Découvrant à ma grande stupeur (mais sans grande suprise, paradoxalement) qu'Amazon vend des fan-fics de Final Fantasy XV et que celles-ci, bien qu'écrites avec les pieds (et encore, pas avec tous les doigts) obtiennent des cinq étoiles, je me dis qu'il n'y a pas de raison, que moi aussi, je peux devenir une star en écrivant un roman au format A6, avant de me prendre un procès de la part de Square Enix, faire cinq ans de taule "juste pour voir ma tête" puis, le jour de ma sortie, répondre positivement à leur offre d'embauche et vous scénariser Final Fantasy XVI (ou bien vous terminer Kingdom Hearts III, au choix).

D'ailleurs, tiens, maintenant que j'y pense, si j'osais, je traiterais bien l'histoire d'Ardyn Izunia, l'antagoniste enchapeauté du jeu, pour approfondir son background, développer ses motivations, cerner ses contours incertains... c'est là l'intérêt d'un scénario-gruyère : tout est encore à inventer, ou pas loin.

Bon, ce n'est qu'une idée en l'air, une vanne sur le vif, l'impulsion d'une âme désoeuvrée, sauf que... oh... quel est ce prodige ?... voilà que ma plume bouge toute seule... les mots viennent à moi sans effort... pour la première fois depuis trop longtemps, j'écris comme ça me vient, sans prise de tête, et mieux : sans passer deux jours sur une phrase parce que les virgules ne sont pas à la bonne place...

Est-ce donc, cela, le plaisir d'écrire ?

Bref, merci aux deux personnes qui ont cliqué par erreur sur ce post blog en pensant qu'elles allaient voir des boobs. Restez donc un peu, les amis, ce ne sera pas bien long, à peine plus d'une page Word (soit cinq pages de Sword and Guts).

Car voici le Prologue du Roi dans l'Ombre, ma fan-fic' de Final Fantasy XV dédiée à Ardyn Izunia, avec des illustrations somptueuses signées Wroniec.

 

 

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Sur scène les marionnettes s'agitent, se contorsionnent, se dandinent comme des chocobos en fin de vie tandis que pleuvent les coups d'épée, les cris et les injures, et que défilent les visages grotesques taillés dans le bois, tantôt vaincus, tantôt victorieux ; mais c'est à peine s'il s’inquiète de leurs sorts ou de leurs gesticulations. Il ne peut quitter les ficelles des yeux. L'élégance hypnotique avec laquelle elles se croisent, se décroisent, la fluidité avec laquelle elles semblent s'emmêler pour se démêler tout à coup, se détendre à la façon d'un naga qui fondrait sur sa proie, comme si elles étaient investies d'une vie propre et si elles n'en faisaient qu'à leur guise, traînant leurs avatars humains comme des boulets au bout d'une chaîne.

Il n'a pas huit ans, son père est assis à ses côtés et commente chaque retournement de situation, s'exclame à chaque rebondissement, lui donne de petits coups de coude à chaque chute, à chaque plaisanterie, cherchant désespérément son approbation, son sourire, son regard, le moindre début de connivence ; mais lui ne peut pas quitter les ficelles des yeux, leur ballet incessant, leurs ondulations presque obscènes.

D'abord, il se demande pourquoi. Alors qu'un simple sort pourrait animer ces pantins, pourquoi avoir recours à ce stratagème archaïque ? Pourquoi montrer, afficher au vu et au su de tous ce qui devrait rester dans l'ombre, ce qui ne devrait pas être dévoilé ? La magie au-delà de la magie. La réalité au-delà de la réalité. Puis il comprend. Puis il ressent. Les pantins ne sont que des manifestations - des vecteurs, comme dirait son tuteur à l'académie. Ils servent de réceptacle à quelque chose qui les dépasse, quelque chose qui est plus grand qu'eux et en regard duquel ils ne sont rien. Quelque chose qui, sans qu'ils le sachent, les grandira pour mieux les diminuer, et qui n'hésitera pas à les faire souffrir, à les estropier, à les abandonner pour mieux parvenir à ses fins. Alors qu'ils se battent, se débattent et qu'on les croirait vivants, vaillants, maîtres de leur choix, de leurs combats, de leurs amours, ils ne font qu'obéir aux fils, ils dansent comme le destin leur demande de danser.

Les fils, voilà la véritable histoire au-delà de l'histoire.

Les fils, voilà le véritable pouvoir.

Il n'a pas huit ans et pourtant, comment pourrait-il s'amuser, encore moins s'émouvoir, de ces aventures insensées, échevelées, puériles, cette histoire de prince en exil qui tente de reconquérir son royaume, flanqué de ses fidèles amis, le sage, le guerrier, le farceur – quatre contre tout un royaume, à qui voulait-on faire croire ça ? -, héros de pacotille sans personnalité, têtes de bois sans identité, interchangeables, sans âmes, sans substance, pathétiques, insultants ; et cette princesse fragile aux cheveux d'or qui n'est là que pour être aimée, et louée, et sauvée... n'aurait-elle pas quelque intérêt tragique, peut-être, si cet épouvantail mal attifé se décidait enfin à jouer de sa dague au lieu de se répandre en menaces au rabais ?

Spectacle superficiel, inconsistant, réduit à quelques scènes mal ficelées - un comble ! -, succession de ressorts classiques et sans génie, sans âme. Les duels, les voyages, les trahisons, et le vieux roi transpercé dans le dos par l'épée de son serviteur, fier jusque dans son dernier soupir, rien ne retient son attention car rien ne la mérite - si ce n'est les ficelles et ce qu'il devine au-delà.

 

Rentré chez lui, plus tard, beaucoup plus tard, allongé sur ses draps de soie, alors que la constellation Shiva brille dans l'encadrement de sa fenêtre (à moins que ce soit Gilgamesh ? Il les confond toujours), il lui semble les voir encore danser sous ses yeux, se tordre, monter jusqu'aux étoiles et encore au-delà. Les ficelles. A présent qu'il y pense, n'en a-t-il pas vu briller une, fugitivement, au-dessus de Sara, tout à l'heure, lorsqu'elle est venue s'assurer que son petit maître ne manquait de rien ? Et Papa ? Et Maman ? Et les gens de la cour ? Et le peuple du Lucis ? Chacun ne possédait-il pas la sienne, invisible, insécable, qui lui dictait quoi faire comme s'il n'était qu'un jouet, un personnage de conte pour enfant. Et lui ? En a-t-il une, aussi ?

Machinalement, il lève la main, la passe cinq centimètres au-dessus de ses cheveux, en vain.

Évidemment.

Il n'a pas huit ans et il se demande déjà qui les tient, ces ficelles. Qui les agite. Et il se jure, là, maintenant, les larmes aux yeux, roulé en boule dans son lit de petit garçon, dans son petit pyjama de flanelle, fragile, vulnérable, qu'un beau jour, peut-être pas demain, ni après-demain, mais un jour pas si lointain, oui, c'était certain, il les arracherait à leur propriétaire, les lui ôteraient des mains, et il prendrait sa place.

 

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Alors, lecteur hypothétique ?

La suite, ou pas la suite ?

Je te préviens, si tu n'es pas au moins sept mille à réclamer d'autres chapitres, il faudra te contenter de (re)lire mon fantabulistique dossier sur le jeu éponyme (Final Fantasy XV, pour les analphabètes) :

Reconquérir le Trône.

Pour ma part, j'avoue que je me suis pris au jeu, et que j'aurais grand plaisir à poursuivre mon portrait fantasmatique de ce personnage sulfureux.

A bon entendeur...