La saga est initiée en 1995 par Robin Hobb dans le premier cycle de l'Assassin Royal (The Farseer Trilogy).  Le succès étant au rendez-vous, l'auteur a eu l'opportunité de développer son univers fantaisiste de manière tout à fait brillante dans un vaste monde imaginaire nommé "Le Royaume des Anciens" (Realm of the Elderlings). Suite à cette première trilogie, Robin Hobb a chronologiquement publié la trilogie "Les Aventuriers de la Mer" (The Liveship Traders), le second cycle de l'Assassin Royal, "Le Cycle du Prophète Blanc" (The Tawny Man), racontant les aventures de FitzChevalerie Loinvoyant et du Fou 15 ans après. Ensuite, une nouvelle trilogie centrée cette fois sur le désert des pluies nommée "Les Cités des Anciens" (The Rain Wild Chronicles). Et pour finir, enfin diront les mauvaises langues, nous voici dans la dernière trilogie de L'Assassin Royal, réunissant tous les fils de cette énorme univers. Elle se nomme le "Cycle du Fou et de l'Assassin" (The Fitz and the Fool Trilogy), et comme d'habitude, cette trilogie est très adroitement adaptée en 6 volumes chez nous... J'ai donc lu le dernier tome en anglais pour m'épargner d'attendre jusqu'en mars 2018.

Je tiens à vous prévenir qu'il est préférable d'avoir lu les livres avant de lire cette critique puisqu'il sera dévoilé et discuté des moments clés de l'histoire et surtout de son dénouement.

Dans cette nouvelle trilogie, nous suivons la paisible vie de FitzChevalerie Loinvoyant sous l'identité de Tom Blaireau. Son identité est cachée pour préserver son repos tant mérité mais également pour protéger sa vie, puisqu'il est resté un personnage injustement détesté dans l'histoire des Six-Duchés. Fitz mène donc une vie imple de petite noblesse à la campagne avec Molly, son amour de toujours. Et les années filent ! Leur fille, Ortie vit à présent au palais où elle sert le Roi Devoir, son cousin / demi-frère en tant que Maîtresse d'Art et les autres enfants de Molly ont lentement mais sûrement quitté le cocon familial pour se lancer dans la vie. Le couple se retrouve donc seuls, avec les employés du domaine, mais profitent des instants partagés qui leur ont longtemps été refusés dans leur jeunesse. Soudain, Molly se découvre une grossesse à plus de 50 ans et son mari et sa fille ont bien du mal à la croire. Il s'avérera qu'elle était bien enceinte, pendant 2 ans, et elle accouche d'une toute petite fille qu'ils appellent très adroitement Abeille... La première est irritante, elle s'appelle Ortie, la deuxième est petite et blonde, paf, Abeille. On s'ennuie pas avec les détails chez les Fitz.

Abeille, contre toute attente de ses proches, survit et n'est pas du tout simplette comme elle laisse l'imaginer même si elle ne commence à parler réellement qu'à l'âge de 9 ans suite à la mort de sa mère. Molly et Abeille partageaient une relation fusionnelle dont le pauvre Fitz s'est à moitié exclu tout seul.

Bref, la petite Abeille s'avère très intelligente et le deuil douloureux de Molly partagé avec son père vont énormément les rapprocher. Les moments entre Fitz et Abeille sont à ce titre extrêmement réussis. Abeille est un personnage très attachant, possédant évidemment un immense pouvoir issu de son (ses ?) père.

Je ne vais pas raconter entièrement l'histoire de cette trilogie mais pour résumer, Abeille est violemment kidnappée de la demeure familiale suite à une machination des "Servants" ayant dévoyés les Prophétes Blancs pour faire exécuter le Fou, méconnaissable sous ses cicatrices par un FitzChevalerie croyant sauver sa petite Abeille. La suite étant une grande course-poursuite avec une quête de vengeance à travers le monde et amenant Fitz à rencontrer, et à enroler, les principaux personnages des trilogies de la Mer et du Désert des Pluies.

Chose originale, l'entièreté du récit n'est plus uniquement racontée par Fitz mais également par Abeille, ce qui contribue en grande partie à l'intérêt de cette trilogie. Fidèle à son sadisme assumé envers ses personnages, en tant que ressort dramatique, Robin Hobb nous offre un catalogue de douleurs, de tortures et de coups bas de premier ordre, jusqu'à l'ennui... Certaines diront qu'une grande aventure ne peut être épique que s'il y a des embuches devant ses protagonistes mais malheureusement le dosage est ici trop déséquilibré. Toutes les péripéties de nos héros se résument quasiment uniquement à des maltraitances ou des blessures et ça en devient trop attendu. Peut-être ai-je mûri depuis les premiers volumes, plus exigeant sûrement, mais je ne peux pas m'empêcher de trouver certains ressorts scénaristiques très attendus. Cela peut être un choix judicieux si l'on veut garder un rythme captivant mais cela n'empêche pas justement des longueurs plus présents que dans les 2 premiers cycles de l'Assassin Royal.

Une fin qui boucle ce gigantesque univers avec brio, mais pas pour Fitz...

Enfin parlons de la fin, qui a le mérite de boucler ce gigantesque univers avec brio au niveau scénaristique, mais pas pour Fitz, que l'on suit depuis près de 20 ans. Fitz meurt une première fois dans un tunnel en se conformant enfin à une prédiction mortelle faite par le Fou, son ami de toujours. Cette mort choquante était une manière très inattendue de finir l'épopée de Fitz, parti subitement en sauvant sa fille Abeille. Il provoque également la destruction Clerres, des tortionnaires du Fou et de sa fille par sa vengeance combinée à cette des dragons. Le "caillou", souvenons-nous ! Cette fin avait le mérite d'être originale même si je préférais que Fitz puisse enfin profiter de son enfant, et Abeille de son père.

Les habitués de la saga ne s'offusqueront pas de ce genre de retournement de situation. 

L'auteur était apparemment d'accord avec moi et décide quelques chapitres plus tard de le faire survivre grâce à une opportune explosion d'une fiole d'Argent qui lui asperge les mains et le visage. Les habitués de la saga ne s'offusqueront pas de ce genre de retournement de situation. Vient ensuite la traditionnelle survie coûte que coûte de Fitz dans des douleurs inouies et le voyage de retour au bercail alors que tous ses proches le croit mort. Fitz, avec l'apport de magie de l'Argent aspergé sur son corps, se découvre des pouvoirs extraordinaires : il peut donner la mort d'un geste ou manipuler l'esprit des gens. Sa fille, quant à elle, peut se régénérer elle-même par l'Art dans des proportions impressionnantes. La force est puissante dans cette famille.

On se souvient bien qu'il a été touché par une fléchette pendant un combat et que c'est "la mort des traitres" qui est sensée l'attendre, le corps rongé par des parasites. Oeil-de-Nuit prévient d'ailleurs Fitz très vite du problème. Et malheureusement la fin de Fitz devient, à mon ressenti, insatisfaisante, précipitée et en même très longue... Suite à un mauvais déplacement dans un pilier d'Art (encore un, ça devient une tarte à la crème), il se retrouve dans la carrière de Vérité des mois plus tard et son loup l'encourage à sculpter son dragon pour que leurs esprits y subsistent, Vérité, Subtil et Umbre l'aurait encouragé mais il ne s'en souvient pas... Fitz, têtu comme à son habitude, décide que non, il va survivre une fois de plus... Pour finalement céder quelques pages plus tard...

Qu'il veuille finir comme son roi Vérité, très bien, mais pourquoi un être ayant le pouvoir de vie et de mort juste par la parole n'aurait pas au moins essayé de se guérir les parasites par la force de sa magie ? On parle d'un monde où il a été quasiment rendu immortel par cette même magie. Nous savions depuis longtemps que ça finirait avec la sculpture d'un dragon mais pourquoi maintenant et d'une manière aussi tirée par les cheveux ? Après une aventure où toutes les ficelles se recoupaient, pourquoi précipiter la fin de Fitz ? Bref, cette fin pour le personnage de Fitz est une vraie queue de poisson. N'assumant pas de le faire mourir dans le tunnel, on le fait revenir pour le tuer à nouveau à petit feu en présence de ses amis... Pourquoi ne pas l'avoir fait sortir du tunnel, revenir au bercail et découvrir au fil des mois qu'il était condamné ? Il y aurait eu tellement mieux à faire, Fitz aurait pu vivre les dernière années de sa vie avec ses filles et enfin, au crépuscule de son existence, sculpter son loup. Il aurait pu prendre le rôle d'un professeur sage et expérimenté, le visage caché à cause de l'Argent et goûter à quelques années de reconnaissance pour services rendus à la couronne.

Pour moi, même si les dernières pages sont très émouvantes, c'est un dénouement trop télescopé et trop rapide pour une saga de plusieurs dizaines de milliers de pages et avec un goût prononcé pour les éclipses temporelles et les longueurs. Evidemment, c'est émouvant que Fitz, Oeil-de-Nuit et le Fou soient finalement réunis dans ce granit de loup majestueux mais ça arrive trop vite et les événements y amenant sont trop alambiqués. Sa survie n'est donc qu'un rebondissement inutile rendant très frustrantes les 200 dernières pages.

Globalement, je recommande la lecture de ce dernier cycle de l'Assassin Royal, déjà parce qu'après toutes ces pages lues, il faut en connaître la fin. Et ce, malgré des longueurs, une fin indigne pour Fitz et un développement de certains personnages très insuffisant ce qui est normalement le point fort de Robin Hobb. Plusieurs aspects restent très positifs : le personnage d'Abeille, son enfance à Flétribois, sa relation attachante avec son père qui décidemment n'est pas doué pour les relations humaines. Mais également les antagonistes, l'histoire des Prophètes Blancs, le dévoiement des serviteurs et Dwalia qu'on adore détester et Vindeliar que l'on finit par mépriser.

Enfin, c'est la fin des aventures de Fitz et du Fou, forcément ça m'attriste de quitter définitivement ces personnages mais c'est surtout leur sortie que je trouve insuffisante par rapport aux milliers de pages que j'ai passé en leur compagnie.