Dark Dreams Don't End

 

 

Swery, je t'aime. Je te hais aussi, l'un n'empêche pas l'autre. Mais je te le jure sur la tête de Francis York Morgan, si tu reviens, j'annule tout.

Car sans surprise, les deux épisodes (et demi) de la saison 1 de Dark Dreams Don't Die (D4) s'achèvent sur un (gros) cliffhanger, rendu d'autant plus frustrant par l'absence de suite à ce jour - et sans doute pour toujours, l'auteur ayant de menus problèmes de santé à régler, et une fâcheuse tendance à jouer les divas. En conséquence, le jeu abandonne le joueur en pleine ébullition, sans assez d'éléments pour deviner le comment du pourquoi, mais assez pour élaborer déjà mille et une théories abracadabrantesques.

On aurait pu penser que l'expérience Deadly Premonition lui aurait appris deux ou trois petites choses, au père Swery, sur "ce qu'il faut faire ou ne pas faire dans un jeu vidéo", mais non, pas du tout, il se fiche comme d'une guigne de ce genre de "détails", il fait son truc à sa sauce, seul maître à bord, en autiste et si ça plaît, tant mieux. Si ça ne plaît pas, ben... tant mieux aussi ?

Résultat : ce faux Telltale à la sauce point-and-click compte autant de défauts oubliables que de qualités inoubliables, à l'image de son illustre grand frère. Un pitch imparable (un détective privé capable de remonter le temps qui cherche à démasquer l'assassin de sa femme), une ambiance surréaliste à la Twin Peaks, des seconds rôles tous plus barrés les uns que les autres, un jusque-boutisme narratif qui hésite sans arrêt entre génie et mauvais goût... tout ce qui faisait l'intérêt de son prédécesseur, l'esthétique cell-shadée en plus.

 

 

Et à côté de ça, un gameplay raide comme un i trempé dans l'amidon, et un joyeux foutoir de quêtes annexes insipides, pour la plupart résolues en deux clics et trois minutes de temps de chargement, qui ralentissent artificiellement le déroulé de l'intrigue. Intelligemment intégrées à Deadly Premonition, elles tombent ici comme un cheveu sur la soupe - et bien qu'on ait hâte de connaître le prochain twist, de récolter la prochaine pièce du puzzle, l'ambiance est tellement hypnotique qu'on se sent forcé de toutes les résoudre, pour étoffer notre connaissance des personnages, ou des fois qu'on louperait quelque chose, sans qu'elles n'apportent vraiment quoi que ce soit (à part quelques tenues bonus sans intérêt)... alors que le fil directeur de cette enquête au-delà du réel se serait suffi à lui-même.

Une expérience entre frustration incrédule et jubilation intellectuelle, souffrant de ne pas soutenir la comparaison avec son glorieux aîné, qu'elle ne cesse pourtant de rappeler au moindre détour. Mais était-il possible d'égaler l'oeuvre sus-mentionnée avec un quart de jeu sans suite ? Pourtant, pourtant, il vaut mieux avoir vécu ce bout d'aventure que de le bouder sous prétexte qu'il s'achève sans s'achever.

Moi, sur les belles notes d'un générique de fin (ironiquement adressé autant aux personnages qu'aux joueurs eux-même), je retourne à mes théories.

 

 

Diagnostic Psychiatrique : 7,5 weirdo / 10

 

*

 

SPOILER !

Niveau théories perso, deux pistes se détachent de mon lot, sans me satisfaire totalement (et c'est tant mieux. Ce serait triste, sans ça).

- Après avoir été blessé à la tête, David Young est dans le coma. En tant qu'agent infiltré, il sait qui est "D" et ses anciens collègues utilisent un protocole expérimental pour essayer de ramener ce souvenir en surface, en l'obligeant soit à revivre le fil des évènements tels qu'ils sont arrivés, soit à vivre une intrigue fantasmée construite de toutes pièces pour que ses sentiments prennent le pas sur ses blocages mentaux (ce qui expliquerait les incohérences ou les sentiments de déjà-vu). David Young pourrait aussi bien n'avoir jamais été marié à Peggy, et n'être qu'un homme de main de D, d'ailleurs, à qui on ferait croire le contraire pour le retourner contre son patron. Ou bien il pourrait également être D lui-même, et l'interrogatoire pourrait viser à l'amener à révéler la composition du Real Blood...

- D est August Oldman, qui est également David Young. L'intrigue est une boucle temporelle auto-conclusive, un mouvement narratif perpétuel. David Young découvre que D est le père adoptif de Little Peggy, et que la drogue qu'il synthétisait lui servait à chercher un remède à la maladie du sang de cette dernière (ou bien était produite par le sang de celle-ci, exposé à ses traitements ?). Maladie qui est la véritable cause du décès de la jeune femme. Plus âgé, David découvre un memento qui lui permet de revenir dans le lointain passé de son épouse, et devient son père adoptif. Se souvenant de tout ce qu'il a appris au sujet du real blood lors de son enquête, il commence à expérimenter en espérant sauver sa future femme et devient D, ramenant l'intrigue ainsi à son commencement, celle-ci se répétant sans fin ni qu'il puisse changer quoi que ce soit. Ou bien tue-t-il Peggy sous sa forme "Oldman" pour briser la boucle ? Ou bien est-ce Peggy qui essaie de le tuer sous sa forme "Young", pour l'empêcher de devenir Oldman et briser la boucle également ?

- Toujours est-il qu'a priori, c'est Peggy qui a tiré sur David, qu'elle n'a semble-t-il pas été assassinée, mais qu'elle est morte à cause du real Blood, voire qu'elle avait commencé à se transformer en "autre chose" quand c'est arrivé. Notons également qu'il n'est nulle part fait mention de son enfant dans le rapport criminel. Autant d'éléments qui poussent à s'interroger, encore, et encore, et encore.