Il n'y a pas longtemps (la preuve je m'en souviens), au cours d'une réflexion concernant Deadly Premonition (mes impressions sur la version Asie du jeu), j'en suis venu à me remémorer une déduction que je ne cesse de trouver d'une véracité redoutable, et que je me permets de détailler ici. Si les comparaisons entre le jeu vidéo et le septième art ne manquent pas, il est tout aussi intéressant de détacher les spécificités de ces deux médias, pour ainsi repousser davantage le rapprochement qui semble de plus en plus s'opérer entre eux (à tort ou à raison, là n'est pas la question tonton). C'est dans cette démarche et en repensant à la mise en scène super efficace de Deadly Premonition que je me suis posé la question suivante : dans un film constitué en partie d'acteurs faits de chair, de sang et de sueur, l'histoire serait-elle aussi mémorable ?

C'est ce qui s'appelle des gueules.

Et puis là je me suis rapidement dit, non. D'abord, et il s'agit d'un sentiment personnel pas facile à transmettre, les animations (et surtout leurs enchaînements) très gauches des personnages du jeu les empêchent dans le même temps d'en faire trop. Juste ce qu'il faut, et on pardonne étonnamment le reste (pour les courageux bien sûr). On en arrive au problème d'égo des acteurs (bien réels eux) qui ne trouve pas sa place dans le milieu vidéoludique, car le "metteur en scène" d'un jeu vidéo fait ce qu'il veut de ses pantins pour arriver à une représentation quasiment parfaite de sa vision. Dans le cas de Deadly Premonition, il ne serait pas facile (mais pas impossible) de trouver un équivalent humain à Francis York Morgan sachant respirer de la même manière cette impassibilité en (presque) toutes circonstances. Et cette classe, aussi. Mais même en y arrivant, et c'est bien le souci de l'industrie actuelle, on préfèrera engager une figure "bankable" (et donc au visage vu et revu ainsi qu'au jeu rarement inédit d'un film à un autre) plutôt qu'un acteur réunissant les principales caractéristiques de son pendant virtuel. Oui j'ai pensé à Uncharted, mais vous aussi, donc match nul.

Pour en revenir aux pleins pouvoirs dont dispose le "réalisateur" d'un jeu vidéo, ils concernent également le droit de vie ou de mort sur l'ensemble de son casting, et c'est l'un des principaux points de cet article sur lequel je juge bon d'insister. Dans un long-métrage, il n'est pas vraiment concevable de faire appel à un comédien hautement réputé pour le faire décéder dans les dix premières minutes du film (des exemples contraires doivent pourtant exister). Dans un jeu en revanche, on ne se prive pas de zapper à un moment donné du scénario un personnage très charismatique, car la dimension humaine et sociale n'existe pas ici, ce qui est logique et loin de représenter un quelconque mal. Les intrigues gagnent ainsi en cohérence et en intérêt car ne se décidant pas par rapport à la réputation de tel ou tel acteur. Rien que pour ça, les jeux vidéo (au même titre que la littérature remarquez) se distinguent élégamment du cinéma. Cool non ?