David Cage, monsieur Emotion.

 

David Cage - l'illusionniste - s'est prêté pour nous à l'exercice difficile du souvenir en ce jour si particulier du 11 Septembre. L'occasion pour le Maître de l'Emotion de revenir sur sa journée du 11 Septembre 2001, la manière dont il a encaissé cette si terrible tragédie et enfin les leçons à tirer de la profusion d'émotion qui a jailli sur le monde ce jour-là. Transcript.

 

A l'évidence - et j'imagine que c'est pareil pour vous - je sais où j'étais et surtout ce que je faisais ce jour-là : le Mardi 11 Septembre 2001. Je m'en rappelle même très bien, j'étais devant ma télé. Et comme tout le monde, j'ai été horrifié par les images que j'ai vu. Faut dire aussi, ça faisait vraiment plus vrai que nature. Jusque là, il n'y avait bien que la saga Piège de Cristal (ndlr, avec Brus Willis dans le rôle de l'agent John McClane) qui atteignait un tel degré de spectacle. Mais clairement les effets spéciaux de celui-ci explosait de loin ce qu'on avait connu en plus d'un siècle de cinéma. Non, l'oeuvre du défunt réalisateur saoudien Ossama Bin Laden repoussait les limites qu'avait établi 3 ans auparavant le Titanic de James Cameron - en matière de VFX en tout cas - où la reconstitution à l'échelle 1:1 du paquebot était tout simplement bleu-fante ! Je pense que ce qui a vraiment marqué les gens, c'est la soudaineté de l'évènement. Comme je vous l'ai dit, j'étais devant les Feux de l'Amour, sur TF1 donc, vers 15h par là. Et ce qui a participé au succès du film, c'est qu'il n'est pas sorti au cinéma avec la promotion qui va avec sur les semaines précédents le jour J ... Je sais pas comment ils ont fait mais toutes les chaines ont arrêté leur programme - et ce au même moment - pour retransmettre le même film d'une heure 20 à peu près. Je le sais parce que j'ai vérifié. Au début on voyait qu'un plan fixe montrant un trou béant dans une des 2 tours, c'était chiant comme la lune, j'ai cru que j'allais tombé sur 30 millions d'amis en mettant la 3 mais je suis tombé sur le même cirque. Puis quand le second est rentré dans la seconde, j'ai bondi en poussant un "WOAH, mais ça déchire ce truc, les mecs se sont vraiment buté, qu'est ce que ça a du leur couté en polygones !!!". Et j'ai regardé le film jusqu'à la fin. Je pense que ce qui a aussi joué dans le succès de ce long métrage, c'est la localisation pays par pays des acteurs. Je m'explique. En France, PPD, Pujadas, notamment, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne, en Suisse, etc., chaque pays pouvait jouir de son propre casting, sur mesure, des types dont on avait l'habitude de voir la frimousse tous les jours dans les JT du soir et qui n'étaient pas des acteurs mais bien les présenteurs vedettes des news du monde bien réel, lui. Du coup, ça donnait un extra truc authentique à la chose. Je sais pas si vous saisissez ce que je veux dire ... Pour faire plus clair, l'Emotion passait mieux que si t'avais mis je sais pas moi Jim Carrey dans le rôle du journaliste horrifié par ces images hors-normes. Vous comprenez ? Maintenant, ça reste une oeuvre, un film d'auteur si vous préférez. Les plans sont un peu immobiles à mon gout et finalement, on est surtout dans l'attente plutôt que dans l'action mais à une époque où les films d'action faisaient certes tout péter mais sans qu'on parvienne à y croire vraiement, lui, par son approche documentaire, réaliste, et même urgente avec la brillante idée de la VOD gratuite et obligatoire - a réussi à saisir l'émotion dans sa plus pure pureté et dérouler son plot sur la bonne heure vingt que définit le standard du genre. Mais définitivement pour moi, ce qui met ce film au dessus des autres, c'est sa propention à casser le quatrième mur. Je veux dire, le synopsys était relativement simple : 2 avions dans les Twin Towers, l'angoisse, l'incompréhension et puis l'effondrement, le plan final de Manhattan en fumée. Le truc, c'est que tout le monde y a crut. Même moi, au début. Puis, une fois le film terminé, les chaines ont embrayé sur leur édition spéciale sur le film qu'elle venait de diffuser ! Et ça ... c'était très fort. On en a même parlé le lendemain et le surlendemain et même une semaine après. Forcément, aucune oeuvre du 7ème art n'avait osé inversé le processus en réalisant la phase de marketting/promotion après la diffusion dudit film catastrophe. 2012 et le Jour d'Après peuvent aller se rhabiller. En matière d'Emotion, on a pas encore vu mieux que cette supercherie grandeur nature du 11 Septembre 2001. Le Sheik vous a bien eu. Mais on me l'a fait pas, pas à moi, j'ai fait mes études aux Beaux-Arts. Je sais reconnaitre quand c'est vrai et quand c'est très bien fait. En l'occurence, c'était très bien fait. A s'y méprendre même. Bravo aux équipes, à la réal' comme à la com' !

Et qu'avez vous pensé des remakes qui ont pullulés les années suivantes, sorties - elles - au cinéma de manière classique si l'on peut dire et faisant figurer pour le coup de vrais acteurs ?

Ecoutez. Je préfère être franc avec vous et même si mon frère Nicolas a joué dans l'un d'eux, celui de 2005 je crois, je trouve que le coup des figurants dans les rôles titres des journalistes TV nous faisant vivre cette fiction se débrouillaient mieux que lui et ses copains dans leur rôle de pompiers. Maintenant, c'était une autre approche niveau scénar' aussi ... puisque d'un côté, on suivait des journalistes réels de plusieurs chaines dans une fiction et de l'autre une brigade de pompier ... Je pense qu'il y a de la place pour toutes les interprétations mais à mon sens, rien ne surpasse l'original.

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