42

 

Après avoir reboutonné votre pantalon et laissé la dépouille du Dominikstroskanne quelques pas derrière vous, vous bifurquez à l'angle du corridor pour vous retrouver dans une pièce de pierre sombre, à peine éclairée par quatre torches à l'agonie. Aux murs sont accrochés divers trophées aux formes indiscernables, des rouleaux de parchemins représentant d'étranges créatures à grozyeux et à cheveumauves, des poupées vaudous vêtues d'armures en métal doré (vous reconnaissez là ce que les thaumaturges ont coutume d'appeler « mites closes »), ainsi que quelques prospectus promotionnels pour la foire de Nécromancie de Silent Hill en Vivarais. Au centre de la pièce : un comptoir de bois vermoulu, mais ni vert, ni moulu (ce qui n'aurait pas été très pratique, pour un comptoir), auquel est accoudée une créature voutée, livide, qui vous dévisage de ses quatre yeux globuleux.  

En vous approchant un peu d'elle, prudent, vous remarquez qu'elle a les mains carrées.

 

-         Bieeeeenvenuuuuuue, aventurier, lance-t-elle à votre adresse en surjouant à fond le côté « intensité dramatique » de la rencontre. Je suiiiiiis le Jouuuuueur aux Mains Carréééééées et tu t'es perdu dans les ténébreuses profondeuuuuurs de Blog, mon labyrintheeeeee !

-         Un labyrinthe, ça ?, rétorquez-vous, sur le qui-vive, prêt à dégainer l'épée que vous portez au côté, avant d'ajouter : pour l'instant, ce n'est qu'une longue ligne droite dépourvue d'embranchements.

-         Et alors ? réplique du tac au tac, du loto sportif et un peu du keno aussi l'entité disgracieuse, en pointant du doigt un drôle d'artefact posé sur le comptoir, sur  lequel on peut lire « Final Fantasy XIII ».

-         Et alors rien, répondez-vous, déconcerté.

 

Vous ne sauriez dire si c'est un effet de l'encens qui embaume l'atmosphère (du moins espérez-vous qu'il s'agit bien d'encens, car vous avez aussi remarqué que la créature ne porte pas de chaussures), ou de la manière dont les torches projettent des ombres chinoises (ou plutôt japonaises, en fait) aux quatre coins de la salle, ou du regard vicieux posé sur vous, ou de l'air vicié que vous respirez, mais vous avez l'impression que quelque chose ne colle pas. Et vous ne pensez pas seulement à l'affiche mal patafixée qui se décolle lentement derrière votre interlocuteur, non.

 

Le danger est grand, vous le sentez. Que faites-vous ?

Vous tirez l'épée du fourreau et attaquez cet être difforme. Allez au 43

Vous refusez de salir votre lame pour si peu et lui demandez comment sortir de son labyrinthe. Allez au 45

Vous préférez lire « Le Côté Obscur de Joniwan ». Auquel cas, bennn... allez sur le blog du Côté Obscur de Joniwan, pardi.

 

 

43

 

Après avoir rendu mentalement hommage à KrystalWarrior, votre maître d'arme, et exhibé fièrement Excaliburne, votre fidèle épée magique, vous vous jetez sur votre adversaire avec un hurlement héroïque - bien que vulgaire, et impliquant des allusions mesquines à certaines parties peu avantageuses de son anatomie.

 

LE JOUEUR AUX MAINS CARREES

PV : 99999. Attaque : 1D6 + 99999. Défense : 1D6 + 99999. Charisme : 2.

 

Si vous remportez la victoire, allez la savourer au 44

Sinon, ses mains carrées vous tétrissent la figure à mort, jusqu'à vous réduire à l'état de simple pixel. Allez au 12 et recommencez l'aventure.

 

 

44

 

 

Non mais vous vous foutez de moi ?

Vous auriez terrassé votre ennemi avec un misérable D6 ?

Vous n'auriez pas cheaté, des fois ?

Ben quand bien même, c'est mon blog et j'y écris ce que je veux, alors vous êtes morts. Ça vous apprendra à ne pas l'être, tiens. Allez au 12 et recommencez l'aventure.

Deux fois.

 

 

45

 

 

Votre question semble surprendre la créature, qui roule de gros yeux incrédules.

 

           - Sortir de mon labyrinthe ? Et pourquoi faire ? Y'a quoi de mieux, dehors ?, argue-t-elle (sans doute afin de

            vous tester, ou parce que le « dehors » n'est plus qu'un lointain souvenir, pour elle).

 

          - Chais pas, moi, hésitez-vous avec toute l'éloquence qui vous caractérise. Des trucs bangable ?

 

L'argument est de taille. Votre hôte ne peut rien répondre à cela.

 

-         C'est pas faux, acquiesce-t-il (sans doute parce qu'il n'a pas compris le sens du mot « bangable »). Pour que tu puisses poursuivre ta route vers le grand banc gaibeulle, je vais te soumettre une énigme. De sa résolution dépendra ton avenir tout autant que le mien, alors si la nature t'a pourvu d'un cerveau, c'est le moment de le brancher avec toutes les options à ta disposition. Tu vas lire un début de texte et me dire, ensuite, quelle voie tu désires emprunter : choisiras-tu celle de la suite directe, auquel cas ce labyrinthe n'aura plus lieu d'être, ou bien choisiras-tu le labyrinthe, et ne connaitras-tu jamais la suite de cette histoire ? A toi d'en décider.

 

Qu'allez-vous faire ?

Si vous acceptez  de subir l'épreuve, allez au 46.

Si vous refusez de subir l'épreuve, allez sur le blog de Miss V et faites un autre choix.

 

 

(Et pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas compris - ça arrive même aux meilleurs -, je me heurte au dilemme suivant : soit je continue d'écrire le machin qui va suivre, je vais jusqu'au bout et je le publie chez Bragelonne - mais du coup, je dois laisser mon blog en stand-by -, soit je continue mon blog sans rien changer à ma "ligne éditoriale" et je ne vais pas plus loin dans l'aventure. Du coup, si quelqu'un veut donner son avis, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais. Ou qu'il me jette le bouquet de la mariée, à la rigueur).

 

 

46

 

 

Advanced Basses-Cour et Cochon.

A la recherche de Philibert.

 

La petite fille pleurait. Il n'entendait que ça. Des larmes, des sanglots étranglés, quelques quintes de toux, un concerto de reniflements et de coups de trompettes lorsqu'elle se mouchait dans sa manche.

 

Peu importait le brouhaha qui encombrait les rues aussi sûrement que les étals de potatoses ou de fruits de pluvier, peu importait la cacophonie des conversations, peu importait les cris des montreurs d'ours - un peu douloureux, par moments, il préférait ne pas savoir pourquoi -, peu importait la liesse, les grelots, les cithares, peu importait, même, le flot ininterrompu de paroles qui se déversait de la bouche de l'homme enturbanné auquel il faisait face... Les pleurs de la fillette les couvraient tous, sans distinction, au point qu'il ne pouvait penser qu'à eux, au point qu'il ne pouvait penser qu'à elle... Oh ça, ce que disait son contact de la guilde des Maraudeurs - comment s'appelait-il, déjà ? C'était un nom en « ak »... - paraissait passionnant, il le lui accordait. Avec un peu de concentration, par moments, il parvenait à surprendre des termes aussi évocateurs qu'« aventures », « prophétie », « élu » ou « récompenses », mais il avait de plus en plus de mal à s'y intéresser. Quel homme pouvait se soucier de telles choses quand à deux pas de là, une petite fille pleurait ? Les dieux s'étaient réunis quelque part à l'ouest pour livrer une ultime bataille, on attendait de lui qu'il se joigne aux combats mais ça n'avait rien d'une priorité. Si les dieux se souciaient un peu moins des épouses de leurs rivaux, et un peu plus des petites filles en pleurs, sans doute aurait-il été bien mieux disposé à leur égard, mais ça faisait des millénaires qu'ils se tiraient la bourre pour des histoires d'adultère ou de beuveries mal tournées, ce qui cadrait assez mal avec leur statut d'entités supérieures. Elu ou pas élu, il avait sa vie à mener. Sauver le monde n'avait pas d'intérêt si pour ça, on devait tourner le dos à une âme en détresse.

 

Par chance, à ses côtés, du haut de ses deux mètres trente bien tassés, le Machin opinait du chef à la fin de chaque phrase, comme s'il ne perdait pas une miette du récit de leur interlocuteur. Et vu avec quelle intensité son regard luisait, les mots « or » et « joyaux » avaient été prononcés à plusieurs reprises - et avec insistance ! Car malgré sa carrure massive, son visage poupin et ses boucles blondes, sur le plan intellectuel, le Machin ressemblait un peu à ces oiseaux qui aimaient les babioles brillantes et les pierres colorées - à ceci près qu'il aurait été bien en peine de trouver quelqu'un pour couver ses œufs, de donner la béquée ou de construire un nid digne de ce nom.

 

Sémir  - c'est ça, voilà ! Le Maraudeur se prénommait Sémir ! - devait penser qu'il l'écoutait d'une oreille attentive, mais ce n'était pas le genre du Machin : en lieu et place, il se plaisait à imaginer quelles tortures infliger aux individus qui lui adressaient la parole, et à réfléchir aux moyens les moins probables de parvenir à leur subtiliser leurs bourses. Ce qui, le plus souvent, impliquait l'usage incongru de leviers, cordes, boules de feu, briquets en silex et autres portails dimensionnels, dont il n'avait jamais su se servir convenablement.

 

Aussi Bard pouvait-il les laisser tous les deux sans craintes, l'aventurier balafré d'un côté, le servant du chaos de l'autre, pour se mettre à la recherche de la petite éplorée. Sémir ne risquait rien. Chaque fois, c'était la même histoire : avant que le Machin ne brandisse ce qui lui passait sous la main pour l'abattre sur le crâne de sa victime, sur un faux pas ou un mouvement d'une inexplicable maladresse, il trouvait le moyen de retourner l'arme contre lui et de périr des suites de sa blessure, encore, et encore, et encore. Car le Machin ne risquait rien non plus : de par ses ascendants divins, il était immortel, littéralement, ce qui constituait une véritable aubaine en regard du nombre astronomique de fins dramatique qu'il pouvait rencontrer au quotidien... quand il ne les provoquait pas. A force de le côtoyer, Bard se demandait d'ailleurs s'il n'y prenait pas un plaisir malsain : après tout, ça aussi, ça lui aurait bien ressemblé. Parfois, la nuit, quand il ne parvenait pas à dormir, il essayait de se représenter l'intérieur de son crâne : le plus souvent, il voyait ça comme ces théâtres de marionnettes itinérants, plein de bruit, de fureur, de personnages grotesques aux accents improbables, aux mises multicolores, d'intrigues alambiquées, de trahisons, de tromperies, d'humour puéril et de coups de bâtons. Car quoi qu'il se passe, dans sa tête comme dans la vie, ça ne pouvait se finir qu'en coups de bâtons. Une fois - une seule, vraiment ? -, il était mort en tentant d'immobiliser un lutteur Karmesh'ien, tout ça pour pouvoir lui administrer un poison immobilisant. Afin de l'immobiliser. Pour ne pas avoir à l'immobiliser pour pouvoir lui administrer son poison immobilisant. Bard avait souvent rencontré des gens dont il n'aurait su dire s'ils étaient incroyablement intelligents, ou incroyablement stupides, mais le Machin n'était pas de ceux-là. Avec lui, aucun doute n'était permis. Si le chaos l'avait rejeté, ce n'était pas sans raisons. Et chaque jour, Bard se demandait pourquoi il n'en faisait pas autant, lui aussi.

 

Sauf qu'il avait d'autres préoccupations en tête pour le moment. Deux rues à traverser, à peine, et il trouva l'enfant qu'il recherchait : petite et maigrelette, les pommettes criblées de tâches de rousseurs, les cheveux couleurs paille, la robe couverte de poussière et de suie, les joues rougies par un mélange enfantin d'innocence, de douleur et de tristesse manipulatoires.

 

Aussi s'accroupit-il à sa hauteur.

 

Ce fut à peine si elle daigna jeter un coup d'œil au jeune homme fluet qu'il était.

 

-         Bonjour, l'aborda-t-il, avec de la douceur jusque dans son sourire. Je m'appelle Bard, et je suis ménestrel itinérant. Et toi ? Quel est ton nom ?

 

L'espace d'un instant, la fillette ne parut que peu disposée à s'interrompre, puis elle décida que même si ce grand garçon dégingandé n'avait rien du héros dont elle espérait louer les services, après trois jours de pleurs infructueux, il était peut-être dans son intérêt de lui répondre quand même :

 

-         Philibert...

 

-         Philibert ?, enchaîna machinalement l'autre, aussi candide qu'il semblait l'être. C'est... joli. Mais c'est un drôle de nom, non, pour une petite fille ?

 

Elle lui jeta le même regard qu'il réservait au Machin dans ses meilleurs jours.

 

-         N.. non, corrigea-t-elle en hoquetant. Moi, je m'appelle Esverne.

 

-         Et pourquoi tant de pleurs sur un si beaux visage, petite Esverne ?

 

-         C'est... Philibert, hoqueta-t-elle de plus belle. Mon Philibert. Il a disparu.

 

-         Philibert ? C'est un parent à toi ? Ton père ? Ton frère ? Les deux, peut-être ?

 

Il préférait n'exclure aucune éventualité. A force de bourlinguer, il savait d'expérience que quand les humains s'en mêlaient, rien n'était impossible en matière de n'importe quoi.

 

-         C'est mon hamster.

 

Bard opina et passa une main perplexe sur la pointe de son menton, mais il n'eut rien le loisir d'ajouter. A deux rues derrière lui, un cri guttural retentit, aussi rauque et rageur que ceux poussés par certains barbares du Maz'rad lors de la saison des amours, et qui sonnait un peu comme « toupilétoucassétoubroyé ! » - mais en plus primitif. Et bien sûr, ce cri, il le connaissait. Sans doute le Machin  s'était-il lassé de faire semblant d'écouter ce qu'on lui narrait. Ce ne serait plus long, maintenant.

 

-         Ton hamster ?, reprit-il sans s'inquiéter outre mesure. Et tu y es très attaché ?

 

Avant qu'elle ne puisse enchaîner, à deux rues de là, un éclair foudroyant zébra le ciel sans nuages et s'abattit en un point précis de la ville, comme s'il ne ciblait qu'un individu particulier au milieu de la foule. Coïncidence ? Le cri se tut à peu près à la même seconde.

 

-         Oh oui alors, s'enthousiasma Esverne comme s'il ne s'était rien passé. Il est plus gentil que maman, plus drôle que petit frère, plus poilu que papa et plus moustachu que grand-mère. Je l'aime de tout mon cœur.

 

-         Et il a disparu, termina Bard, pour être sûr de comprendre quels étaient les enjeux de la conversation.

 

-         Il s'est échappé avant-hier, et n'est pas revenu depuis.

 

-         Qui n'est pas revenu ?

 

-         Philibert. Mon hamster. Je viens de vous le dire.

 

-         Oui, oui, Philibert, ton hamster, j'avais compris.

 

-         T'es qui, toi ?

 

-         Esverne, vous ne vous souvenez pas ? Vous ne m'avez pas entendu ou bien...

 

-         Si, si, j'ai entendu, j'ai juste cru que c'était toi qui avait...

 

-         J'ai le dos qui picote.

 

A ces mots, tous deux se tournèrent vers le Machin, qui s'était matérialisé quelques secondes plus tôt à deux pas du jeune homme, dans une odeur de buffle des montagnes qui ne trompait pas. De buffle grillé, en l'occurrence. Bard soupira.

 

-         Encore mort ?

 

Ce n'était pas véritablement une question. Plutôt une tradition, à force.

 

-         Encore mort.

 

Ce n'était pas véritablement une réponse non plus. Plutôt un réflexe atavique.

 

-         Le monsieur au turban, il connaissait des sorts.

 

Son infortuné compagnon hésita à poursuivre, tant il redoutait le fond comme la forme de ses explications.

 

-         Et il a dû en faire d'usage parce que...

 

-         J'ai voulu voir si je pouvais me le faire à mains nues, alors j'ai sorti ma hache.

 

Bard aurait pu, bien sûr, lui faire remarquer que sa phrase n'avait aucun sens, mais il aurait été fichu de prendre ça pour un compliment.

 

-         C'est pas de bol, se contenta-t-il de conclure.

 

-         Ça oui, c'est pas de bol.

 

-         Pour moi, je voulais dire...

 

 

A SUIVRE.

OU PAS.

C'EST VOUS QUI VOYEZ.