A Most Violent Year est un film surprenant. Comme à l'accoutumé, j'ai pris soin de consulter le site critique Allociné pour confirmer le pédigrée du film. En dessous de 3.5, si l'affiche est moche, je regarde pas. Le film a 4.1. Je lance le film. Premier constat, l'écrin de ce New York des années 80 est conforme à une certaine idée que l'on peut s'en faire, les couleurs sont très empruntées, limite délavées. Chaque plan en extérieur est l'occasion de voir à l'oeuvre le choix d'adjoindre un filtre un brin brumeux à l'ensemble qui confére à l'oeuvre son cachet si particulier. Une photographie réussie dont le concourt des costumes pour magnifier le tableau est à souligner. Toutes en prestance, les étoffes parsemant ladies comme gentlemen ajoutent cette pincée de classe confèrant à l'atmosphère (indoors et outdoors my dear) de la Big Apple des eighties son charme si snob. On se gardera pour parachever le tableau de mentionner l'apport de J.C Chandor derrière la caméra qui a le chic pour dégoter les plans serrés comme éloignés des plus caustiques finissant de mettre en place la scène parfaite pour illustrer la situation courante.

A Most Violent Year n'est pas un film comme les autres. Je sais, vous avez dû déjà l'entendre des milliers de fois cette tirade mais pour une fois, c'est vrai. Et ce n'est d'ailleurs pas pour l'encencer gratuitement que je dis ça. Même corrompu par le pouvoir attractif de l'argent, je ne le porterai pas aux nues. Habillé d'un étrangement sentiment, il est. Tiens, Yoda, qu'est ce que tu fais là ? Pendant tout le film, je me suis demandé s'il méritait sa notation - questionnement débile et jem'enfoutesque vous allez me dire et vous aurez raison - tant l'oeuvre m'a laissé de longues dizaines de minutes circonspect, dans l'expectative. Je sais bien que je ne dispose pas (encore) d'une culture cinématographique descente notamment en matière de classique et ce, toute époque confondue mais il est indéniable que la construction narrative du métrage JC Chandor ne court absolument pas les rues. Bien au contraire. Explications.

Sans trop en dévoiler pour préserver l'intérêt de la lecture du film de ceux l'ayant snobé jusqu'ici, A Most Violent Year détonne par sa prise constante du contre-pied en regard des codes que nous a initié le cinéma lorsqu'il s'attachait à retranscrire la fresque pas totalement commode d'un entrepreneur un tant soit peu véreux sur les bords. Je pense notamment à toute cette culture populaire consacrée au culte de la Mafia, une culture aussi plaisante qu'ancrée en nous. Toute la question est de savoir si le film traite de la Mafia. Si oui, aussi bien dans la forme que dans le fond, il le ferait sous un tout autre angle. Je considère que lorsqu'un business est "partagé" entre plusieurs clans qui entretiennent des liens plus ou moins sincères et opaques entre eux, il s'agit d'un système Mafieux où chacun profite du contrôle d'un marché en petit comité pour s'en mettre plein les poches. Alors oui, A Most Violent Year ne dépeint pas des têtes brulées peu éduquées (ou alors façon rue), brutes et sans respect pour la vie humaine mais je pense qu'on a bien là un film traitant d'Empires mafieux. Des mafieux aussi policés que gentlemen mais des mafieux quand même.

Parce que dans le fond comme la forme, c'est bien ça qui tranche, les valeurs véhiculées par le film au moyen de ses protagonistes sont aux antipodes de ceux des systèmes mafieux que nous avons eu l'habitude de voir s'ériger à Hollywood. Et même si la fresque s'autorise quelques coups bas et empoignades montrant la froideur des affaires, tout ceci reste très gentlemen. Et donc très inédit pour nous spectateur. Et comme souvent ça marche. Le contraste n'en est que plus saisissant. Le film est une ode à la non-violence (en tout cas, dans le cadre d'affaires pas réglos), à la tenue, au savoir-vivre finalement.  Et c'est justement ce rare concourt épidermique à la violence qui vient casser tout ce que l'on croyait acquis pour donner une intensité sans commune mesure à certaines scènes - de facto marquantes - tranchant littéralement par rapport au rythme lancinant instauré par le film le long de ces 2 heures.

Il est difficile d'appréhender un film dont les codes ne respectent absolument pas ceux que nous ont inculqués et instaurés ces grands films de grands réalisateurs des grandes années mafieuses du cinéma, les décennies 70, 80, 90. Constamment, on se demande si tout ne va pas finir par partir dignement en sucette, si le mic-mac tant attendu ne va pas nous sauter à la gorge, si tout peut rester à ce point-là maitriser sans fausse note. Il est évident que je ne vous spoilerai rien mais quoi qu'il en soit, le traitement plait. D'ailleurs le film a une morale. Claire, énoncée, inscrite dans le marbre. Elle réjouit, elle pointe du doigt, elle montre la voix. A Most Violent Year est clairement le film qui vous fait attendre la dernière scène pour vous donner un droit de regard sur l'ensemble. Il y a ces films dont on sait déjà l'idée qu'ils nous en restera avant même que les crédits viennent pointer leurs frimousses, ceux dont les développements successives s'enchainant nous donne déjà une large idée de leur ampleur. Et puis, il y a A Most Violent Year. Le contre-pied de tout. De la façon de faire percevoir ses actes au traitement d'un thème en passant par le cadre d'évolution choisi.

A Most Violent Year symbolise l'incompréhension pour moi. Celle d'un film porté par des acteurs aussi discrets qu'à-propos. Celle d'un film sobre mais à la fois profond (son sujet comme ses moyens). Celle d'un film aussi clivant que rassembleur. Sa morale - clairement énoncée noire sur blanc sur son affiche - est lourde de sens et fait réfléchir. Elle entreprend de nous compter une autre histoire (qui sait, peut-être bien plus vrai qu'on oserait le croire). Un autre ton que celui dans lequel donne habituellement ce genre de film traitant du commerce équitable. Je déconne hein. Je ne saurais que trop conseiller le visionnage de ce film (en VO tant qu'à faire, pour l'ambiance et le voice acting original), vous ne perdrez pas votre temps, sincèrement (même si les gouts et les couleurs), pour qui aime le cinéma d'auteur. Finalement, la grande question qui taraude l'aficionados éméché, est la suivante : existe-il vraiment ? Et si oui, quelle est l'adresse à laquelle faut-il faire parvenir le CV ?

 

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