Bulgarie.
XVIème siècle. La comtesse Erzebeth Bathory est la
noble la plus influente du pays, à tel point que le roi vit à
ses crochets. Crainte et respectée de tous, elle gère
son domaine d'une main de fer face à l'envahisseur ottoman.
Bathory ne serait pas entrée dans la légende sans les
accusations qui l'accablèrent en 1610. La comtesse est en
effet arrêtée pour sorcellerie. Les rumeurs vont bon
train et tous disent qu'elle a tué des centaines de jeunes
vierges dans le but de retrouver sa première jeunesse. Le
caractère sanguinaire de la comtesse entra ainsi vite dans la
légende et certains allèrent même jusqu'à
penser qu'Erzebeth Bathory n'était autre qu'un vampire. Il est
donc difficile d'être étonné que le cinéma
s'intéresse à un tel personnage.

Pour cette
réécriture du mythe de la comtesse bulgare est signée
Julie Delpy (aussi bien réalisatrice que scénariste)
qui incarne Bathory à l'écran. Je dis réécriture
car l'histoire est bien évidemment quelque peu adaptée
afin de faciliter la compréhension du spectateur mais aussi
afin de délivrer un propos sur la personne concernée.
N'attendez donc pas un autre biopic mais bel et bien une histoire.
Julie Delpy a choisi de créer une intrigue amoureuse pour
justifier les velléités sanguinaires de la comtesse.
Ainsi, tout le propos du film se trouve dans une interrogation
sur qui écrit réellement l'Histoire et le potentiel de
vérité de cette Histoire biaisée. Les incursions
de la voix off permettent à l'amoureux transi - Istvan
Thurzo - de raconter une autre histoire que celle que les
vainqueurs ont voulu établir à propos de la comtesse.
Ainsi, on découvre une femme éperdue d'amour qui fut
piégée par ses détracteurs et qui tomba en
dépression après avoir reçu une lettre falsifiée
de rupture avec son amant. Dès lors, Erzebeth Bathory va se
mettre en tête que l'application de sang sur sa peau lui
rendrait sa jeunesse passée et qu'ainsi elle pourrait
reconquérir son amour perdu.
La
Comtesse
est un film intelligent qui nous sert un propos intéressant
sur un personnage hors du commun. Il est servi par des effets bien
pensés qui représentent chaque étape de la
descente de Bathory dans son idée fixe. Toutefois, il faut
adhérer au parti pris par le film. En effet, les spectateurs
qui s'attendrait à des orgies démoniaques ou à
des gerbes de sang seront déçus. Julie Delpy choisit
d'être beaucoup plus dans la retenue, un choix qui est tout à
fait logique dans la ligne narrative privilégiée.
Certains ne pourront, cependant, pas s'enlever de l'idée que
La Comtesseest un film plutôt austère, peut être même froid, qui traîne parfois un
peu en longueur.


Difficile
d'arriver à actualiser une histoire comme celle de la comtesse
Erzebet Bathory, mais Julie Delpy s'en sort avec les honneurs dans un
film en costume très intelligemment tourné qui réussit
à faire fi des difficultés liées au personnage
lui-même et aux tentations de la représenter comme un
vampire de plus. Au contraire, les choix scénaristiques font
de
La Comtesseun exemple très intéressant de réécriture
d'un mythe, celui d'une femme qui crut pouvoir retrouver ce que le
temps détruit inexorablement. Une réécriture
qu'il serait dommage de rater.

Mordraen