(Le point de vue développé dans cet article est tout à fait subjectif)

 

GLO, une suite qui tombe à l'eau ? 

 

 

       J'ai toujours adoré Gunnm. Depuis que j'ai vu Gally pour la première fois. J'ai lu tous les tomes de Gunnm, j'ai poursuivi avec Last Order, heureuse que ce chef-d'oeuvre bénéficie d'une fin alternative nous permettant de découvrir d'autres aventures de la belle Gally, après un 9ème et dernier tome que Yukito Kishiro avait bâclé sous la pression de son éditeur. 

Mais finalement, il aurait été préférable que le mangaka s'en tienne à la fin proposée dans Gunnm, tant Last Order s'avère décevant. 

Peut-être serait-il utile de rappeller la trame scénaristique de Gunnm:

Dans un monde post-apocalyptique, l'immense cité céleste, Zalem, surplombe la terre ravagée par les anciens méfaits de l'humanité. Zalem représente une utopie, et reste inatteignable pour les vulgaires habitants de la Terre, considérés par l'élite, soit cette population accrochée aux nuages, comme des cafards: c'est bien simple, si l'on tente de rejoindre la cité suspendue, c'est la mort assurée. Zalem, n'ayant que faire du destin des humains d'ici-bas, les exploitant même pour récolter des matières premières ou d'autres denrées, utilise aussi cet espace ravagé en tant que décharge. Autour de ces déchets s'est pourtant  organisée une ville (Kuzutetsu), une population, qui tente de survivre en tirant partie des ordures rejetées par Zalem pour construire des habitats, ou se faire implanter des membres voir entièrement un corps cybernétique pour s'assurer une plus grande protection contre tous les malades mentaux qui rôdent (et ça, y en a un sacré bon paquet, des énergumènes engendrés par cette société insalubre). Pourtant, ce n'est pas totalement l'anarchie à Kuzutetsu, car Zalem s'ôctroie tout de même une petite présence sur Terre, au travers de "bornes", des robots à l'apparence grotesque, proposant à qui le voudra parmi cette humanité déchue de devenir un "Hunter Warrior", soit un chasseur de primes à l'affût des criminels. Un sacré boulot, qui rapporte toutefois assez pour survivre, car une unité monétaire est quand même présente à Kuzutetsu. Ido, un cybernéticien initialement issu de Zalem et également Hunter Warrior, se promenant dans la fameuse décharge, trouvera une tête de jeune fille, ou plus précisément de cyborg (un individu dôté d'un cerveau humain mais d'un corps mécanique). Il la récupérera, lui redonnera un corps, la baptisera Gally car la jeune fille se montrera totalement amnésique, et la traitera comme sa propre fille. Seulement, notre héroine ne se révélera pas très docile et, découvrant le métier "secret" de celui qu'elle considère comme son père, décidera de devenir à son tour un Hunter Warrior, ayant déjà montré des facultés exceptionnelles au combat au corps à corps. Ido reconnaîtra sa technique de combat, il s'agit du "Panzer Kunst", un art martial né sur Mars censé avoir disparu depuis des siècles. 

A partir de là beaucoup de questions se poseront sur Gally, qui était-elle avant d'être rejetée par Zalem tel un anche déchu, comment se fait-t'il qu'elle maîtrise cet art martial censé avoir disparu? Commencera alors une profonde quête pour Gally tentant de se remémorer son passé, mais également de combattre l'injustice, souvent se trompant d'adversaire, mais surtout de faire valoir son humanité auprès des autres humains qu'elle aimera...

(Euuh... Sinon, vous pouvez tout aussi bien lire le résumé de l'histoire sur Wikipédia)

 

        Gunnm était un chef-d'oeuvre unique, servant de source d'inspiration à d'autres auteurs pour leurs propres oeuvres de science-fiction (notamment Morvan, scénariste de la superbe BD Sillage ; il suffit de voir les ressemblances qu'entretient Nävis, l'héroine, avec Gally...).

Une oeuvre motrice, donc (en passant, James Cameron aurait découvert ce manga via son ami Guillermo del Toro -deux de mes cinéastes favoris-, serait tombé sous le charme et prévoierait une adapation cinématographique; cependant le projet reste encore au stade de rumeur), un seinen (manga visant plutôt un public d'adultes) incontournable, qu'on soit amateur de mangas ou pas. 

Mais je vais arrêter de faire l'éloge de cette oeuvre remarquable (arf) et donc développer en parallèle le cas de sa suite, Gunnm Last Order (bon, alors du coup, je continue l'éloge en quelque sorte). 

 

 T'es bien mignonne, mais c'est pas ton derrière qui va sauver la série...

 

       C'est d'abord avec joie que j'ai acceuilli cette suite. Premier constat en parcourant le manga, le style graphique a changé, on est dans quelque chose de plus "propre", de moins sombre que ce qu'on avait dans Gunnm. Ce changement fait certes perdre à la série un peu de son cachet unique mais il peut être perçu comme un très bon prétexte pour s'accorder à la transition entre la saleté de la Terre, où se déroulait principalement l'action de Gunnm, et l'environnement plus "moderne", propre et aseptisé que représente Zalem (même si on découvre en très peu de temps que l'endroit est lui aussi tombé dans le chaos, après que les citoyens aient découvert le secret de leur belle cité, les concernant au plus profond d'eux-mêmes). 

Gally est principalement concernée par ce changement: dans Last Order, et ce dès le 1er tome, on découvre que son aspect physique a évolué... à mon grand dam.

Auparavant, l'héroine présentait bien plus de charisme, que ce soit dans ses expressions, ses mouvements ou ses attitudes. Il était d'ailleurs intéressant de constater qu'au fur et à mesure des tomes de Gunnm, le personnage évoluait d'un point de vue cérébral. D'abord naïve et candide comme une enfant, ensuite crédule et impatiente comme une adolescente, nerveuse et en quête de reconnaissance comme une jeune femme, phase de transition entre l'adolescence et l'âge adulte... Au fur et à mesure des expériences très rudes qu'elle vivra, Gally changera comme n'importe quel être humain confronté à son environnement. Il y aura même une phase durant laquelle elle sera complètement au service de Zalem et se "transformera" en créature violente et sadique.

Un aperçu des différentes apparences de Gally dans Gunnm 

 

Dans GLO, on se retrouve avec une héroine qui montrera de moins en moins ses sentiments, et on aura finalement l'impression de se retrouver devant une armoire à glace, un penchant féminim de Schwarzie d'autant qu'elle sera dotée d'une force abracadabrante (elle en vient jusqu'à pouvoir contrôler complètement la matière, donc les atomes), ce qui fait d'elle une guerrière invincible et un personnage de moins en moins attachant, qu'on prend moins de plaisir à suivre. Où est donc passée la Gally qui finissait ses combats le corps tranché en deux, attaquant de sang froid des adversaires bien plus grands qu'elle, malgré son petit corps souvent peu puissant (car elle changera souvent d'enveloppe cyber au cours de la série), ne faisant confiance qu'à sa maîtrise semblant innée du Panzer Kunst? 

Ce changement à la fois physique et mental s'exprime beaucoup, pour peu qu'on y fasse attention, dans ses expressions. Son regard, qui reflétait son charisme et sa force de caractère autant que sa sensibilité, s'est transformé dans Last Order en quelque chose de plus froid, de moins émotionnel. Ses grands yeux de poupée sont devenus des yeux que l'on pourrait voir sur n'importe quel autre personnage de n'importe quelle autre BD. C'est bien dommage. 

 

Et non, Gally. Jamais plus.

On est quand même passés de ceci à cela :

                                                                 

Qui êtes vous, et qu'avez-vous fait à Gally ? 

 

        Certains peuvent apprécier le changement. Ce n'est pas simplement le fait de voir qu'un personnage qu'on adore a subit quelques modifications physiques. C'est surtout que ledit personnage n'a plus rien en commun moralement avec ce qu'il était avant, et ça se reflète sur l'apparence.

        Encore, aux 4 premiers de tome de Last Order, ça allait. On retrouvait l'ambiance de la série, l'héroine n'était pas encore trop changée, les combats étaient intéressants, c'était pas mal. Mais c'est à partir du 5ème tome et surtout de l'entrée de Gally et sa bande dans le ZOTT, un grand tournoi opposant des combattants surpuissants, que l'histoire perd son intérêt et devient ridicule. Le problème ne réside pas seulement dans le fait qu'on tombe dans le syndrome Dragon Ball Z et que tout ne devient plus que combats, combats et encore combats. Le truc, c'est qu'on perd non seulement l'héroïne qu'on a adorée, mais aussi que ces combats sont chiants et génériques au possible. Gally ne se bat plus avec la même rage, et on ne sait même pas ce que ces combats lui apporteraient, alors qu'ils avaient tous un but dans Gunnm (vaincre l'injustice, protéger les faibles, ou décompresser après la perte tragique d'un proche -période "Motorball" durant laquelle Gally se bat pour oublier la mort atroce de son premier amour Yugo, après qu'elle ai tout tenté pour le sauver, en vain-). Mais non, ici le but est simplement "je me bats pour moi". Très clair. 

       En se débarassant au fur et à mesure des personnages de Gunnm (Gally aurait pu sauver Lou, une amie dont ont fait la connaissance au 6ème tome, mais l'a finalement abandonnée à son sort, pensant que c'était mieux ainsi), Yukito Kishiro montre clairement son intention de passer à autre chose (de gré ou de force? J'avais lu quelque part que ce tournant de la série avait été ordonné pas ses éditeurs, ce qui ne m'étonnerait guère). On retrouve avec bonheur Desty Nova, savant fou nihiliste qui n'hésite pas à tenter des expériences horribles, à assembler des chairs à des éléments mécaniques, le responsable de quasimment tous les malheurs de Gally. Mais même ce personnage tout bonnement énormissime n'a pas droit à un traitement de qualité, et se retrouve à son tour dédoublé, comme s'il était un produit, un argument marketing à lui tout seul. On se retrouve avec plusieurs Nova et le personnage perd son intérêt, comme tous les autres. On revoit aussi les "doubles" de Gally, créés par Zalem, qui apportent une touche humoristique. 

        D'ailleurs, j'en viens aux ennemis de Gally. Je me souviendrais toujours de son premier ennemi de taille (un boss, en quelques sortes), Makaku. Un cyborg des plus répugnants, accro à l'endorphine sécrétée par le cerveau, qu'il n'hésite pas à substituer à ses victimes. Avec cet ennemi, le ton était déjà donné : Gunnm, c'est gore, mais ça n'empêche pas la présence d'humour (un peu à la manière de ce que fais Osamu Tezuka avec Black Jack par exemple, aborder des thèmes graves et touchants avec un trait d'humour), et l'attitude des ennemis est toujours justifiée et même si on retrouve le stéréotype de la vengeance avec un autre ennemi très important, Zapan (les 2 ennemis sus-cités ont tous deux été "ressucités" par Desty Nova), on arrive cependant à comprendre leur attitude et ce qu'ils ont après Gally. On est pris d'empathie pour eux, tout comme notre héroine qui se remettra souvent en question. 

Ainsi Makaku, qui répugne et terrifie au premier abord, dont on ne souhaite que la mort (cette rime), parvient à nous serrer le coeur de pitié une fois que l'on connaît sa tragique hisoire, comment il a dû vivre dans les égoûts étant gosse et en est venu à perdre son corps, victime de la cruauté et du manque de compréhension des autres. Nova, l'ayant récupéré à l'approche de la mort, lui offre la possibiltité de devenir fort et de s'affranchir de son complexe d'infériorité et du mal-être qu'il a connu toute sa jeune vie en lui offrant un visage d'homme, et un corps de "ver mécanique" lui permettant de prendre possession de n'importe quelle enveloppe corporelle qu'il jugerait assez puissante. Gally étant la première personne "s'intéressant" à lui et ne le fuyant pas par crainte ou dégoût, il sera pris d'un amour abusif pour elle, pervers et mortel. Le premier combat entre Makaku et Gally sera un échec pour celle qui était alors une enfant dans un corps d'adulte, ce qui est aussi le cas de son ennemi. Ils se retrouveront tous deux dôtés d'un nouveau corps bien plus puissant, et au cours d'un superbe affrontement, Gally parviendra à avoir le dessus. Seulement, cette victoire n'est pas des plus glorieuses. Comme tout homme ou enfant blessé, Makaku ne désirait que tendresse et amour maternel, ce à quoi il n'a jamais eu droit ; en apprenant son douloureux passé, Gally, tout comme je l'ai fait, versera sa petite larme... (en fait, je crois bien que j'ai pleuré comme une madeleine à quasiment chaque tome de Gunnm)

Bref, tout ça pour dire que des ennemis aussi touchants bien que tout à fait dégueulasses au premier abord, il n'y en a pas dans GLO. D'ailleurs, le design des cyborgs n'est pas du tout attrayant, ils ne sont ni classes comme Adam Jensen, ni intriguants comme l'osmose chair humaine-pièces mécaniques qui caractérisait les humains à Kuzutetsu. Dépourvus de "vrais" visages, au moins un tantinet humains, on se retrouve avec des adversaires à tête d'écrevisse (franchement, qui voudrait "renaître" en tant que cyborg en se faisant poser une tête de crustacé?), ou encore à ce qui ressemblerait à Predator, armure incluse. En gros, ennemis comme personnages déjà connus depuis Gunnm ou nouveaux alliés n'ont ni classe, ni charisme, rien. 

Pitié, Kishiro, arrêtez le massacre.

 

          Comme je le disais plus haut, les combats sont eux aussi dénués d'intérêt car ils n'ont aucun enjeu aussi important que ce que l'on retrouvait dans Gunnm. Ca peut être marrant deux secondes, mais au fond, ça fait juste mal à notre estime de fan pour le travail du mangaka. On a plus l'impression d'être devant un seinen, avec des thématiques graves nous poussant à nous remettre nous-mêmes en cause; on est devant un shonen lambda, sans ambition, qui tourne en rond.

Ne parlons même pas du tome 11, sans doute le pire de GLO. La moitié du tome (TOUT le tome?) porte sur un combat ridicule, opposant une créature étrange venant de Mercure, qui ce serait formée toute seule et serait venue se battre au tournoi du ZOTT pour l'occasion. Encore, ça, c'est pas le pire. Le pire réside en l'apparence de la bête, assez difforme, mais surtout, dotée d'un immense pénis en guise d'arme. Le gros délire. Zapan qui s'arrache le visage, ça parait presque poétique à côté. Ainsi, le combat s'organise en offensives absurdes, éjac' comprise. Je ne me rappelle même plus comment cette chose a été défaite, je crois que je l'ai volontairement rayé de ma mémoire. Certes, on peut y voir une leçon de morale sur l'importance que les hommes accordent à ce qu'ils ont entre les jambes, mais pour ça, il y a d'autres moyens, comme quand Ido sauve Shumira d'un viol dans Gunnm. C'est quand même plus sympa que de voir un personnage se faire bombarder de coups de verge (heureusement que c'était pas Gally...).

 

 Cette fille me manque...

         Il y a quand même de bonnes surprises dans Last Order. Comme je l'ai déjà dit, l'histoire est bonne jusqu'au tome 4 et les personnages restent assez attachants, même si on était toujours loin du niveau atteint dans Gunnm. Les tomes 8 et 9 se sont avérés particulièrement sympas et divertissants ; on n'y voit pas Gally (de toute façon, vu ce qu'elle est devenue, on rate plus grand chose), mais on y suit les péripéties d'un groupe de vampires (pourquoi pas? Il y a bien un loup-garou dans Ganmu -titre Japonais-, justifié par la science) avant que le monde ne soit divisé en deux parties, soit Zalem et la surface, ceux qui dominent et ceux qui sont dominés. La trame scénaristique est plaisante à suivre, les combats sont sympas, justifiés (raaaah) et dynamiques, et le fait qu'on suive le destin de vampires est quand même très intéressant (j'aimais beaucoup les vampires, avant la vague hormonale de Twilight...).

                                                                    

C'est dans le gros combat des 2 premiers tomes qu'on retrouve notre Gally enragée d'antan, contre un adversaire plutôt intéressant. Mais la bonne surprise était de courte durée....

 

       J'ai décidé d'arrêter de lire GLO à partir du tome 13, je me forçais déjà depuis le 10, en attente d'une bonne surprise, mais elle ne vient pas, et la bonne détermination de Yukito Kishiro non plus. Ce changement pour Gunnm ne constitue pas complètement en une mauvaise chose car j'imagine qu'il trouve quand même son public, au moins des ados intéressés par le gore que propose ce manga. Mais pour les fans comme moi, cette suite est un peu la même chose que les films Resident Evil par rapport aux jeux : un immense, un bon gros fuck aux amateurs de la première heure. C'est bien dommage d'avoir gâché le potentiel qu'avait encore cette série même si ça peut toujours plaire à certains fans. 

 

Reste plus qu'à espérer se réveiller et découvrir que tout cela n'était qu'un mauvais rêve...