Vendredi 13 Novembre 2015.

 

Comme l'ensemble des quelques patriotes qui composent encore ce pays, je suis devant France-Allemagne, match de gala, équipe jeune et fougueuse - bien loin de la période Domenech - bref, un bon petit Week-End qui débute. Je retrouve depuis quelques années et le bon boulot de Deschamps une certaine fierté d'être représenté par ces nouvelles têtes qui font honneur, eux, au maillot bleu. Ne vous méprenez pas, je n'ai jamais été très EQUIPE de FRANCE, en tout cas plus depuis 2000 et ce but de David Trézeguet. 2000-2012. 12 ans de disette à ne rien en avoir à carrer de cette équipe de manche s'évertuant à faire sa Diva à coup de chaussettes dans les sandales sur un plateau de télé à 11h, de "enfumié de phis de flute" et autre "l'équipe de France ne me mérite pas". Mais voilà, le vent tourne (et non la roue), les nouveaux ne se prennent pas pour ce qu'ils ne sont pas, conservent vraisemblablement leur tête solidement fixée sur les épaules et démontrent d'un désir de redorer un blason si ardemment trainé dans la boue ces dix dernières années.

 

21.16

J'entends comme tout le monde ce que je crois être une énième joyeuseté d'hooligans parisiens interdits de stade de leur club fétiche et se rabattant sur notre équipe pour s'abroger du peu de sensations dont ils jouissent lorsqu'ils pointent dans le commissariat du coin les jours de match de L1. En un mot, ça ne fait de mal à personne.

 

21.19

Je perçois la seconde. La fête est totale, le peuple chante (y avait de l'ambiance en plus du traditionnel "Allez les bleus !"), les pétards sont de sortie. La pelouse est merdique. Normal, on est France. Et le Qatar n'a pas (encore) racheté l'EQUIPE de FRANCE. Un match de foot. Normal quoi.

 

22.40

Christian Jean-Pierre interrompt un instant sa description des péripéties du match : " des évènements tragiques ont lieu en ce moment à Paris, pas d'interview d'après-match, édition spéciale à suivre". Je vous laisse deviner ce qui se passe dans ma tête à ce moment-là, la mine déconfite, je bascule illico sur i-Télé.

 

22.50 - 1.10

Parallèlement, j'ouvre mon site web d'info fétiche, la BBC et je découvre le premier bilan. 18 morts. Comme tout le monde, je m'empresse d'ouvrir le plus de site d'info en continu sur mon navigateur; et dans le plus de langue possible tant qu'à faire. La nuit s'annonce longue. Particulièrement longue. Prise de parole d'Hollande, évolution du nombre de victimes, storming du Bataclan. Je m'endors, flingué par une journée commencée à 5h40, le bilan est de 30 morts.

 

01.45

1h et quelques, je me réveille, ma TV toujours allumée. Le bilan est imprécis, on parle de 60 morts mais ce n'est pas confirmé. On commence à cerner l'ensemble des lieux théâtres du carnage et comprendre que le bilan n'est pas prêt d'être définitif. Naturellement, se pose la question de qui a fait ça, qui a organisé tout ça et là, pas la peine de recourir aux experts pour savoir en quelle direction regarder, les réseaux sociaux s'en chargeant très bien pour nous, EI.

 

9.00

120 victimes.

 

10.30

128 morts.

 

 

 

 

C'est fou ce qu'on peut faire à 8 en 4 heures avec des flingues, des grenades, des explosifs et quelques AK-47.

 

 

 

 

 

Aftermarth.

Je suis plutôt du genre à fermer ma gueule et laisser place au silence en pareille circonstance. Comme je l'ai fait la semaine du 7 Janvier 2015. Je ne parle jamais politique. Et je ne tiens pas à en parler. Les querelles à 3 francs six sous à coup de guerre des mots parce que machin a dit ça et bidule a répondu ça, très peu pour moi. J'ai beau être jeune, ce genre d'artifices pour masquer la vacuité totale du courage pour bouger en profondeur les lignes établies, ça n'a jamais pris et ça ne prendra jamais. Je ne vote pas d'ailleurs. J'ai déjà voté. Mais seulement parce qu'on m'y a obligé. Et assurez-vous que je n'ai pas voté pour ceux qu'on entend vociférer à longueur de journée. Je me suis toujours attaché aux actes, au concret. Et pour moi, la politique, à  90%, ce sont des mots et très peu de concrets. Alors, bien possible que je ne m'intéresse pas aux petites évolutions de tous les jours (que permettent certaines décisions politiques) mais en fin de compte, je trouve qu'on se bat dans l'hémicycle pour pas grand-chose quand de grands chambardements sont à opérer.

 

Parce que ce à quoi nous venons d'assister une nouvelle fois - et qui est main courante en Afghanistan, Irak, Syrie, Lybie, Egypte, Tunisie, Caucase, Palestine, depuis bien trop longtemps - ne se règle pas à coup de bombardements. La violence attise la violence. Œil pour œil, dent pour dent, chagrin pour chagrin. Et la haine attise la haine. Le problème, c'est la mémoire. L'histoire. Parce qu'untel m'a fait, je me dois de lui faire ça. Bien entendu, c'est une réaction tout à fait normale quand on est humain. La perte d'un proche conduit inéluctablement même chez une personne d'une vertu et d'une composition formidable au sentiment vengeresse de vouloir faire payer le responsable. Depuis la nuit des temps, le jeu favoris des hommes n'est ni le jeu vidéo, ni le football, non le jeu favoris des hommes est de s'ENTRE-TUER.

 

Je peine à croire - même si je suis un gros idéaliste sur les bords (mais quel jeune ne l'est pas ? Quoi que je bifurque depuis quelques années vers un fatalisme latent - sans doute la phase adulte qui frappe à ma porte ...) - que de mon vivant, je verrais un monde pacifié. Tout du moins, dans les grandes largeurs. Même de retour de cryogénisation dans 500 ans, je me désolerais d'une fatalité propre à l'homme. Le règlement de ses différends par l'affrontement, le défi et la violence. Idéalement, la seule solution viable à tout "ceci" est l'oubli.

 

Le NEUROLASER est la seule échappatoire d'une situation qui gangrène l'humanité comme la peste. C'est quand je vois "ça" que je me dis que la réalité anticipée dans des bouquins aux films en passant par le jeu vidéo - celle voyant l'Etat soumettre ses concitoyens à un strict contrôle de leur vie, de leur acte, de leur pensée afin d'anticiper les coups d'éclats des dissidents au SYSTEME - que me je me dis qu'on y court certainement, et plus vite qu'on ne croit. Nombre d'œuvres ont tenté d'apporter leur vision d'un système sécuritaire restreignant les libertés de chacun. Finalement, l'une se détachant parmi les autres tient au concept de l'anticipation du crime avec la nouvelle de Phillip Dick : Minority Report.

Parce que surveiller ou lire dans les pensées d'un inéluctable futur fauteur de trouble, c'est tout bonnement IMPOSSIBLE. Les types qui se font gauler, qu'on arrête, c'est parce qu'ils ont bien voulu - même inconsciemment - qu'on le fasse. A partir du moment où nos intentions ne sont pas louables, on fait ce qu'il faut pour apparaître en dehors des écrans radars. Je veux dire, on évite les moyens technologiques de communication, on retourne à des méthodes à l'ancienne, bref', on fait tout pour ne pas se faire remarquer. Que ce soit par les lieux de fréquentations suspects, le maintien de rapport avec des contacts déjà fichés par les services de renseignements, les habitudes  malvenues ...

Alors on fait comment ? Et c'est bien là toute la question. On pourrait créer une île en plein milieu du pacifique pour qui de droit souhaiterait revenir à l'âge de pierre. Après tout, les chinois le font, les Qataris font même de jolis palmiers à l'occasion, mais bien entendu, ça, ce n'est même pas ce qu'ils veulent, se retrouver entre eux. Non, eux, ce qu'ils veulent, c'est assouvir le reste du monde sous l'égide de leur dogme fanatique. Un dogme bien évidemment très loin de toutes les vertus enseignées et prônées par la religion qu'ils prétendent défendre.

 

Qu'est ce qui empêche quelqu'un de se procurer des armes quand il fréquente les gens qui savent où et comment en obtenir ? C'est pour quoi faire ? Braquer un tabac, une banque, une bijouterie, 'fin le classique tu vois. Sauf que ce sont avec ces mêmes armes qu'on sème le chaos pendant 4 heures dans un pays aux bases sécuritaires solides comparées à certains "petits pays". On le voit au Brésil, au Mexique, en Colombie, une police paramilitaire surarmée n'entraîne pas une prise de conscience chez le malfrat. Qu'ils soient narcotrafiquants ou fou de Dieu. Alors, on s'arme ? Comme aux US ? Dans l'esprit, savoir que des personnes dans la rue puissent être équipées en cas de force majeure ne me déplait pas totalement même si je préfèrerais qu'on se limite à un droit sur les armes (supposées) non létales de type Taser ou Flashball. Cependant, céder à la psychose en mettant ce genre d'objets entre les mains de n'importe qui, c'est aussi à mon sens, faire n'importe quoi.

 

Non, ce qui m'embête, ce sont les raisons qu'on donne par inadvertance "aux justiciers du bon comportement" d'agir et aux jeunes de rejoindre leur rang. Les inégalités de traitement. Il ne faut pas non plus croire que parmi cette mouvance, les dignitaires - qui manipulent la masse de chair à canon vouée à leur bon vouloir - soient logé à la même enseigne que ceux qui pensent réellement - que ce soit fondé ou non - que EI agit dans l'intérêt de peuples opprimés par des décennies de dictateurs tyranniques soutenu par leur allié occidentaux. Combien de famille avec enfant en bas âge pensent rejoindre une "société" qui leur sied mieux, où ils ne se sentent pas stigmatisés ? Le problème est toujours le même. La division plutôt que l'unité. Le défi plutôt que le dialogue. Le repli communautariste plutôt que l'intégration.

 

Parce qu'en fin de compte, on n’empêchera pas quelqu'un de faire du mal. On l'empêchera par contre d'avoir des raisons d'agir par malveillance. Le problème est de fond. Enfermé des gens pendant un certain temps ? Pour transformer des malfrats en apprenti fou de Dieu ou docile main armée de tocards reclus dans leur grotte comme Coulibaly ? Non, la prison pour ces gens-là, soit c'est à vie, soit on l'évite puisqu'ils en ressortent radicalisés comme jamais. Dans la mesure où les établissements pénitenciers sont engorgés de détenus (faut dire, y en a des gens qui nous veulent du mal) et que l'heure est à la remise en liberté surveillée des individus plutôt qu'à la construction de nouveaux centres de détention - phénomène que je ne comprends pas, la sécurité sacrifiée sous l'hôtel du financier, je ne comprends pas à titre personnel - , c'est donc vers un travail de sape qu'il faut se diriger, l'éducation, l'école, la famille tout ça, vous connaissez ?

Mais bon, cela se saurait si bénéficier d'un "environnement social" stable évitait le basculement dans le radicalisme. Combien de jeunes issus des milieux les plus favorisés (pavillon, argent, famille présente, et tout ce qui va avec) - pour preuve avec nombre de ces jeunes de 13, 15, 20 ans - sont parti se faire dégommé par des drones américains sur le sol de "leur Califat" ? D'où vient cette radicalisation, celle de ceux qui ne sont jamais confronté en vis à vis aux prêcheurs, aux rabatteurs, aux manipulateurs ? Internet. Visaged'âne et autres Gazouillis. Comment ? L'injustice. L'image choc. Le complot d'Etat occidentaux souhaitant imposer leur mode de vie et faire la main mise sur les ressources de leurs pays. Tout ça avec en toile de fond le conflit ancestral israélo-palestinien où les Occidentaux s'avèrent perçus avant tout comme le précieux allié de l'Etat israélite plutôt que le défenseur du peuple palestinien privé de son Etat de droit, de sa souveraineté depuis la fin de la Première Guerre mondiale et le passage d'une domination ottomane au mandat anglais. Un échec cuisant, un boulet que l'on traine depuis bientôt 100 ans.

L'Histoire des hommes est aussi vaste que complexe à appréhender. Et en tenir tous les tenants et aboutissants pour cerner les conflits de territoires (bien plus que d'idéologie, les gens se battent pour telle ou telle lopin de terrains depuis la nuit des temps ; ce n’est pas faute de bénéficier d'une surface au sol habitable de 134 millions de m² ...) - qui n'appartiennent à personne mais sont passés entre les mains de civilisations tellement différentes au cours des derniers millénaires - me dépasse totalement. L'histoire qu'il ne faut pas oublier pour recommencer les mêmes erreurs. Mais une histoire qui transmet de génération en génération (je ne dis pas par filiation) les préceptes les plus ignobles dont peut faire preuve l'homme. Une histoire à double tranchant. Si seulement, on pouvait repartir de zéro ...

 

J'ai depuis longtemps perdu foi en l'humanité. C'est d'ailleurs pour ça que je ne m’évertue pas à rentrer trop en contact avec elle. J'ai pendant longtemps blâmé la Justice de laisser en liberté de véritables dangers publics (délinquants sexuels, meurtriers, criminels, trafiquants, etc.). Seulement, ça, c'était avant. Avant l'émergence de moyens de communications ultra-rapide que sont smartphones ou réseau sociaux, où la propagande et le bourrage de crane ne nécessite plus de créer un Ministère dédié mais seulement l'habileté d'un monteur vidéo ou les talents d'orateur d'un prêcheur vivant à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de sa cible.

 

Il s'agit donc d'une lutte sans fin. Une lutte que personne ne gagnera mais dont les dommages collatéraux sont sans cesse plus imposants. En témoigne les dernières escalades : 100 morts en Turquie, 224 dans un avion russe ou ici, à 50km, 129 citoyens du monde libre. Mais au final, on s'en fout, notre raison d'être depuis la nuit des temps n'est-elle pas de tuer comme il faut notre prochain après tout ? Ce n'est pas comme si on allait tous finir par y passer, d'une manière ou d'une autre, mais puisqu'on te dit que t'accèderas au paradis là maintenant tout de suite en t'adonnant au pire acte qu'il soit.

 

Nous les nommons terroristes, ils se proclament résistants ou martyrs.

Ils nous nomment impies ou apostats, nous nous proclamons libres.

 

Les seuls mécréants Vendredi étaient au nombre de 7.

 

 

2014-2015, Time Neves, ________.