Cher Gameblogger.

 

Non, ne rougis pas, c'est bien à toi que je m'adresse.

Non, vraiment. J'insiste, ne rougis pas. Tu n'es déjà pas à ton avantage en version « couleur chair », alors le costume alternatif à la Hellboy 2, désolé, ça ne t'arrange pas.

Et du coup, ça ne m'arrange pas non plus.

 

Je sais, je sais. Je me fais rare. Notre doux nid d'amour paraît bien vide, depuis quelques temps. Il ne résonne plus de ces rires mutins que nous échangions, enlacés, lorsque nous tentions désespérément de terminer Dance Dance Revolution en mode Nightmare. Ne crois pas que je te néglige, pourtant, ni qu'au fil des années, la flamme du feu flamboyant de l'incendiaire brasier de notre passion commune se soit ne serait-ce qu'affaiblie. Je te le jure : elle brûle si fort qu'on peut toujours faire griller des chamallows au-dessus. Parole de scout. Sache, donc, qu'au plus profond de mon être, là où même Dominique Strauss Kahn ne s'est jamais aventuré, je te voue encore cet amour pur et sincère (et un chouïa cochon) qui nous a vu rouler dans le foin et la boue au joyeux temps où le foin et la boue n'avaient pas été remplacés par des substituts de synthèses sortis tout droit des labos de chez Monsanto.

 

Simplement voilà, c'est vrai, je te dois la vérité : je mène une double vie. Non mais non, mais ne le prends pas comme ça, mon roudoudou d'amour (fais-moi juste penser à ne plus jamais, jamais, JAMAIS t'appeler mon roudoudou d'amour) ! Mais bien sûr que si, tu comptes à mes yeux ! Au moins jusqu'à trois, regarde : un, deux, trois... Alors, rassuré(e) ? ça ne change rien, pour nous, si ce n'est que tu n'es pas la seule, le seul, raye la mention inutile ou bien ajoute celle qui te correspond, si elle ne figure pas dans les choix à disposition. Par conséquent, je ne peux pas t'accorder l'exclusivité dont tu rêves jour et nuit, et matins, et soirs, et vers dix heures, et dix huit heures, et plus si affinités. Oui. Oui, je m'étais engagé, je sais ! Mais je me dois d'honorer les promesses que j'ai faites par ailleurs ! Tu peux le comprendre, ça ? Hein ? Tu peux le comprendre ? ! Pourquoi te montres-tu aussi égoïste avec moi ? Pourquoi te plais-tu à me faire du mal ? Après tout ce que je t'ai donné, tous ces calembours qui t'ont fait rire aux larmes (ou bien pleurais-tu de consternation ?), tous ces dessins d'avant-garde qui faisaient le bonheur de tes yeux sitôt que tu t'en détournais, c'est comme ça que tu me remercies ? Je ne suis pas ton objet, Gisèle (permets que je t'appelle Gisèle) ! Je ne suis pas ta chose ! Je ne suis pas un numéro, entends-tu ? Je suis un homme libre (oui, je sais, c'est beau ce que je dis, ça me vient comme ça - et n'est-ce pas pour ça que tu m'aimes, du reste ?). Oui, oui, je sais, ce n'est plus comme au début, nous deux, j'en suis conscient : je ne régale plus tes papilles d'esthète de mes textes aux petits oignons qui sentent la friture de neurones, je me contente de dégeler des plats tout préparés dans le grand micro-onde de la banalité. Oui, je ne te fais plus rire à gorge déployée, comme quand je te faisais mes soirées carambars, je sais, mais m***** à la fin ! Sache que j'ai aussi une vie, en dehors de toi ! Il faut que tu l'acceptes, Gisèle, si tu veux continuer à m'aimer ! Je dis ça, c'est pour toi. Moi, je m'aime, ça ne changera pas, alors je n'ai rien à y perdre. Aussi, plutôt que de retourner chez ta mère, qui, je le rappelle, est en prison pour meurtre, installe-toi confortablement dans ton fauteuil et lis l'épisode pilote de KaameLostt que je te propose aujourd'hui.

Tu verras, ça ne te prendra pas plus de deux minutes et tu n'entendras même le « Ding ! » du micro-onde quand ce sera fini.

Si, comme je te le dis.

T'ai-je jamais déçu, Gisèle ?

 

*

 

KaameLostt kézako ?

 

Dans la famille : on n'a pas de pétrole, et en plus, on a des idées faisandées, je demande le grand père arthritique, celui qui confond les antidouleurs avec des sachets de smarties. Apprêtez-vous à découvrir, donc, en « exclusivité internationale Priceminister » (c'est dire si c'est prestige), le script INTEGRAL du premier épisode INEDIT de KAAMELOSTT, spin-off personnel de Lost, traité façon Kaamelott (pour les quelques surdoués parmi vous qui n'auraient pas encore compris).

 

Est-il besoin de présenter l'un ou l'autre ?

 

En deux lignes, Kaamelott, c'est la suite directe de Caméra Café, avec Chouchou et Loulou projetés en plein moyen-âge (si j'ai bien compris la grille des programmes) et Lost, c'est LA série-culte polémique qu'on aime à détester, mix pas si improbable que ça entre Koh Lanta, l'Ile de la Tentation, une séance de Mireille Dumas en deuxième partie de soirée et les épisodes les plus monochromes de la 4ème dimension. Avec un monstre de fumée noire tout droit sorti du narguilhé des scénaristes.


L'Enfer, c'est les Autres

(Théorie de Jean-Paul Sartre quant à la véritable nature de l'Ile)

 

L'argument de départ du spin-off, maintenant ? Réécrire toute l'histoire du point de vue de deux survivants du vol Oceanic 815, qui ne se seraient jamais rendu compte qu'à cent mètres de là, sur la plage, leurs compagnons d'infortune seraient en train de vivre plein d'aventures extraordinaires que même les scénaristes, souvent, ils savent pas ce qui se passe vraiment et pourquoi comment...

Mais ça, c'est si votre serviteur ne s'était pas arrêté d'écrire après l'épisode 1.

Oh, et juste un conseil : essayez d'entendre les voix des acteurs de Kaamelott, en lisant les répliques. Il n'y a que comme ça que vous passerez, peut-être, un bon moment.

 

*

 

Introduction :

 

Un œil s'ouvre sous un cache-paupières, comme on en trouve dans les avions pour permettre aux passagers de dormir. Ce qui, du coup, n'avance pas notre personnage à grand-chose.

 

- Oh ? Oh ooooh ? ! Y'a quelqu'un ? On est arrivé ?

 

Le personnage principal se redresse, ôte son bandeau, puis se tourne à droite et à gauche en découvrant la jungle autour de lui :

 

- Ah ouais, quand même... (une pause) (il remarque un autre personnage, stoïquement assis deux mètres en arrière) Heuuuu, excusez-moi... j'voudrais surtout pas vous alarmer mais on se serait pas un peu crashé, là ?

 

- Crashé ? Bien sûr que non.

 

- Ha bon ? !!! Parce que même si ça sent pareil, ça ressemble pas vraiment aux souvenirs que j'avais de l'avion dans lequel je suis monté, moi ! C'est un peu plus... comment dire... « pittoresque » ? !

 

- Vous dites ça à cause des palmiers ?

 

- Ben entre autres oui. Vous êtes très fort.

 

- Non mais c'est sûr, si on fonctionne comme ça... on pourrait aussi bien dire, genre, qu'on est tous morts et qu'on est au purgatoire, ou bien qu'on est sur l'atlantide, ou qu'on a été enlevés par des extraterrestres. Non, on est en état de choc, c'est tout, faut pas chercher plus loin.

 

- En état de choc ?

 

- Oui, oui. Du coup, on a des hallucinations. Mais en fait, on est toujours dans l'avion.

 

- Et les autres passagers, ils sont où ?

 

- Dans l'avion aussi, quelle question ! Vous êtes un peu lent, vous, non ?

 

- Pourquoi on les voit pas, alors ?

 

- Ben parce qu'ils sont pas en état de choc.

 

- LA VACHE ! C'est balèze, l'état de choc, quand même ! ! Et ils ne nous voient pas non plus ?

 

- Ben si. D'ailleurs vous devriez vous rasseoir, là. Vous aller passer pour un dingue.

 

- C'est vrai. Dans ces circonstances, ce serait dommage. (il se rassoit à même le sol et fait mine de boucler une ceinture invisible). Loin de moi l'idée de vous pomper l'air, hein, à cette altitude, ce serait dommage aussi, mais pourquoi il n'y a que nous deux, en état de choc ?

 

- Ça dépend, ça. Par exemple, vous avez mangé quoi ?

 

- Moi ?

 

- A votre avis ?

 

- Euuuuh... j'aimerais bien vous dire ça, mais visuellement, ça m'a pas marqué.

 

- Et au goût ?

 

- Ah au goût, si, par contre, ça m'a marqué, mais je ne pense pas que ça va nous aider non plus. Ça ressemblait à... un flan de légume au poisson. En sauce. Tiède. Avec un subtil petit arrière goût que ma raison se refuse à identifier. C'est plus fort que moi, dès que j'essaie, ça clignote en rouge dans ma tête. Bref, je crois qu'ils appelaient ça du pavé de colin. Et d'ailleurs, maintenant que j'y pense, ça avait bien le goût du pavé.

 

- Ha ben voilà, cherchez pas plus loin. C'est le colin. J'en ai pris aussi. Deux fois. Tout s'explique.

 

- Vraiment ?

 

- Ah mais carrément. C'est que c'est hyper dangereux, si c'est pas bien préparé, le colin. Ça a été scientifiquement prouvé par... euuuhhh... des scientifiques. (il se dépêche de rajouter : ) Plein !

 

- Vous avez une expérience médicale ?

 

- Oh oui.

 

 

Flashback :

 

Le second passager est installé dans la salle d'attente d'un psychiatre. Une secrétaire entre et lui annonce que c'est son tour. Il se lève et sort à sa suite. Assis non loin, le premier passager est absorbé dans la lecture d'un vieux « Ici Paris ».

 

- Hé ! Revenez sur terre !

 

Le premier passager émerge de sa rêverie, ferme son « Ici Paris » imaginaire, puis répond du tac-au -tac.

 

- Si possible, j'aimerais faire ça en même temps que les autres passagers et que le reste de l'appareil. (une pause). Dites, je me demandais... On s'est pas déjà vu quelque part ?

 

- Genre la destinée, le karma, c'est ça ?

 

- Non, genre on s'est déjà vu quelque part.

 

- C'est de la drague ?

 

- Vous voulez être en état de choc pour une bonne raison ?

 

- Non mais attention, j'aurais trouvé ça flatteur, hein...

 

- Ah oui ? Hé ben PAS MOI !. Et laissez-moi vous dire que votre histoire d'état de choc, là, c'est le grand Barnum Circus de l'explication rationnelle. J'aime bien la partie avec les clowns et les jongleurs, mais j'y crois pas un instant.

 

- Donc vous, vous pensez que nous ne sommes pas en état de choc ?

 

- Oh pour ça, si, pas de problème. L'état de choc, c'est validé. Mais si état de choc il y a, c'est pas à cause d'un poisson trépané, mais parce qu'on s'est car-shé !

 

- OOOOOOK. On s'est crashé, et hop, on est en état de choc. Comme-c'est-fa-cile ! Ha non mais bien, la puissance déductive. Bravo Sherlock. Genre un et un font deux, comme à l'école.

 

- Un et un font pas deux ?

 

- Ma foi, si ça vous arrange de penser comme ça... mais n'empêche que de mon point de vue à moi, au moins, tout s'explique.

 

 

Sur ces entrefaites, un sanglier surgit hors des buissons à dix mètres d'eux et leur fait face, l'air affamé. Blasé, le premier passager se tourne vers le second.

 

- Bon alors et ça, c'est quoi ?

 

- ça ? C'est l'hôtesse, pardi. La plus grande des deux. Linda, je crois. (une pause) Dites donc, on dirait bien que vous lui plaisez, là. Elle vous dé-vore des yeux.

 

- Ouais ben c'est pas mon type.

 

 

Générique de fin.

 

 

En off :

 

- Dites, votre hôtesse... (une pause) J'crois qu'c'est un mâle.

 

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

 

- Bennnnnn...

 

- Ah. Ah oui, effectivement. C'est assez flagrant (une pause). Bon, et après ? Décoincez-vous mon vieux, on est au XXIème siècle ! (une pause plus longue).

 

Sauf si on a voyagé dans le temps, bien sûr.

 

Ha. Ha.