Suite à l'article
précédent, admettons que Kishimoto a écrit Naruto en
fonction de son propre univers psychique. Reste alors un problème :
comment expliquer qu'en tant que lecteur on puisse se sentir
personnellement touché par cette histoire ?

 

Tout d'abord, c'est une
qualité des artistes de pouvoir créer quelque chose qui est en
rapport avec les particularités de leur époque, voire de l'être
humain en général. On voit bien comment les œuvres de certains
compositeurs classiques parvenues jusqu'à aujourd'hui, continuent à
résonner en nous. Dans une autre mesure, on peut être étonné du
succès toujours actuel de Dragon Ball Z, là ou d'autres séries de
la même époque semblent totalement « has been », voire
dépassées en bon français. Il me semble que cette longévité dans
le succès est une des façons de mesurer l'adéquation entre
l'imaginaire de l'auteur et l'imaginaire des lecteurs. Cette
adéquation n'est autre que ce qu'on appelle couramment le talent,
sans juger pour autant de la qualité technique de la production.

 

Cette universalité des
problématiques psychiques a été postulée par Freud très tôt
dans le développement de la psychanalyse. Il s'agissait pour lui de
faire comprendre à ses lecteurs (des riches Autrichiens ou
Européens) que les problèmes que rencontraient les autres riches
Autrichiens qui venaient consulter étaient de même nature que ceux
des peuples « primitifs » (c'était le terme sympathique
de l'époque servant à désigner les Africains en particuliers, mais
aussi tous les peuples hors de la civilisation occidentale).

Cette mise en
correspondance faisait du coup perdre à ces « primitifs »
leur caractère « primitif ». Vous n'imaginez pas le
scandale à l'époque. D'ailleurs aujourd'hui on trouve toujours un
« scientifique » pour vous expliquer, souvent avec des
mots très doux, que certains peuples sont civilisés et que d'autres
ne le sont pas. Évidemment dans ce genre de cas les occidentaux ne
sont jamais du mauvais côté de la balance. Heureusement on a James
Cameron qui réalise Avatar pour nous illustrer que le niveau
de civilisation, de civilité, n'est sûrement pas à mettre en lien
direct avec le niveau de développement technique.

 

Ainsi, comme tout être
humain est articulé autour des mêmes problématiques psychiques, on
comprend mieux qu'un artiste de l'autre bout de la terre puisque
produire quelque chose en accord avec un public français par
exemple.

 

Certains pourront
objecter à juste titre qu'on pourrait complexifier de façon
conséquence ces propos, que j'élude pas mal de choses. C'est vrai.
Donc si certains d'entre vous désirent poser des questions,
n'hésitez pas. Je tenterais d'y répondre pour approfondir ce sujet.