1987 est une année ô combien fondatrice du JRPG. Outre le second Dragon Quest, en janvier, qui confirmait l’engouement massif soulevé par le premier opus sorti l’année précédente, ces douze mois marquèrent également la naissance, citons quelques exemples, de séries comme Ys, en juin, Megami Tensei, en septembre, ou encore, bien évidemment, Final Fantasy, en décembre.

Mais ce mois de décembre voit aussi débouler, sur Sega Master System, un autre nom bien connu des amateurs de points d’XP et d’épopées rôlistes, d’autant qu’il verra le jour, fait assez rare pour être souligné, aux États-Unis ET en Europe, se targuant même d’une localisation française, certes douteuse, certes simpliste, mais qui avait ce mérite d’exister, et qui a permis à toute une génération de s’initier au genre.

Je n‘en fais guère partie ; tout ça se passait deux ou trois ans avant ma naissance. Mais j’ai grandi avec la Master System, que mes frangins m’ont plus ou moins léguée, et des jeux comme Alex Kidd ou Golden Axe m’évoquent les toutes premières heures de ma déjà longue carrière vidéoludique – à moins que ça ne soient Pacman, Fruity Frank, Arkanoid, ou le premier Street Fighter, oui, sur Amstrad CPC ; un flou demeure dans ma mémoire quant à savoir exactement qui a précédé l’autre.

Toujours est-il que j’entretiens, pour ces deux consoles, une affection toute nostalgique. Mais sur ni l’une, ni l’autre, n’ai-je – n’avais-je ! – terminé de RPG. Il faut dire que la denrée manque, et que dans ce panier si peu garni, les fruits ont pris de l’âge, pour ne pas dire pourri.

Phantasy Star, donc, si vous n'aviez pas remarqué ce nom inscrit sur l'en-tête de cet article en lettres d'or démesurées, reste néanmoins une curiosité ; déjà, c’est un Dungeon-Crawler, ou Donjon de Fayot, parce que j’aime bien parler français ; et qu’un tel sous-genre du genre, même s’il incarnait une norme à l’époque, j’imagine, du fait de l’influence avouée et maintes fois répétée du RPG occidental Wizardry, se trouve bien mal-représenté dans mon CV de joueur. J’ai fait Etrian Odyssey Untold, sur 3DS-1, puis un autre, mystère !, dont je révèlerai l’identité plus tard – à moins que ça ne soit déjà le cas (à l’heure d’écrire ces lignes, j’ignore dans quel ordre je vais publier ces petits articles – mensonge !, à la relecture, maintenant, je le sais, mais j’aimais bien l’idée d’apporter cette précision, alors j’ai laissé).

Bref, deux, ça faisait bien peu.

Qui plus est, dans un second temps, Phantasy Star est un nom difficile à éviter lorsque l'on creuse la question suivante :

C'est quoi qu'y a sur cette console ?

Parce qu’avec avec Shining Force, c’est, sans conteste, l’un des principaux porte-étendards du genre sur feu-consoles de Sega. Alors déjà que j’ai joué à très peu de RPG sur celles-ci, si en plus, je peux me faire la main sur un sous-genre que je méconnais, on peut dire que c’est d’une pierre banco.

Et puis, vous savez, des fois, on éprouve comme un besoin de s’en remettre aux fondamentaux. Comme par exemple, faire la navette, en début de partie, entre le champ de bataille et l’infirmerie, le temps de gagner assez de niveaux et de pognon pour s’éloigner sans heurts de notre point d’ancrage initial. C’est un petit plaisir simple du genre, que j’aime bien retrouver de temps à autre…

Troisième et dernier point de curiosité : la cartographie. Dans ces jeux où l’action se concentre à ce point dans les donjons, dessiner une carte est une quasi-obligation, pour peu que l’on souhaite s’y retrouver dans ces labyrinthes où les murs ressemblent à s’y méprendre à d’autres murs. C’est, parait-il, un agrément d’époque, un élément qui, bien qu’il ne fasse guère partie intégrante du jeu, contribue à son expérience. D’ailleurs, si une série comme Etrian Odyssey a rencontré un certain succès, c’est justement parce qu’elle a su, je suppose, intégrer cette composante comme un outil de gameplay à part entière, via l’écran tactile de la DS.

Ça a son charme, je l’avoue. Mais j’ai voulu aller plus loin ; aussi ai-je décidé de sortir mon plus beau parchemin à carreaux et d’expérimenter, comme le dernier des hipsters rétro, quelque chose de plus authentique – mais pas trop, non plus.

Ouais, parce que bon, je ne suis quand même pas allé jusqu’à ressortir la console, si tant est qu’elle se trouve encore dans un coin de grenier, quelque part, ni même jusqu’à débourser une petite fortune dans l’achat d’une cartouche d’époque. Je m’en suis remis à d’autres biais, Ceux-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, bien moins onéreux cependant et qui présentaient, en outre, l’avantage d’une retraduction française de meilleure facture que l’officielle, semble-t-il.

Mais qu’est-ce donc que Phantasy Star ?

Outre ce qui a déjà été dit, l’histoire prend pour contexte l’espace, l’avenir lointain, et pour terrains de jeu trois planètes distinctes : Gaïa, Dune et Hoth – excusez-moi, je ne me souviens plus des vrais noms, mais y a du vert, du sable et de la glace. Les gens habitent dans des igloos high-tech, y a des vaisseaux spatiaux, des Jawas et des armes qui font piou-piou, bien qu’on y relève également une quantité non-négligeable d’éléments propres à la fantasy, comme les épées, la magie, les cavernes sombres ou encore l’habituelle palette de dragons multicolores. C’est du RPG fantasy à dominante SF, comme il existe, à l’inverse, du RPG SF à dominante fantasy, quoique l’on puisse considérer le premier en infériorité numérique par rapport au second. Citons-en quelques-uns : Star Ocean, Front Mission, Rogue Galaxy, Xenopleindetrucs…

Bref.

Le scénario est on ne peut plus basique : l’on y incarne Alys, ou Alis, ou Alysa, ou Alisa, faites votre choix, une jeune femme qui, pour venger la mort son frère, se jure d’écourter le règne tyrannique du régent de la galaxie, le terrible Lassic.

C’est tout.

Nous voila donc ainsi, sans plus d’explications, lâchés dans la nature, avec une épée, quelques PNJ desquels soutirer de chiches informations, et tout plein de balises qui ne demandent qu’à être débalisées : trouver un passe pour accéder au spatioport, dénicher quelques compagnons qui soutiennent notre cause, obtenir de nouveaux véhicules pour outrepasser des obstacles...

C’est très classique, très archaïque aussi. La progression est laborieuse, incertaine, on se promène en voyant ce qu’on peut faire ou ne pas faire, en jaugeant du niveau de nos ennemis pour savoir si l’on devrait, ou non, se trouver à tel endroit à tel moment. Il m’est arrivé de tourner pendant des heures avant de comprendre qu’il me fallait bien répondre à un certain PNJ pour me débloquer – une histoire de "oui" plutôt que d’un "non", l’accident bête, haha, j’en avais le riz jaune, comme on dit (?). Mais bon, au moins, j’aurais terminé le jeu sans recourir à un guide – autre que la notice du jeu. Donc, un brin satisfaisant quand même, en dépit du caractère rageant de l’obstacle susmentionné.

Mais on l’a dit, l’essentiel du jeu tient lieu dans les couloirs tortueux de moult donjons, dont la raison d’être n’est pas toujours très claire, elle non plus ; Le JRPG moderne nous a habitué à explorer des endroits qui permettent de faire avancer l’intrigue et le scénario, mais ici, il faut bien comprendre que ces labyrinthes n’ont parfois pas d’autre vocation que celle de renfermer une pièce d’équipement unique, précieuse, utile, mais nullement requise. Cependant, rien ni personne ne vient nous clarifier ceci ; de ce fait, on continue d’explorer le donjon, en se persuadant qu’il doit bien y avoir autre chose.

Ben non.

C’est le contrecoup d’y jouer sans guide : on perd beaucoup, bôôôôôcoup de temps. Je pense sincèrement que mon contingent d’heures passées à errer de planète en planète aurait pu se trouver divisé par trois, au moins, si j’avais su où aller. Surement plus encore, si je m’étais appuyé sur des cartes toutes faites.

Mais c’eut été dommage !

Parce que bon, quitte à faire ça, autant partir s’enjailler sur Clicker Heroes, Realm Grinder, ou tous ces trucs qui jouent à votre place, en vous précipitant, par-là même, dans un tourbillon infini de vacuité passive. Quel enfer.

Déjà que la grande, très, très grande majorité des combats consiste à valider l’option "Attaquer" en boucle, avec un petit soin de temps en temps, alors si en plus on s’équipe d’un GPS…

Bon, alors, tracer des cartes !

C’est bien beau, ça, mais ça pose d’emblée plusieurs problèmes.

Le premier, c’est que lorsque l’on pénètre dans un donjon, on ignore où l’on se situe par rapport à ce qu’il nous faut explorer. Est-ce que l’entrée se trouve plein-sud, à l’extrémité nord-est, au centre ? On ne sait pas non plus quelle superficie ça va couvrir.

En résulte ainsi, dans un premier temps, ce genre de tracé :

J’aimais bien l’idée de vous scanner ça, parce que j’y vois mon développement en trois étapes. La première, un peu confuse, où je me demande bien pourquoi je n’ai pas directement adopté un tracé anguleux à la Etrian Odyssey ; la seconde, où l’on voit bien que j’ai dessiné les murs un par un, avant de commencer à en empaqueter plusieurs d’un trait, mais où l’on voit surtout un bras mal-placé qui perfore le plafond ; et la troisième, plus propre, pour laquelle je me suis laissé plus d’espace – mais j’ai eu de la chance que mon point d’entrée, placé au centre, coïncide avec le fait que l’entrée se situe, effectivement, au centre.

À partir du quatrième donjon, j’ai changé de format, pour avoir davantage de place. Je me suis dit que ça irait bien, j’ai mis mon point d’entrée à bonne distance mais, cette fois, je n’ai pas eu de chance, et c’est dans un coin qu’elle s’est révélée. Aïe !

Qu’à cela ne tienne, tout problème a sa solution !

Voila, c'est plié, pour ainsi dire.

Reste que c’est confus, comme vous pouvez le voir. En plus du rez-de-chaussée, le donjon compte trois sous-niveaux, qui sont en fait imbriqués, avec soin et méticulosité, les uns sur les autres. Mais ça, je ne l’avais pas encore bien réalisé en traçant cette carte.

A force d’erreurs et de rectifications bien dégueulasses – j’ai commencé avec ce qu’il me restait de cette petite gomme blanche noircie au bout d’un crayon de bois, vous savez, avant d’en utiliser une propre –, j’ai fini par prendre de bonnes habitudes. Se laisser plus de marge, encore, et, une fois les contours du premier niveau bien établis, conserver un agencement rigoureux d’avec les suivants pour mieux m’y retrouver.

Vous avouerez que c’est quand même plus clair, là, non ?

Bon, j’ai encore eu de la chance, puisqu’à force de monter dans cette tour, la surface s’est peu à peu réduite, me permettant ainsi de caser l’intégralité du donjon sur le seul recto d’un feuillet. Ça n’a pas toujours été le cas, ce qui m’a de nouveau poussé à improviser mais, les codes étant bien établis, rien de bien grave ne sera venu les chambouler de là au dernier donjon.

Que voici, bien propre :

On en a fait, du chemin, depuis la première map !

Même si la configuration de cet ultime labyrinthe est assez simpliste, il vous montre l’aboutissement du processus.

Et ça vous divulgâche l’histoire, aussi. Je veux dire, flûte ! Quel genre d’esprit prophétique eut été à même d’envisager que le boss de fin n’eut été autre que Lassic, celui-là même que l’on se fut juré d’éliminer dès les premières secondes de notre aventure ? Et qu’il eut choisi pour tanière, tel le Stéphane Bern de l’an 3000, une forteresse flottante, une fantaisie mégalomane que personne, dans l’histoire des méchants de JRPG, n’aura, par la suite, eu l’audace d’égaler.

Enfin, sauf dans FFVIII...

Tales of Phantasia, Symphonia...

Secret of Mana...

Chrono Trigger, Lufia...

Baten Kaitos…

Plein de jeux, en fait.

Bref, n’en disons pas plus, n’en disons pas moins, sur cette expérience qui ne fut pas sans intérêt, mais qui s’achève désorm–

Hein ? Quoi ?

Ah !

Tiens donc.

Ça se permet un petit twist ?

J’avoue, ça m’a surpris ; je dirais même que ça m’a fait chier, parce qu’il était tard et que je me voyais plus partir dans mon lit plutôt que de repartir dans un donjon. Mais je m’étais donné pour objectif de finir dans la soirée, alors, difficile d’en rester là. Par chance, comme vous pouvez le constater, on reste dans du concis, donc pas de quoi blanchir ses nuits.

Sans vouloir divulguer l’identité de ce true last boss, le très peu d’informations qu’on nous donne à son sujet peut donner l’impression qu’il sort de nulle part, mais il fait écho à un combat précédent, et peut être interprété de diverses façons, sans que ça aille bien loin non plus. J’ai trouvé ça plutôt inattendu – pas folichon, mais inattendu.

Et ce n’est pas le seul point à m’avoir un brin épaté parce que, pour du 8-bit, c’est quand même vachement beau. Faut se resituer dans le contexte d’époque, bien sûr, mais j’imagine fort bien que cette vue d’exploration à la première personne, en simili-3D, puisse avoir provoqué son petit effet, car c’est plutôt réussi – le rendu est fluide, c’est surtout ça qui frappe.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/thumb/d/da/Phantasy_Star_dungeon.gif/220px-Phantasy_Star_dungeon.gif

Et puis le son n’est pas en reste, même si je vais forcément être biaisé sur ce point ; la version japonaise, sur laquelle s’applique la nouvelle traduction, proposait en effet le choix entre deux pistes son ; une classique, avec les beat-box qui ressemblent à des sons de locomotive sous prozac, et une "FM" qui, à mes oreilles, rend le décibel bien plus audible. Si j’ai bien compris, c’est dû à une différence de modèles, la Master System japonaise n’étant pas la même que les autres, elle bénéficiait d’un petit module pour améliorer la qualité du son.

Bref, c’était une expérience fort sympathique – dans la cartographie, surtout. Pour le reste, comme je l’ai dit, les combats sont assez limités, on n’utilise presque jamais les magies par volonté de rationner le peu de PM qu’on nous accorde, l’univers est assez standard, le casting de personnages est ce qu’il est, on ne peut pas trop leur reprocher un manque de développement au vu des limitations techniques de l’époque, mais quand même, moins de chats, c’eût été sympa – et là, vous vous dites que je plaisante, pas du tout, je hais les personnages-chats, c’est mon arsenic, ma kryptonite, chaque fois que j’en vois un, chaque fois que je lis ou j’entends un "Miaou !" ou, pire encore, un "Nya !", il me prend une envie subite et irrésistible de lui balancer des bidons d’essence, d’y jeter une allumette, et de réitérer, en passant, ma demande d’adhésion au célèbre CCC.

À noter, pour finir, que le jeu a bénéficié d’un remake en 2003, sur PS2, baptisé Phantasy Star Generation: 1, mais resté cantonné aux frontières nippones. Visuellement, je trouve certes ça joli, coloré, mais terriblement lisse et insipide, au point que c’en est écœurant, mais du peu que j’en ai vu, malgré tout, ça m’a l’air bien plus accueillant et riche en matière de gameplay.

Il est ressorti sur GBA, aussi, mais à quoi bon vous préciser tout ça, puisque rien ne vaudra jamais la version d'origine – haha, ça y est !, moi aussi je peux sortir ces phrases de vieux con, maintenant.