND et sont donc présents pour suivre pas à pas la construction du personnage et des péripéties. Contrairement à l'essentiel des jeux de l'époque qui s'attache les services des acteurs pour 2 semaines (faut avoir les moyens de les payer et la possibilité de les bloquer ou en tout cas les faire venir au lieu de shoot facilement, il faut dire ...), rien n'est trop beau pour ND. Les acteurs ont donc loisir de customiser leur intervention tant que cela reste naturel et que ça colle au script.

Quel défi après la trilogie Uncharted ? Neil Druckman et Bruce Wayne (!!! + ???) les ont approché, lui et Evan une fois le dev' de U2 réalisé puisqu'il était acquis que le studio n'allait non plus tourné à une équipe mais deux. Le souhait a rapidement convolé du côté du jeu plus mature, du jeu au sujet adulte et donc 18+. Mais pas que. L'idée centrale comme vous le savez est de s'attacher à la relation psychologique entre personnages. Situation plus qu'esquissée lors du fameux stage du village tibétain d'Inexploré 2 où Drake très mal en point se ressource aux côtés de Tetzin, valeureux villageois avec qui il ne peut communiquer efficacement, divergence de langage oblige. Le point de départ se confine au documentaire de la BBC esquissant un monde en proie à un virus mutagène pour l'homme et les répercussions qu'il aurait sur le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui.

La Direction Artistique est comme vous le savez étoffée, l'idée de départ fut de saisir le contraste entre la menace et la tension constante dans un environnement à couper le souffle, littéralement resplendissant de beauté, où la nature reprend ce qui lui est de droit. L'accent est ainsi porté sur le relationnel fort qui existe entre Joel et Ellie. Joel, contrebandier de son état ayant connu le monde avant qu'il ne tourne si mal et logiquement affichant un pessimisme à toute épreuve - pas étonnant quand on a tout perdu. Situation contrebalançant nettement avec Ellie, jeune pousse qui a grandi dans une zone de confinement et qui n'a pas connu l'ancien monde. Forcément, sortir de la zone de Quarantaine lui procure le plaisir immense de la découverte de toutes ces choses banales pour Joel tel un disque de musique par exemple. The Last of Us est un voyage à travers les Etats-Unis, mon petit doigt me dit que ça aussi, vous le savez.

Très différent par rapport à Uncharted, TheLastofUs l'est. Le jeu est axé survie, système servi par la présence d'objets précieux à ne pas gâcher tout au long de l'aventure. A ce titre, le leitmotiv du studio pour cette production fut "One Bullet, one life", effectivement, on est très loin du TPS Uncharted. L'alternance entre moment paisible et moment plus poignant tranche avec l'aspect Roller-coaster qu'emprunte Uncharted, clairement, le studio souhaite faire du Dernier d'entre nous un jeu où on prend son temps, où on se laisse vivre entre 2 bestioles qui veulent nous déguster. Le développement s'est terminé 1 semaine avant la Masterclass et Balestra trouve assez fou le fait d'avoir réussi à sortir 4 jeux sur la PS3 surtout quand on sait comment la génération a démarré difficilement pour eux. Peut-être bien le seul studio à avoir réussi le tour de force d'ailleurs.

The Last of Us est aussi reconnu pour sa formidable bande son signé Gustavo Santa Olala, compositeur argentin ayant oeuvré sur les films Le Secret de Brokeback Mountain et Babibel notamment. La collaboration avec l'artiste de talent s'est faite assez naturellement, une fois le jeu pitché, il a tout de suite accepté l'offre. La rencontre a eu lieu en 2011 et il n'avait jamais composé pour un jeu auparavant. L'épreuve a donc été réussie haut la main dans la mesure où Gustavo a complètement saisi les émotions que souhaitaient véhiculer le studio à travers l'épopée de Joel et Ellie. Les thèmes sont effectivement évocateurs, on peut dire que l'argentin a compris le jeu rendant non pas peu fier le développeur français.

Dernière surprise de la soirée, une petite question de cet enfoiré de Ru Weerasuriya qui comme vous le voyez par vous-même n'a pas la décence de s'extirper du cadre idyllique Californien pour poser son entremise. La question ? Quelle a été le plus gros succès et le plus cuisant échec du frenchman ? Balestra de préciser qu'il adore Ru qu'il trouve vraiment exceptionnel dans le milieu et qu'il sait sur quoi bosse le suisse mais qu'il ne le dira pas (The Order 1886). Pour la première partie de la question, la réponse est assez aisée pour Christophe Balestra puisqu'elle tient en 3 mots : l'équipe. Il est ravi de constater que l'équipe est même félicitée via les mails d'autres acteurs de l'industrie. Question échec, comme tout le monde, il "n'en a pas". Plus sérieusement, il ne voit pas l'échec comme une fin en soi mais comme une étape dans le long processus vers l'amélioration continue. L'apprentissage en somme. On apprend rien de ses victoires mais beaucoup de ses défaites, voilà l'esprit en somme. Finissant de confesser qu'il se trompe tous les jours au bureau et qu'apparemment, ça marche plutôt pas mal comme cela.

"La famille, c'est très important ..."

Christophe Balestra a naturellement apprécié l'initiative de Sony - par l'intermédiaire de son concepteur Mark Cerny - de solliciter les studios internes au groupe pour participer à la conception de la Playstation 4. Ce dernier leur a simplement demandé qu'est ce qu'ils aimeraient avoir niveau puissance (CPU, Ram, Rhum), capacité de stockage, fonctionnalités et surtout un REX (retour d'experience) sur la PS3 a été demandé par le bureau d'étude afin de faire évoluer les choses dans le bon sens. Fini la console lanceuse de missile. Pour Balestra, la PS4 est la console qu'il fallait faire même s'il assure ne pas connaitre les spec's de la console au moment de l'interview. D'aucun jugera l'intéressé sincère. Selon la PS4 a été créé à l'occidental contrairement à la PS3 très ancré Japon, une bonne chose selon lui puisqu'il ne mache pas ses mots (qu'est ce que je vous disais en intro !?) : le Japon est en crise, la locomotive est en Amérique de Nord. Les autres apprécieront.

Vis à vis de la console, Christophe Balestra espère pouvoir pleinement profiter de la puissance de la console. Un objectif que l'on sait depuis raté puisque comme chacun sait, Uncharted 4 est une bouillie de pixel au point de pouvoir énoncer que Minecraft est beau à côté. Il souhaite aussi jouir de fonctionnalités sociales plus développées (tiens donc) afin que l'expérience multi amène plus les joueurs vers l'entraide que la compétition. Enfin, pour lui, le succès d'un constructeur passe par l'ouverture de la console, la facilité de programmation. Les développeurs indépendants étant la clé de voute d'une publication au beau fixe et d'un choix aussi divers que conséquent. Le succès d'une console passe incontestablement par la force de frappe marketing dans un premier temps puis par le publishing dans un second temps. Ce qui fait la différence, ce sont les jeux. Et les DLCs. Très important, les DLCs ...

On passe désormais à la phase finale. Les questions. La démo de TLOU est difficile même dans le mode normal sachant qu'il y a un mode difficile et survivant, est-ce qu'il en sera de même pour la version finale ? Apparemment, TLOU est la preuve que les démos ne servent pas/plus à grand chose pour jauger un jeu dans son intégralité puisque Chritophe Balestra assure qu'il serait surpris que les joueurs tâtant une démo sans prise en main didactique et hors contexte soit vraiment à la peine dans ce même mode une fois le jeu sorti. Que pense-t-il du JV en France sachant qu'il en a eu une mauvaise expérience et qu'il fulfil son potential en Amérique ? Faut-il se battre pour la sauvegarde du JV en France ? Pour Balestra, le mythe de la French Touch n'existe pas, c'est du vent. Avoir un passeport français n'est pas plus un avantage que de tenir un Esquimo dans ses bras pendant un entretien d'embauche (???). La preuve ? Naughty Dog est rempli de gens du tiers-monde. Des anglais, des américains, des brésiliens, des canadiens, des mexicains, des japonais, des chinois, des norvégiens, des suédois et même des animaux de compagnie ! Non, l'important est de définir qui l'on est. Est ce possible pour le studio de revenir vers un esprit cartoon à l'avenir ? Balestra estime que cela sera difficile. Ils pensaient pourtant aboutir sur un Jak4 lorsque l'équipe a splitté en 2 une fois le développement d'U2 finalisé. Mais au final, la dénaturation totale du héros a conduit la Pré-prod sur les chemin du Dernier d'entre nous. Même si ce qu'est capable de faire Pixar avec du cartoon justement laisse rêveur ...

Est-ce que la fin d'Uncharted 3 est une fin en soi où ne sert qu'à l'éventualité du 4 (le questionneur est clairement déçu de la fin du 3) ? Naughty Dog se laisse toujours une porte de sortie vers une séquelle donc les fins de leurs jeux sont généralement ouvertes. Maintenant, il proposera un patch pour changer la fin. C'était la mode début 2013 ... Comment sont les méthodes de prod' à ND sachant que la fusée n'est pas et la pyramide non plus ? Bon, apparemment, c'est l'anarchie. Un bordel organisé comme qui dirait. D'ailleurs, ça me fait penser que je connais une Maison Close plutôt propre sur elle du côté de Pigalle et ... et c'est pas du tout le sujet. Dans la mesure où les collaborateurs ont tous une expérience non négligeable, la confusion est limitée. C'est surtout une question d'inertie, de dynamique et donc de confiance. In fine, il n'y a pas de volonté d'imposer une façon stricte de fonctionner à base de réunions quotidiennes, d'autres réunions hebdomadaires et mêmes certaines mensuelles ! (Dites moi où on signe). C'est une façon de fonctionner et non la façon de fonctionner. ND a la sienne. Bungie donne dans le classique : pyramide humaine via des réunions. Respawn fonctionne comme ND. Ubisoft est sur une autre planète. Comment bossent-ils sur les caméras qui sont un peu digne de virtuose dans leur genre ? Chaque designer a en fait plusieurs caméras à sa disposition comprenant pas mal de paramétrage pour jouir d'une liberté de conception comme par exemple les mouvements de caméra lors des attaques de mêlée qui pour le coup donne un effet cinématographique du plus bel effet avec un plan déporté. Il n'y a pas de formules mathématiques miracles pour gérer tous les cas, c'est clairement du cas par cas.

Quel est le processus de création de la liste des trophées ? Généralement, ils sont réalisés à l'arrache à la fin du jeu. Tardivement, certes mais proprement. Pour les créer ces trophées, ils se basent sur les statistiques issues des focus tests en s'attachant aux actions les plus réalisées, celles susceptibles d'intéresser le plus grand nombre de joueurs. Ce qui n'est pas incompatible avec un désir de pousser les défis et faire utiliser aux joueurs la palette entière du gameplay ainsi que les faire jouer différemment. Le jeu vidéo est-il selon lui à ses débuts ou à un stade raisonnablement avancé ? Christophe Balestra pense qu'on est encore au début et que beaucoup reste à faire. Le jeu vidéo est un moyen d'expression comme peuvent l'être le cinéma ou la littérature. Raconter une histoire dans un JV est très différent de le faire dans un métrage ou un livre. Une des plus grandes réussites est à ce propos le partage d'un jeu vidéo solo (comme on regarde un film en petit comité) et il considère avoir initié ça avec Uncharted. TLOU est un titre solo ou prévu pour la coop avec cette Ellie qui nous suit partout ? Le jeu est solo. La raison est simple. L'émotion et les sensations du joueur passent par des phases solitaires et une campagne coop avec un seul personnage à l'écran est antinomique. Tous les jeux ne sont pas coopfriendly. Le souhait est que les joueurs s'approprient le jeu par son solo même si il comporte un multijoueur axé survie bien différent de ce qu'on retrouve sur le marché.

Vont-ils continuer à introduire de nouvelles licences ou se contenter de suites ? Si TLOU est un succès, il y a pas mal de chances pour qu'une suite voie le jour un jour. Mais dans le fond, ils n'en savent rien, le studio ne fait pas de plan sur les 10 ans à venir. Ils restent attentifs aux tendances du moment, à l'évolution de l'industrie et des attentes des joueurs. L'IA de TLOU est bonne ou bien (apparemment, Ellie pose problème dans les escaliers) ? Le studio a essayé de la rendre capable, serviable face aux ennemis comme les énigmes. Le but reste de fournir un personnage fort, pas sexy mais fort. D'où l'absence de décolleté vertigineux. De décolleté tout court en fait. En même temps, 14 ans la gamine ... Quel défi pour Uncharted 4 après la jungle, la neige, le sable ? La réponse dans le prochain Mario ! To be continued ... Comment gérer la mocap et le gamedesing puisque le procédé de fonctionnement de ND nécessite de l'itération, de la souplesse, du changement ? En réalité, les scènes du jeu sont écrites au fur et à mesure afin de garder une flexibilité. Les post-its dessinent la route à suivre mais le revêtement n'est pas posé pour schématiser. C'est pourquoi les acteurs mocap tournent bien plus longtemps dans le temps que sur la plupart des autres projets. Ils font des choix de scène pour répondre aux phases de gameplay ! Ca coute plus d'argent mais la qualité s'en fait ressentir à la fin. Y a t'il un intérêt à développer un moteur à partir de rien ou avec Unity ou Unreal, ça sert à rien de se faire iech ? D'un point de vue global, cela vaut limite mieux pour lui de partir d'un bon existant comme peuvent l'être ces 2 exemples ou Maya ou 3DSMax et de customiser les parties du moteur qui ne performent pas par rapport à ce qu'on souhaite faire. La flexibilité. C'est pour ça que les allemands sont toujours devant nous. Message strictement personnel. Bon il en est où le film Uncharted ? Nul part. Et si vous voulez mon avis ... C'est pas plus mal ! Faut arrêter les conneries 2 min ...

Le mot de la fin. Christophe Balestra incarne le rêve américain. Le migrant qui a réussi par la seule force de la valeur travail. Bon, un peu de talent aussi faut croire. Mais qu'est ce que le talent sans ardeur ? Du gâchis. Moi, je l'aime bien, très entier, s'embarasse pas, ce qui lui fait dire des trucs pas forcément politiquement corrects - notamment les railleries sur les employés qui ont cru que le navire des dogs coulait par le fond lors du changement de présidence et qui l'ont donc précipitament quitté sans même emporter la vaisselle. Ca change, c'est pas mal. Puis bon, la preuve qu'on peut commencer en bas de l'échelle de l'échiquier d'un studio et monter rapidement en prouvant sa valeur et par une personnalité entreprenante. Un modèle (toute proportion gardée) quelque part. Puis bon, le mérite toujours redirigé vers l'équipe, je pense aussi que c'est très important. Un studio est souvent connu par le prisme d'une seule personne qui endosse un peu le contrôle communiquant de la boîte. Alors que bon, tout seul, qu'est ce qu'on est ? Ne cherchez pas, on est pas grand-chose. Puisque comme le dit si bien Christophe Balestra lors de son mot de la fin : "c'est à travers les autres qu'on brille".

 

2014-2016 Time Neves, Masterclass fantôme Reserved.