On observe défiler le générique de fin de Red Read Redemption avec la distincte l’impression d’avoir vécu une partie de la révolution mexicaine de 1910. Car si la narration ne montre aucun didactisme dans son traitement des événements de l’époque et ne prétend nullement à l’exactitude historique, elle permet au joueur de vivre cette époque, et cette région limitrophe entre les États-Unis et le Mexique, avec davantage de profondeur qu’aucun autre moyen artistique à ce jour.

L’œuvre, grâce à ses dialogues toujours remplis d’inventivité et d’humour, permet de toucher du doigt une insoutenable trivialité jusque chez les personnages qui sont restés dans l’histoire. On prend plus que jamais conscience que, là où les livres d’histoire dissertent d’idéaux, de valeurs, de personnages lyriques, il n’y a bien souvent qu’égoisme, cupidité et histoires de fesses.

Et c’est bien le personnage principal, John Marston, lui dont personne ne se souviendra, qui en somme apparaît comme le moins mauvais. Lui qui prête main forte à la fois au révolutionnaire Francisco Madero (que le jeu nomme Abraham Reyes) et au personnage fictif du colonel Agustin Allende, un sbire de Porfirio Díaz (renommé Ignacio Sanchez dans Red Dead Redemption), le président en place. Lui pour qui retrouver une vie paisible de fermier avec sa femme et son fils justifie tous les moyens (y compris tuer, et ô combien souvent). Mais, tout comme l’allumeur de réverbères de Saint-Exupéry, même si ses préoccupations trop simples et primaires (au service desquelles il met un sens de la répartie plein de cynisme et d’astuce) en font un personnage voué à l’oubli, c’est sans doute le moins absurde de tous, peut-être parce qu’il s’occupe d’autre chose que de soi-même.

On regrettera que le jeu nous force parfois à nous égarer dans des trames scénaristiques trop mineures et des tâches trop triviales, même lorsque l’on choisit de ne prêter attention qu’au scénario principal (ce qui ne rend pas justice à la profondeur et à la complexité, peut-être sans pareille à ce jour, de cette œuvre), mais cela fait partie du plaisir de vivre dans le même cadre que les meilleurs Westerns.

On se prend à espérer que, dans quelques années, des jeux comme celui-ci pourront figurer dans une section “À lire, à voir, à jouer” en annexe de certains articles encyclopédiques (en l’occurrence sur la période de l’American Old West ou de la révolution mexicaine).