Quelle semaine ! Les préparatifs de mon association pour Japan Expo n'avancent pas, et ce n'est pas faute de travailler tous les soirs à la conception du stand, au choix des maquettes, aux finitions des nouveaux modèles, à la création des animations dédiées aux invités prestigieux qui sont légion cette année (pour les fans de SF animée en tout cas). Après 8 heures d'un travail quotidien totalement abrutissant s'en suivent des soirées trop courtes au cours desquelles je peine à trouver quelques minutes à consacrer à mon blog.

Heureusement, quelques touches de fraîcheur constellent mes journées : les commentaires encourageants que je reçois pour mes textes les plus obscurs, la promenade le long du canal de l'Ourcq en rentrant du boulot, les messages d'un chevelu cher à mon coeur, le "poc" d'une bouteille de vin débouchonnée à côté d'un camembert bien coulant.

Et il y a aussi mes coups de coeur de la semaine.


L'OST DE LA SEMAINE

Je pourrais aisément me complaire dans les grands classiques, dont les musiques, adulées des joueurs à juste titre la plupart du temps, mériteraient de rentrer dans la culture générale. Comme il me serait facile, alors, d'écrire une ôde au fabuleux travail de Kô Otani sur Shadow of the Colossus, ou d'encenser Nobuo Uemastu pour l'ensemble de sa carrière. Je pourrais aussi évoquer les compositions mélancoliques du génial Jeremy Soule pour la saga The Elder Scrolls et notamment Morrowind, mon jeu favori de tous les temps. Je marcherais en terrain connu, parfaitement maîtrisé. Parfaitement convenu aussi.

J'aimerais bousculer un peu la monotonie de mon quotidien parisien en évoquant l'OST d'un jeu que je n'ai jamais fini (c'est à peine si je l'avais commencé, d'ailleurs). Une OST à mille lieues des atmosphères sombres et sérieuses dans lesquelles je me plais à évoluer ludiquement, car le jeu qu'elle illuste est le premier d'une saga de RPG comme il n'en existe qu'au Japon, avec des graphismes acidulés remplis de couleurs chatoyantes et des petits personnages mignons en SD.
Typiquement le genre de truc que j'ai du mal à encadrer. Je vous parle d'Atelier Iris : Eternal Mana.

 

Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai joué que quelques heures à ce titre, pour la simple et bonne raison que j'ai une viscérale aversion pour le super deformed. Attention, cela ne m'a pas empêchée de prendre un pied monstrueux sur les premiers Final Fantasy en 2D, ChronoTrigger et tant d'autres, mais c'était l'époque et ses limitations techniques qui voulaient ça ! De nos jours, il s'agit d'un choix de design, une direction artistique assumée, à laquelle je n'adhère pas. Je veux qu'on me vende du rêve, tout simplement : j'ai la trentaine, et ce que je souhaite trouver dans un jeu, ce sont des thématiques matures, des gameplay plus évolués que "pan pan boum boum", des personnages complexes autres que des gamins qui sauvent le monde, des bimbos et des amnésiques. Et surtout, je veux des BEAUX GOSSES. Du fantasme, merde ! C'est pas avec des petits bonshommes dont la tête fait la moitié du corps que je vais nourrir mon harem vidéoludique.

 

Mais trêve de badinage et revenons à nos moutons. Je parlais de la musique d'Atelier Iris, que j'écoute au boulot entre deux vieux podcasts (dont la redécouverte montre combien l'Histoire a souvent donné raison à RaHaN), et qui a le don d'ensoleiller quelque peu un quotidien météorologique maussade dont les fluctuations complètement absurdes ne laissent pas de consterner une pure sudiste telle que moi.

Il n'est en vérité pas nécessaire d'avoir joué au titre pour reconnaître les innombrables qualités de l'ensemble. Les mélodies sucrées m'emportent dans leur univers de douceur et de féérie, tandis que les rythmiques enjouées me font gigoter en cadence sur mon fauteuil à roulettes (je dois passer pour une sacrée autiste auprès de mes collègues, maintenant que j'y pense). Le clavecin synthétique, qui revient très souvent dans les ritournelles de Nakagawa, Achiwa et Tsuchiya, offre une sonorité originale se mariant parfaitement avec l'esthétique délicieusement old-school de l'ensemble.

Lorsqu'un déluge totalement impromptu s'abat sur la ville, dont j'ai un panorama impressionnant depuis l'étage de mon bureau, je chausse rapidement mon casque, m'enfuis dans l'univers d'Atelier Iris, et finalement, l'absence de beaux gosses ne me semble plus être un problème ; je suis bien, au chaud, un sourire dans le coeur.

Ma sonnerie de portable depuis de très longues années ! C'est le thème du tout premier village, là où j'ai arrêté mon aventure, mais j'avais gardé un souvenir si mémorable de cette mélopée citadine mêlant clavecin et accordéon que j'ai immédiatement récupéré l'OST qui, aujourd'hui, ne quitte pas mon iPhone.

 

LA BANDE DESSINEE DE LA SEMAINE

Je me mets des bâtons dans les roues à un point qui m'incite à sérieusement songer au masochisme comme idéale qualification de mon goût pour les sujets trop vastes et passionnants. Inconditionnelle de la bédé depuis que mon papa me lisait, sur ses genoux, les classiques franco-belges en incarnant chaque personnage avec une voix et des attitudes différentes, ajoutant des bruitages, de l'action et souvent des blagues à base de "prout" (mais pourquoi les hommes, quel que soit leur âge, sont-ils tous morts de rire à la simple prononciation de cette onomatopée ???), j'ai depuis élargi mes horizons aux bandes dessinées japonaises et américaines.

 

Et c'est de bande dessinée japonaise que je vais vous parler aujourd'hui, parce que le manga que je lis actuellement est plus qu'un excellent titre, c'est avant tout un classique absolu comparable au phénomène Tintin sous nos lattitudes.

Ashita no Joe est en effet l'oeuvre fondatrice du genre le plus populaire de notre génération, le shônen. Pour tous ceux qui s'imaginent que Dragon Ball est le premier effort du genre, je me vois obligée de briser un trivia extrêmement coriace et pourtant fallacieux. Bien avant les shônen à pouvoirs magiques, il y avait les shônen sportifs, et c'est Takamori qui, utilisant le dessin de Chiba, lui donna en 1968 ses lettres de noblesse grâce à l'histoire de Joe.

 

A 15 ans, Joe Yabuki est un orphelin violent et insolent vivant dans la rue. Nouvel arrivant dans des bidonvilles nippons, il se mêle à une bagarre et défait ses adversaires grâce à sa force et son agilité. Il est alors remarqué par un ancien boxeur professionnel devenu clochard alcoolique. Danpei Tange va tenter d'inculquer l'amour de la boxe et de la discipline à ce fougueux poulain qui ne pense qu'à s'amuser et se battre sans honneur. Grâce à sa patience et à ses encouragements, mais aussi au soutien de nouveaux amis et à la ténacité d'adversaires implacables, Joe mettra un pied dans le monde de la boxe professionnelle et gravira ses échelons, un par un.

Tous les éléments du shônen sont là : le jeune garçon qui, au fond de lui, possède les capacités de faire de grandes choses, des liens forts entre les personnages qui évoluent, se complexifient jusqu'à en devenir ambigus (je pense particulièrement à la rivalité entre Joe et Rikishii, les fans sauront de quoi je parle), et bien sûr la montée en puissance d'un personnage qui, malgré les drames qui émaillent son parcours, va transcender son être pour devenir meilleur. Meilleur dans la boxe, meilleur être humain.

Ashita no Joe est un manga dont le style graphique n'est évidemment pas du tout au goût du jour, et c'est tant mieux en ce qui me concerne, j'ai beaucoup de mal avec l'uniformation du style de dessin des mangaka actuels dont, fort heureusement, certains artistes ne subissent pas l'influence néfaste (Oda, Araki, etc). Le style de Chiba est riche, très expressif, les combats de boxe sont très bien rendus et l'on comprend chaque case sans qu'il soit besoin qu'un tiers personnage nous en explique l'action.

Le générique mythique de la série animée adaptée du manga. Une chanson qui me colle des frissons !

 

Et pour ceux qui s'interrogent sur l'intérêt d'un manga de boxe ou qui n'ont aucune connaissance ni passion pour le sport en question, je vous rassure : je ne savais pas que la boxe me plairait à ce point avant d'ouvrir le premier tome des aventures de Joe. Il n'y a pas besoin de connaissances préalables pour aborder ce manga qui a inspiré les plus grands auteurs de shônen. Ashita no Joe est en effet la première référence toujours citée comme source d'inspiration par le créateur de One Piece, celui de JoJo's Bizarre Adventure ou l'inénarrable Toriyama. C'est cette unanimité autour de l'oeuvre qui m'a donné envie de la découvrir, et je comprends aujourd'hui l'engouement général que tous les Japonais éprouvent pour Ashita no Joe.

Que vous aimiez au détestiez les manga, lire Ashita no Joe, c'est se cultiver en passant des moments tantôt drôles, tantôt tristes, tantôt épiques, mais toujours exceptionnels. Les tomes, édités par Glénat, coûtent la peau du cul, mais se dévorent sans interruption. On espère juste que l'édition française amènera l'oeuvre à son terme...